Critiques Littéraires Essais

L’histoire de Hong Kiltong de Ho Kyun et diverses adaptations

Ce roman écrit vers 1608-1613 par Ho Kyun est généralement considéré comme le premier roman coréen. En effet, il utilise l’alphabet Hangeul (ou Hangûl ) à la place des Hanjas (caractères chinois).

Cette biographie fictive d’un fils d’aristocrate et d’une servante abordent les aspects de la pensée et de la société coréenne de l’époque.

Ce récit occupe une place centrale dans l’histoire littéraire coréenne. Nous commencerons par le schéma narratif du roman. Ensuite, nous verrons le contexte historique durant sa création et les différents thèmes développés par l’auteur. Puis nous découvrirons l’adaptation en série télévisée (drama) ainsi que plusieurs transpositions de ce conte. Et pour finir, nous évoquerons la discrimination actuelle en Corée afin d’évaluer ce thème social à notre époque.

 

 

L’histoire de Hong Kiltong

Auteur : Ho Kyun

Traducteur : Patrick Maurus

Éditeur : Gallimard

Collection : Connaissance de l’Orient

Date de parution : Juin 1994

4Ce récit suit le schéma narratif traditionnel. Tout d’abord, nous apprenons que l’action se déroule sous le règne du roi Sejong de Choson.

Vient ensuite la présentation des personnages : la famille Hong constituée du père ministre, un yangban (aristocrate), sa femme du clan Yu et des deux fils ; L’aîné, Inhyong et Kiltong. Le premier étant le fils de l’épouse officielle du ministre et le second celui de sa servante Ch’unsom. Ce dernier est ainsi considéré comme un enfant illégitime malgré son degré d’intelligence supérieur et n’a pas le droit d’appeler « père » son propre père.

Cependant, après le complot tenté afin de supprimer Kiltong, le ministre Hong pris de pitié, lui autorise à le désigner correctement. Néanmoins, l’élément perturbateur est déjà apparu. Cela déclenche sa décision de partir.

Grâce à sa carrure, il devint le chef des brigands dont il baptisa sa troupe « Hwalbintang » ( «  le Parti pour Sauver les Pauvres » ). Il pilla les riches corrompus pour donner aux pauvres.

Après plusieurs péripéties, il chercha un lieu parfait pour y vivre avec ses « hommes et développer de grands projets ».

Il le découvrit dans l’ « océan du Sud », une île au pays de Yuldo « regorgeant de champs et de rivières fertiles ». Il attaqua Yuldo et monta sur le trône.

Hong Kiltong, le roi, mourut à 72 ans après trente années de règne dans le « royaume en grande paix » devenu riche.

L’auteur Ho Kyun, né en 1569, occupa d’importantes fonctions : précepteur du prince héritier, gouverneur régional, ambassadeur à la cour impériale chinoise. Il se distingue comme le meilleur styliste coréen pour la rédaction en chinois et connaît une renommée qui égale celle de sa sœur, Ho Ran-sol-hyon (1563-1589), considérée, comme la meilleure poétesse de la Corée. Au cours de sa carrière, il connaît à plusieurs reprises la disgrâce. Il est accusé de professer le bouddhisme pour lequel la cour confucéenne n’a que mépris. Compromis dans un complot, il est arrêté et exécuté en 1618.

Ce roman a été traduit et présenté par Patrick Maurus. Il se consacre à la connaissance de la littérature coréenne et enseigne à l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales (INALCO). Il a obtenu diverses fonctions en rapport avec l’Asie, par exemple directeur du Centre culturel de Seoul, et effectua de nombreux travaux, conférences et traductions d’ouvrages orientaux.

Hong Kiltong chon signifie l’histoire de Hong Kiltong. Le mot chon, se trouvant dans le titre de nombreux romans coréens, annonce que le récit se focalisera sur le destin complet d’un héros. Le nom de famille du personnage principal signifie « vaste » en caractères chinois et son prénom « chanceux » et « enfant ».

L’action se situant durant la dynastie Choson, sous le règne du roi Sejong, peut être une volonté de critiquer le présent. Cette période signifiant « Matin clair » est aussi appelée Joseon ou la dynastie Yi. Elle est marquée par le règne du roi Sejong (1418-1450) qui inventa vers 1443-1446 l’alphabet Hunmin jeong-eum ( les « Sons corrects pour l’éducation du peuple »), dit aujourd’hui Hangul. Cela étant pour le bien du peuple un moyen de favoriser l’alphabétisation et de permettre à la Corée de s’affranchir de l’influence chinoise en rapport aux Hanjas, caractères chinois.

Nous ne pouvons parler de ce roman sans aborder le thème du confucianisme Pour cela, deux vidéos/cours offrent « une vue panoramique de l’histoire du confucianisme » et « l’évolution du confucianisme coréen » : Confucius (551-479 av. J.-C) est le premier penseur de l’histoire chinoise à pratiquer un enseignement privé accessible aux élèves de toutes catégories sociales. Cela a donné naissance au confucianisme. C’est une doctrine politique et sociale aspirant à l’ordre et prêchant la paix. Confucius se base sur des idées humanistes. A ses yeux, l’idéal de l’être humain réside dans ses qualités: l’humanité avec la bonté et la générosité, la piété filiale, le courage et l’intelligence. L’être humain doit être un homme de bien et fils du souverain. N’est-ce-pas comment Hong Kiltong est caractérisé?

Le sens moral réside dans la noblesse du coeur et non du sang. En choisissant un héros bâtard, Ho Kyun secoue « l’arbre idéologique du temps ».

Depuis 1471, le code coréen « dénie aux enfants illégitimes les droits des enfants légitimes, non seulement en matière d’héritage, mais dans tous les domaines de la vie ». Le thème de la naissance et la valeur est fondamental dans ce récit.

« La bonté c’est vouloir pour autrui ce que l’on voudrait pour soi-même : se dresser et élever autrui, amener autrui là où l’on est parvenu » ( citation de Confucius ) C’est ainsi que le parti de brigands de Kiltong illustre bien le devoir de protection qu’à le fort envers le faible et envers autrui.

De plus, ce personnage respecte parfaitement les rites même en faveur de ceux à qui il a pourtant beaucoup à reprocher, il se soucie des autres. Confucius disait: « si les rites sont négligés, les châtiments ne sauraient frappés juste ».

La piété filiale faisant partie des valeurs traditionnelles pour Confucius et la pensée coréenne se référant à l’homme d’état, au père de famille et à la famille elle-même, on la retrouve plusieurs fois chez Hong Kiltong, loyal envers le roi et son père.

Par ailleurs, les paroles de Confucius peuvent être, éventuellement, rapprochées au désir de ce personnage : devenir ministre de la guerre (ou directeur du département des affaires militaires) puis quitter le royaume. En effet, lorsqu’il démissionna du gouvernement

de son pays, Confucius dit : « la piété filiale, rien que la piété filiale et l’amour fraternel, c’est déjà un engagement politique. Est-il besoin d’être au gouvernement pour y prendre part? »

Hong Kiltong chon évoque plusieurs thèmes: le pouvoir des nobles, la discrimination des enfants nés de l’union d’un yangban et d’une servante et le confucianisme. Cela montre un niveau élevé de préoccupation sociale et critique les aspects absurdes de la réalité quotidienne de l’époque.

Grâce à l’éditeur et au traducteur, ce récit est devenu accessible aux lecteurs occidentaux, curieux d’en apprendre davantage sur la Corée et son histoire.

Une adaptation de ce roman est sortie en 2008 par le réalisateur Lee Jeong Seob en un drama de 24 épisodes sous le titre de :  Hong Gil Dong.

L’histoire se déroule durant la dynastie Joseon. Elle met en scène le personnage de Hong Gil Dong , celui-ci est le résultat de l’union d’un ministre et d’une esclave, un enfant illégitime. N’étant pas considéré comme un véritable noble, il ne possède aucun des privilèges octroyés à cette position. Après la mort tragique de sa mère tuée par l’épouse légitime du Ministre, une femme perfide et cupide qui fera tout pour discréditer et éliminer Gil Dong à son tour. Par la suite, celui-ci se ralliera et deviendra le leader d’un groupe de bandits volant l’argent des riches corrompus pour le donner aux pauvres .
Il rencontrera la jeune optimiste et naïve Heo Yi Nok, de retour de Chine. Cependant les secrets de ses véritables origines pourraient briser leur amitié évoluant en profond amour.

Yi Nok croisera souvent sur sa route un jeune homme très mystérieux, Chang Hwui. Ce jeune homme taciturne et froid finira par se laisser séduire par la jeune-fille mais sera tiraillé entre l’affection qu’il ressent pour elle et sa mission : récupérer le trône, qui lui revient de droit, car il en est l’héritier légitime. Ainsi Hong Gil Dong et Chang Hwui unissent leurs forces pour faire tomber le roi fou, mais surtout pour rendre ce monde meilleur.

Un K-drama est le terme pour désigner une série télévisée Sud-Coréenne ( la lettre K se référant à Korean ). Pour ce sujet, il s’agit d’un drama historique. Ceci aussi connu sous l’appellation de sageukou de daeha drama relate de manière romancée des événements réels de l’histoire coréenne ou des biographies de personnages historiques réels ou fictifs connus. Ces dramas ont en général la particularité de bénéficier d’une qualité de production excellente, ainsi que de trames narratives complexes et intelligentes mêlant histoires familiales, romance, amitié, commerce, guerres et stratégies politiques. Les décors et les costumes d’époques mis en scènes sont élaborés avec soin, et le spectacle est assuré au travers d’effets spéciaux et de combats où les personnages font preuve d’un certain savoir-faire martial. Je pense que l’une des règles fondamentale du k-drama est de toucher la corde sensible du téléspectateur. Plus que l’action, le drama coréen met en avant la beauté et la force des sentiments.

Cette adaptation du roman Hong Kiltong chon est un mélange de plusieurs genres : il s’agit d’une comédie où le romantisme et l’action sont associés à une part d’histoire. Malgré l’humour déjanté, la vie et les épreuves traversées par les personnages nous offrent des scènes touchantes et émouvantes. De plus, les trois personnages principaux (Hong Gil Dong, Heo Yi Nok et Chang Hwui) sont liés par le destin depuis leur naissance et évoluent petit à petit tout au long des épisodes. Ainsi comme Kang Ji Hwan (l’acteur jouant Hong Gil Dong) le dit dans l’épisode spécial, ce drama est comme du bibimbap, un plat très populaire en Corée (bibim signifiant « mélange » et bap  « le riz cuit »), c’est donc un mélange de différents genres, styles et époques.

Les acteurs ont donné vie aux personnages comme Kang Ji Hwan à Hong Gil Dong. Il lui octroie avec adresse toutes sortes d’expressions. Il peut être un enfant insoucieux, un guerrier acharné, un leader sûr de lui tout en ayant une certaine classe.

Ce personnage est le fil conducteur de l’histoire par son évolution, son rêve d’un monde meilleur.

Cette histoire faite de complots, vengeance, loyauté, histoires de famille et coups d’état en tout genre ne m’a pas laissé indifférente malgré ces longs épisodes. D’une part, l’humour lié aux anachronismes, les combats débordant vers le surréalisme, les sentiments compliqués, les secrets royaux ont su me divertir.

D’autre part, la psychologie fut intéressante: des questions sur les réelles motivations des personnages, sur leurs comportements ont amené une réalité à laquelle on ne s’attend pas. En effet, le drama s’étend avec les questions de conscience, trahison, vérité et vengeance..

Le dénouement reste inoubliable par sa flagrante réalité et n’ayant pas une belle fin heureuse. Ces « héros » donnent l’impression d’avoir appartenu à l’Histoire mais ils ne sont que des personnages fictifs qui peuvent laisser un message aux personnages réels de l’époque. L’histoire se répète et fait le parallèle avec l’actualité pour montrer que les problèmes sont toujours présents.

Grâce aux personnages profonds et colorés, à une histoire dont l’amalgame d’éléments la rend de plus en plus intéressante, au rêve d’un monde meilleur, au sacrifice de ceux qui ont des idéaux, cela devient un drama d’une grande profondeur s’inspirant bien du roman de Ho Kyun.

De plus, différentes adaptations ont été faites. En effet, un livre graphique reprend le conte populaire sous le titre : La légende de Hong Kil Dong, le Robin des Bois de Corée dont l’auteur / illustrateur est Sibley O’Brien Anne.

En outre, en 1967 le premier vrai long métrage d’animation coréen voit le jour. Réalisé par Shin Don-woo, considéré comme le père de l’animation coréenne, il est intitulé Hong Gil-dong.

Par la suite, un manhwa, bande dessinée coréenne, sortit en 2004 et narre une histoire sur le légendaire Hong Gil-dong, fondateur du royaume de Yuldo, décidant de se venger après avoir été victime d’un coup d’état.

De même, un film datant de 2009 raconte l’histoire d’une famille descendant du célébre voleur Hong Gil Dong dont le titre est : Les descendants de Hong Gil Dong.

Ce roman datant du XVIIème siècle suit la tradition du roman chinois. C’est un récit bref se lisant comme un conte ou une ancienne légende. L’intérêt est dans son apport culturel: c’est assurément par son contexte historique, par les enjeux de l’histoire, les thèmes sociaux évoqués et la culture de l’époque que la lecture se révèle si intéressante. De plus, Hong Kiltong chon est le premier roman coréen au sens absolu du terme. En effet, il a été écrit par un auteur coréen qui le rédigea en langue et alphabet coréens et dont l’action se déroule en Corée.

Par ailleurs, c’est l’occasion de découvrir l’origine d’une inspiration importante des scénaristes modernes et autres.

La discrimination est d’actualité en Corée. En effet, le service militaire est obligatoire en Corée pour tous les citoyens masculins d’environ 21ans, exceptés ceux qui ne ressemblent pas à des Asiatiques. Ceci à été décidé d’après la mise en application de la loi du service militaire de 1972. Cette application serait dû aux nombres d’enfants illégitimes nés après la guerre de Corée. Apparemment, cela fait aujourd’hui grand débat étant donné sa nature a caractère raciste.

On reproche souvent aux Coréens leur racisme latent étant la conséquence de siècles de fermeture au monde et d’une éducation enseignant à des générations d’écoliers que le sang coréen est parfaitement pur. C’est une société qui s’est aujourd’hui ouverte à l’extérieur où les mentalités évoluent lentement sous la pression des échanges croissants avec l’extérieur et de la hausse du nombre de mariages internationaux.

Ainsi la discrimination envers les étrangers ou les personnes de « sang-mêlé » existe toujours.Beaucoup de Coréens se considèrent comme une communauté ethnique homogène, presque comme une « race » à part entière, et à se prévaloir de la pureté de leur sang. Cela rejoint l’idée de la valeur et de la naissance dans le roman de Ho Kyun.

Bibliographie

Site Wikipédia, l’encyclopédie libre. Hangul.

URL: http://fr.wikipedia.org/wiki/Hangul

Site Sociocritique. Patrick Maurus.

URL: http://www.sociocritique.com/fr/chercheur/maurus.htm

Site de UOH: Université Ouverte des Humanités. Vidéo/cours: “Histoire du confucianisme : vue panoramique” par Frederick WANG, Professeur des universités, Chercheur enseignant à l’Institut d’Asie Orientale.

URL: http://www.uoh.fr/sections/sciences-homme/philosophie/histoire-du

Site de Canal-U. Vidéothèque numérique de l’enseignement supérieur. Vidéo/cours: « Evolution du confucianisme coréen » par THIEBAULT Philippe, Professeur-chercheur à l’Université Hanyang, Séoul

URL: http://www.canal-u.tv/producteurs/ecole_normale_superieure_de_lyon/dossier_programmes/philosophie_chinoise/evolution_du_confucianisme_coreen

Site de Dorama-world. Hong Gil Dong.

URL: http://www.dorama-world.com/wiki/Hong_Gil_Dong

Site de Charlesbridge. La légende de Hong Kil Dong, le Robin des Bois de Corée

URL: http://www.charlesbridge.com/productdetails.cfm?PC=4365

Site de Koreanfilm. Une brève histoire de l’animation coréenne, Partie II 1967-1972: La première vague de Thomas Gianmarco.

URL: http://koreanfilm.org/ani-history2.html

Site de Manga-news. Histoire d’un guerrier.

URL: http://www.manga-news.com/index.php/serie/Histoire-dun-guerrier

Site de Mangagaru. Les descendants de Hong Gil Dong

URL: http://www.mangagaru.net/drama/1669/

Site de ojardias.blogspot. Carnets de Corée de Frédéric. Article du 13 Mai 2008: DiSKrimination

URL: http://ojardias.blogspot.com/2008_05_01_archive.html

URL 2: http://www.chosun.com/national/news/200402/200402250056.html

Site de Iris, Institut de Recherche Interdisciplinaire sur les enjeux sociaux (Sciences sociales, Politique, Santé). Le Mariage international et la transformation de la société en Corée du Sud.Soutenance de Beetsnara HAN

URL: http://iris.ehess.fr/document.php?id=499

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.