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Entretien avec KIM Jung-gi

Le manhwaga KIM Jung-gi
Le manhwaga KIM Jung-gi

La sortie de votre premier album en France, Spygames, serait l’occasion de mieux vous faire connaître. Pouvez-vous revenir sur votre parcours en quelques mots ?

Je dessine depuis longtemps, et ce pour différents médias tels que la télévision, le cinéma, Internet (webtoon). En ce moment, j’expérimente « le dessin en direct » (ndlr : performance artistique où Kim Jung-gi dessine sur un panneau géant en direct devant son public). Lorsque j’ai été invité au festival international de la bande dessinée d’Angoulême en 2014, j’ai été le premier dessinateur coréen à exécuter ce genre de performance. Je dois dire que ça m’a beaucoup plu. Depuis, je fais des démonstrations un peu partout à travers le monde, je voyage beaucoup. J’ai toujours voulu devenir dessinateur, et je suis heureux de pouvoir vivre de ma passion. En fait, je n’ai jamais  l’impression de travailler, même si j’ai toujours beaucoup de choses à faire [rires].

Spygames est le fruit d’une collaboration avec le scénariste Jean-David Morvan. Comment vous êtes-vous rencontrés ?

En 2009, madame Han Sang-jeong (professeur à l’université Sangji, a étudié les arts graphiques en France) m’a contacté pour me dire qu’elle avait rencontré monsieur Morvan à Angoulême et que celui-ci était très intéressé par mes dessins. Par la suite, monsieur Morvan s’est rendu en Corée à deux reprises ; nous nous sommes rencontrés une première fois dans Insadong en 2010, puis à Hongdae en 2012 (ndlr : Hongdae et Insadong sont deux quartiers de Séoul). Le projet Spygames était né.

Comment le travail s’est-il organisé entre vous deux ?

Nous avions deux taches bien distinctes. Jean écrivait le scénario puis l’envoyait au professeur Han pour qu’elle le traduise. C’est elle qui me transmettait le texte. À partir de quoi je dessinais. La collaboration avec Jean est bien différente de la manière dont je travaille avec d’autres coréens. D’habitude, on me donne des indications simples, on  « plante le décor » sommairement, et c’est à moi de faire le reste. Avec Jean, les consignes sont beaucoup plus précises, tous les détails sont indiqués dans le scénario, du moindre objet qui doit être dessiné jusqu’à la dimension des ombres,  les niveaux de noir, etc. D’une certaine façon, cela me rendait la tache facile, je n’avais qu’à suivre les instructions.

Peut-on parler d’une co-écriture ? Quels ont été les aspects positifs, les problèmes rencontrés au cours de l’élaboration de l’album ?

On ne peut pas vraiment parler de co-écriture dans la mesure où nous ne communiquions jamais directement l’un avec l’autre et que nous devions toujours travailler à distance. L’éloignement et la barrière de la langue ont bien sûr joué dans l’élaboration de l’album. Quand j’avais besoin de précisions, je devais envoyer mes questions à madame Han qui les traduisait avant de les transmettre à Jean. Puis j’attendais un retour. Il  avait donc toujours un certain décalage, avec parfois quelques petites erreurs de compréhension. (ndlr : à ce moment de l’interview, Kim Jung-gi ouvre l’album à la page 18) Vous voyez, ici j’avais représenté des scènes de jour, mais Jean m’a repris en me précisant que l’action se déroulait la nuit ; il a donc fallu que je dessine à nouveau certaines planches. Il y a aussi des contraintes techniques, par exemple les contraintes dues au format de publication. En Corée, les manhwas sont généralement publiés dans un format 17×23, alors qu’en France les bandes dessinées sont habituellement de format 24x 32. L’espace paginal ne s’appréhende donc pas tout à fait de la même manière. Avec Jean, nous nous sommes très bien entendus, et j’espère que nous coordonnerons encore mieux nos efforts au prochain album, qui paraîtra à l’été 2015. Au total, la série Spygames comptera 10 volumes. J’apprend beaucoup à travers ces échanges entre France et Corée. Ici, mon style de trait n’est pas très répandu, voire peu apprécié. Par le passé, beaucoup d’éditeurs ont refusé mes albums, ils me reprochaient de ne pas avoir un style assez japonisant. En France c’est plus facile, plus ouvert.

On sent dans votre découpage et votre mise en scène l’influence du cinéma d’action. Vous êtes-vous appuyé sur certaines références cinématographiques ? 

J’adore regarder des films d’action. Je m’en inspire pour mes dessins. Quand j’étais petit, j’avais l’habitude de dessiner tout ce que je voyais à l’écran, je pouvais tout reproduire dans les moindres détails. Aujourd’hui encore, je dessine en regardant des films d’action ou des émissions sportives.

Il y a sur la couverture un apparent décalage entre le texte et l’image. Le titre Spygames laisse entendre que le scénario est basé sur une histoire d’espionnage, alors que le dessin montre une scène de guérilla urbaine…

Oui. En fait, ce n’est pas la couverture que j’avais réalisée au départ. J’avais d’abord pensé  à des soldats se cachant dans une tour d’immeuble ou préparant l’infiltration d’un bâtiment quelconque, mais l’éditeur m’a demandé si je pouvais dessiner une scène de combat urbain.

Cette idée d’une compétition entre nations, ça fait penser à certains programmes TV actuels. Faut-il voir dans Spygames une critique de la télé-réalité ?

Le premier titre envisagé avait été Olympics of killers. Effectivement, il y a une certaine ressemblance avec la télé-réalité, c’est un peu le même concept : un seul doit “survivre”.

 

Interview réalisée par Julien Paolucci et Philippe Paolucci. Traduction : Seo Woori.

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