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MISES À NU CORÉENNES

cathy rapin mises a nu coréennesDes corps qui ignorent l’oeil qui les fixe et détaille chaque menue partie, vérifie le point qui les assemble en formes gracieuses, inscrites dans la sombre couleur d’une chambre. La pose, immobile donc, agit en réalité dans un espace clos d’où l’on se plaît à imaginer l’arrière-plan où ce même œil scrute le moindre détail à saisir car la forme gracile impose une dictature sans voie de contournement. Le corps s’impose, blanc ou nacré, recouvert parfois d’une robe rouge. Gauguin n’est pas toujours  loin. Tandis que ces corps nus saisissent l’attention, l’enferme dans un espace inaltéré, le poème qui l’accompagne se fait discret, surplombe le tableau, éclaire ce qui risquait l’ombre, nous soutient. Il est poème et non ode. Le dessin est nécessaire à son existence mais le poème choisit une autre voie, celle de précéder notre émotion, notre parole. Bien que le dessin n’ait nul besoin de lui pour exister, — vocation qu’il accomplit sereinement —, le texte nous emmène dans une autre dimension. Mais nul dédale ne nous est offert. L’attaque est franche, établit dans l’urgence la complicité avec le lecteur. Il s’impose naturellement comme si la relation était de longue date établie. Quelquefois, il part d’un point de référence discret, un point qui aurait pu nous échapper, un doigt de pied replié par exemple, pour ensuite évaser le champ du perceptible et nous conduire à une interprétation plurielle. Le poème n’écrase pas le dessin. Il est plutôt en rivalité avec lui, une rivalité dans la jouissance du regard. De l’alliance du dessin et du texte surgit l’érotisme. Le corps fixé par le trait s’anime sous le regard du poète se fraie un chemin dans notre imaginaire et autorise en nous la divagation. La rêverie est alors rendue possible dans l’interstice qui sépare le dessin du texte. Il déflore la sensation première et nous invite à imaginer le mot qui suit, la sensation qu’il accompagne. Les beaux poèmes de Cathy Rapin conçus comme une suite de dialogues avec le peintre Rhee Kwang-bok prolongent l’aventure picturale. Le lecteur, libéré d’une interprétation préemptée par le poète peut alors se laisser aller au plaisir de l’imaginaire. C’est un beau travail et avec un texte bilingue, si peu courant dans l’édition. À lire le plus vite possible.


MISES À NU CORÉENNES. Édition bilingue français-coréen.
DE CATHY RAPIN (textes) et RHEE KWANG-BOK (illustrations)
Atelier des cahiers, 130 pages, 21€.

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