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LA SOCIÉTÉ DE LA TRANSPARENCE

HAN BYUNG CHULAvec ce petit opuscule, Han Byung-chul professeur de philosophie à l’Université des Arts de Berlin, poursuit sa traque de l’identique. Le philosophe aborde cette fois le thème de la transparence qui structure désormais tous les aspects de notre vie, et ce, sous deux angles compris dans la définition du mot. Est transparent ce qui laisse voir ; est transparent ce qui n’offre que le vide. Les deux significations semblant se confondre dans la perspective d’une éradication définitive de la négativité au profit d’une positivité conçue comme but absolu. L’auteur convoque Baudrillard (dont on ne dira jamais assez combien l’œuvre doit être réévaluée), Freud, Simmel pour démontrer que la transparence est impossible, car contraire à la structure psychique humaine. Si la transparence à soi-même est de l’ordre de l’impossible (ce qui supposerait que nous ayons accès à notre inconscient), comment justifier cette quête éperdue, chez les êtres humains, dans les institutions et plus généralement dans la société ? Pour répondre à cette question, il faudrait sans doute opérer un détour et se demander à qui profite le crime ? La transparence, dès lors qu’elle relève d’une recherche d’élucidation ne poserait aucune difficulté en soi, persuadé que la psyché humaine est suffisamment retorse pour trouver une parade, un obstacle insurmontable à sa propre recherche. L’être humain n’est pas démuni d’humour.

Mais cette recherche de transparence présente aussi son versant politique. L’exposition totale, y compris lorsqu’elle est intériorisée au point que la transparence, quand elle n’est pas réclamée, est malgré tout accordée au nom de cette propension à intérioriser les contraintes exogènes. Débarrassés de toute protection, invités à se dévoiler à la télévision, contraint de se mettre à nu, d’être visible dans les open-spaces au travail, l’humain n’a plus besoin d’être inclus dans un panopticon pour être suivi dans ses multiples activités. Le dispositif foucaldien fonctionne à plein rendement. La vie théâtralisée apparaît au grand jour et le contrôle qui est exercée s’en trouve facilité. Paradoxalement, dans ce monde de dérives multiples que nous observons, là où la dissimulation apparaîtrait nécessaire, c’est l’exhortation au dévoilement permanent qui sévit. Le contrôle social autrefois exercé autoritairement se glisse désormais dans nos moindres faits et gestes jusqu’à nous faire exercer un autocontrôle jugé plus efficace.


LA SOCIÉTÉ DE LA TRANSPARENCE
HAN BYUNG-CHUL
Traduit de l’allemand par Olivier MANNONI
PUF, 120 pages, 11 €

 

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