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Un entretien avec Hwang Sok-yong

Hwang Sok-Yong
Hwang Sok-Yong

 

Alors qu’il se rapprochait du roman initiatique autobiographique, son dernier roman, L’Étoile du chien qui attend son repas, est aussi devenu un point de vue sur les problèmes actuels de la société coréenne.

 En premier lieu, pouvez-vous nous en dire un peu plus au sujet de votre dernier travail ?

 Les adolescents coréens souffrent aujourd’hui des concours d’entrée et plus généralement du système éducatif. Grandir dans la société actuelle est très éprouvant et le devient plus encore lors du passage à la vie d’adulte. La concurrence est rude pour le statut financier et social, et beaucoup ont des difficultés pour trouver un emploi en dépit de tous leurs efforts pour acquérir une solide éducation. En faisant le rapprochement avec ma propre expérience dans les années soixante, ma vie errante de l’adolescence jusqu’au début de la vingtaine, je veux dire aux jeunes de ne pas se décourager par toute cette pression. Ils ne devraient pas avoir peur de briser les conventions, le système, et de trouver leur propre style de vie.

 Ca sonne un peu comme un thème universel ?

 Les souffrances et les difficultés dues au fait de grandir sont bien évidemment partagées par tous les jeunes à travers le monde. La génération qui a grandi pendant la période tumultueuse de la modernisation coréenne a cependant souffert d’autres épreuves. C’est une chose que la jeune génération d’aujourd’hui n’a pas connu, et ils tendent à être plus individuels et moins enclin à faire des sacrifices envers autrui. Une autre idée sous-jacente derrière cette histoire fut peut-être d’amener les gens à réfléchir à de telles tendances dans la société contemporaine.

 Diriez-vous qu’il s’agit là d’un constat de l’état du système éducatif contemporain ?

 Dans le livre, le personnage dit à son professeur qu’il veut quitter l’école. Celui-ci lui demande alors d’écrire une lettre lui expliquant les motifs de son abandon. Beaucoup de sujets qu’il avait critiqué dans les années soixante peuvent évidemment être mis en parallèle avec l’Education actuelle. En ce sens, vous pouvez dire que le livre fait un tel constat.

[Il y a peu, Hwang Sok-yong s’est écarté quelque peu du réalisme strict de ses premiers écrits. Il associe imagination et fantastique avec la réalité et la véracité, comme dans des travaux tels que L’invité ou Princesse Bari. Dans les derniers, Hwang n’a pas seulement introduit un thème chamaniste, mais s’est aussi intéressé aux codes du rituel chamaniste. Il n’est pas non plus contre l’expérimentation des nouveaux media pour toucher ses lecteurs, particulièrement la jeune génération dans laquelle il a trouvé un plus large publique depuis Princesse Bari.]

 Est-il vrai que votre dernier travail avait été à l’origine conçu pour être adapté en feuilleton sur internet ?

C’était le cas. Cela fait quelque temps maintenant, il y a eu une scène littéraire très active sur internet. Mais cette scène fut souvent utilisée à des fins commerçantes et consuméristes. Les écrivains importants ont eu tendance à dédaigner internet en tant qu’outil littéraire, et il est peut-être maintenant temps pour eux d’être davantage impliqués. J’ai voulu m’essayer à une expérience de recherche de nouveaux champs d’interaction avec les lecteurs et la communauté des internautes.

 Pensez-vous de la même façon publier vos prochains travaux sur internet ?

 D’abord je voudrai dire que ce fut une expérience très positive. De la petite enfance aux dernières années d’apprentissage, nous partageons tous l’expérience de la scolarité et les épreuves conduisant à la maturité. Au total il y a eu environ 1 800 000 commentaires à propos de la nouvelle. Les week-ends, il pouvait y avoir de 2 à 300 bulletins d’internautes en référence aux textes publiés. Beaucoup de choses ont changé depuis les années soixante, mais derrière les apparences, beaucoup de choses sont restées intactes. Ainsi publiée sur internet, cette histoire a favorisé un dialogue intergénérationnel. Néanmoins, je ne pense pas publier de nouveau d’autres travaux littéraires de cette façon. Je pense cependant lancer un blog littéraire avec un groupe de jeunes auteurs. Je suppose appartenir à ce qu’ils appellent la génération « digilogue », une génération qui utilise internet comme un medium mais qui pense toujours que les sources doivent venir de la lecture des livres.

[Depuis que Hwang Sok-yong a débuté sa carrière littéraire entre la fin des années soixante et le début des années soixante-dix, la Corée du Sud a connu des changements de politiques draconiens. Il ne l’a pas seulement décrit dans ces livres, mais il a été lui-même une des forces instigatrices de ces changements. Il a payé pour cela, au prix de la prison et de l’exil.]

 Vous avez dit peu avant que, dans vos derniers travaux, vous vouliez encourager les jeunes d’aujourd’hui et les inspirer de votre propre jeunesse des années soixante. La situation politique et sociale d’alors, qui a influencé votre opinion, était très distincte de celle actuelle. De quelle façon pensez-vous que ces changements de politiques et de mouvements sociaux ont influencé le regard de la jeune génération ?

 Effectivement, la situation a beaucoup changé. Les jeunes sont aujourd’hui très soucieux de leur individualité et n’accordent pas beaucoup de crédit à la collectivité ou aux groupes. Je pense que les récentes manifestions avec des bougies sont un bon exemple de ce qu’éprouvent les jeunes aujourd’hui. Dans les media, l’accent a été mis sur l’importation du bœuf américain, mais en fait ces manifestations ont été suscitées par un mécontentement venant de nombreux problèmes. Le point intéressant est que ces mouvements n’ont été instigation d’aucune personnalité publique ou organisation, mais bien par la masse des jeunes qui se sont rencontré par internet et ont décidé de commencer ces manifestations. C’est un mouvement cohérent issus de sources diverses, et beaucoup de personnes réputées et très en vue de l’ancienne génération de militants politiques y ont seulement joué un rôle mineur. C’est la voix de la génération internet qui se fait entendre.

 Diriez-vous qu’il s’agit d’un phénomène coréen, reflétant l’utilisation massive d’internet, très populaire dans ce pays ?

 J’ai aussi vu des faits similaires a Londres, Paris et Berlin. Des personnes de tous âges, avec leur propre sensibilité, se rassemblent sous la bannière de la campagne antimilitariste et mènent leur mouvement davantage à la manière d’une fête.

 Pour conclure, pourriez-vous nous en dire un peu plus quant à vos projets futurs ?

 J’ai prévu au départ d’écrire un texte d’un point de vue très large, relatant le développement du capitalisme coréen par le récit de l’histoire de la formation de Gangnam, le quartier séoulien cossu situé au sud du fleuve Han. Mais il y a quelques mois, j’ai visité Bali et j’ai été fasciné par l’hindouisme balinais et sa présence potentielle en n’importe quelle sorte de petit objet. Donc j’ai maintenant changé d’avis et je pense écrire une petite histoire satyrique, empruntant le format de Kkokttu Gakssi, le théâtre traditionnel de marionnettes coréen, avec des personnages esquissés et schématiques gravitant autour de l’histoire.

 

Traduit de l’anglais par Thomas Gillant

AVEC L’AIMABLE AUTORISATION DE KOREA LITERATURE TRANSLATION INSTITUTE (KLTI)

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