Critiques Littéraires Essais

La littérature coréenne

LA LITTERATURE SUD-COREENNE

Mémoire secondaire pour le Master 1 Lettres Modernes parcours « recherche »

INTRODUCTION

La Corée, péninsule d’Asie de l’est coincée entre la Chine et le Japon semble avoir toujours été dans l’ombre de ces pays économiquement et culturellement très puissants. C’est un pays qui possède une Histoire tant passionnante que chaotique1 et dont la plus grande faiblesse est certainement sa division suite à la guerre de Corée, guerre qui a commencé en
1950 et dont l’issue a laissé un pays désorganisé et brisé. Au nord, le pays exerce une politique communiste et désire l’autarcie, tandis qu’au sud, le régime quasi dictatorial jusqu’en 1980 s’est transformé en une politique de mondialisation et une ascension économique importante. La Corée du Sud connait depuis quelques décennies un essor
économique assez important, parvenant même à se hisser au rang des plus grandes puissances mondiales, ce qui relève du miracle selon bon nombre d’économistes. La « Hallye », la vague coréenne, se répand sur le monde entier depuis quelques années en ce qui concerne
notamment la culture cinématographique (films et séries) et musicale (la « K-pop »). Ses effets dépassent largement ce à quoi on aurait pu s’attendre venant d’un pays auparavant si discret d’un point de vue culturel.

Malheureusement cette Hallye concerne peu la littérature coréenne qui reste assez méconnue, du moins en Europe. Celle-ci incite moins à la curiosité que celles d’autres pays, car elle peine à se faire connaître. Très peu d’études de spécialistes et de traducteurs s’attèlent à traduire et à la transmettre. Cependant, dans les années 1980, certains auteurs ont néanmoins commencé à traduire quelques monuments de la littérature coréenne. On assiste par ailleurs à l’émergence de nombreux éditeurs lançant des collections coréennes (Actes Sud, Philippe Picquier, Zulma, L’Harmattan, Autres Temps, Seuil etc.) souvent grâce au soutien de fondations publiques telles que « Korea Literature Translation Institute » ou d’organismes privés comme la « Fondation Daesan ». Plus d’une vingtaine de titres sont désormais traduits
et publiés chaque année en français. A l’inverse, la littérature française et francophone à été et demeure aujourd’hui encore l’une des plus traduite en Corée.

Dans ce rapport, nous nous concentrerons uniquement la littérature sud-coréenne car la littérature nord-coréenne est en grande partie inaccessible. Signalons toutefois qu’un roman nord-coréen vient pour la première fois d’être traduit en Europe (fin 2011). Il s’intitule Des Amis, écrit par Baek Nam Ryon en 1988 et traduit par Patrick Maurus et Yang Jung Hee. Cette œuvre a été publiée chez Actes Sud, une des rares maisons d’édition françaises à posséder une collection entièrement coréenne. L’histoire du roman tourne essentiellement autour de la question du divorce, qui dans certaines sociétés dont coréenne, est assez mal vu. Le livre à été bien reçu par la presse littéraire française, qui voit dans la diffusion de ce titre un moyen de faire tomber quelques préjugés sur la Corée du Nord.

Pourquoi s’intéresser à littérature moderne de la Corée du sud ? Par moderne, nous entendons la littérature du 20ème siècle (dès 1880-1890), date d’ouverte de la Corée sur le monde. Le 20ème siècle est caractérisé par une littérature particulière qui diffère complètement de celle des siècles précédents (de la littérature dite classique). La fin de présence chinoise et l’ouverture des ports japonais au capitaine américain Perry2 en 1853 a plongé le Japon dans une nouvelle modernité qui s’est imposée à la Corée dès 1880. L’annexion de la Corée par le Japon en 1910, la seconde guerre mondiale qui libère la Corée de l’emprise du Japon, et dès
1950 la guerre entre le Nord et le Sud de la Corée (qui a fait plus de 2 millions de victimes) ont été des catastrophes des plus traumatisantes pour le pays. Face à tous ces événements, une nouvelle sensibilité des auteurs émergea au 20ème siècle, renouvelant l’inspiration et la création littéraire. Au début du 20ème siècle, les écrits reflètent avant tout les tendances des intellectuels à la résistance et à la collaboration. Le pays, dont l’identité fut constamment opprimée par les pays envahisseurs, connait une littérature marquée par le problème de l’identité nationale, à la recherche d’un pays perdu, une littérature dont les perceptions sont accrues par l’oppression.

La seconde moitié du 20ième siècle témoigne d’un modernisme qui s’inscrit dans une mondialisation économique et culturelle. Le modernisme est essentiellement transmis par le Japon, puis directement importé des USA dès la fin de la seconde guerre mondiale. Cette mondialisation, qu’Edward Saïd appelle aussi « occidentalisation », terme sur lequel nous reviendrons, doit être nécessairement prise en compte lorsqu’on étudie la littérature d’un pays colonisé. Le terme « colonisation » prend alors une seconde acception, plus abstraite et passive, une colonisation indirecte, qui ne se fait pas par les armes mais par la culture. L’unité culturelle coréenne a été sans cesse mise à mal par des influences étrangères. Même des années après la fin de la guerre, maints auteurs abordent ce choc culturel comme une sorte de traumatisme pour la société. Beaucoup, comme Kim Uchang3, soutiennent qu’il y a un combat à mener contre l’envahissement de ces cultures qui tendent à supprimer la spontanéité de l’esprit.

Je présenterai ci-dessous quelques éléments d’analyse de la littérature moderne d’avant 1945 (Chapitre I) puis une analyse de la littérature moderne d’après guerre (Chapitre II). Cependant, pour mieux aborder ces chapitres, il parait utile d’évoquer au préalable quelques mots à propos de la littérature classique et de ses influences

Longtemps orale, la littérature coréenne classique fut essentiellement constituée de chants rituels, puis de poésie souvent inspirée de légendes et de mythes. L’agriculture a une importance capitale, moyen de subsistance qui est célébré et chanté avec l’éloge de ses divinités bienfaisantes. Diffusée dès le 13ième siècle grâce au développement de l’imprimerie, cette littérature est en chinois. Le pays, presque entièrement conquis par la Chine dès 108 avant Jésus-Christ, a vu l’arrivée du chinois mais aussi celle du confucianisme
et du bouddhisme, deux doctrines qui existent encore de nos jours. Le confucianisme4 à laissé et laisse encore aujourd’hui des traces importantes dans la littérature.

Les premières formes littéraires connues étaient surtout du domaine de la poésie.

L’eau qui descend du mont Sônin coule vers la vallée de Chaha

De la dynastie d’un demi-millénaire ne reste qu’un bruit d’eau

A hûi ya les enfants à quoi sert de connaître les vicissitudes du monde ancien »5

La petite poésie présentée ci-dessus était d’un genre très courant nommé Sijo (qui signifie « air du temps »), voisin du Waga japonais. Apparu à la fin du Hyangga (sorte de chant du terroir) au 14ième siècle, les poèmes Sijo sont généralement formés de trois vers et quatre pieds divisés par une césure, est caractérisés par une brièveté qui permet à peine de formuler une idée ou une image mentale. Ici la vue et l’ouïe sont sollicitées par l’évocation d’un court d’eau. Poème éminemment historique, puisqu’il s’agit d’un monde ancien et d’une
dynastie. Avec Le Kasa, poème en prose rythmé long, ces deux genres étaient les genres poétiques par excellence de Corée. Avec une grande variété de thèmes, et une certaine sensibilité populaire (pour le Sijo notamment), ces poèmes étaient fréquemment récités en guise de distraction lors de fêtes ou des réunions amicales.

Le premier vrai roman écrit en Corée s’intitule Nouvelles Histoires de la tortue d’or, écrit par Kim Si-Sup (1435-1493) au 15ième siècle mais en chinois. Le premier roman réellement rédigé en hangeul apparait seulement au 16ième siècle. En ce qui concerne le théâtre, celui-ci n’a jamais existé autre que sous forme de spectacle de danse ou de spectacle de marionnette. Encore aujourd’hui, le théâtre est peu répandu dans la littérature coréenne.

I) La littérature moderne avant 1945

La Corée subit de 1880 à 1945 un envahissement progressif par le Japon, un Japon vainqueur face à la chine et dont la soif de pouvoir et l’impérialisme s’emparent de la Corée. Cet envahissement devient total et officiel à l’annexion du pays en 1910.

La vie intellectuelle avant 1945 est caractérisée par trois grands courants de pensée que les intellectuels adoptent. Le premier est consiste à s’opposer violemment à l’impérialisme japonais, et cette opposition comporte des risques. Jusqu’en 1919 environ, la majorité des penseurs et écrivains coréens, alarmés par la voracité de l’impérialisme et désarmés par
l’annexion, se rangent dans l’opposition et s’unissent dans une forme de résistance. A cette époque, les manifestations réunissant leaders et civils sont violentes et le nombre de blessés et d’incarcérés est grand, tant la répression japonaise est forte. Le second courant de pensée s’est essentiellement développé entre 1919 et 1930, suite aux tentatives infructueuses de mener une véritable révolution. Les intellectuels se sentent alors impuissants et se tournent en
littérature vers des idéaux classiques confucianistes et modernes européens. Enfin, de 1930 à la fin de la seconde guerre mondiale, la Corée voit naître un revirement et une modification des engagements des intellectuels qui tendent soit vers l’acceptation et la soumission, soit vers la collaboration. Beaucoup seront jugés et emprisonnés pour avoir travaillé avec le Japon.

Bien évidemment, certains littéraires sont également restés fidèles à leurs idées malgré ces trois courants de pensée majoritaires, qu’ils aient ou non des opinions défavorables à l’impérialisme japonais.

a)La résistance au colonialisme

Un des grands auteurs les plus aptes à illustrer la résistance au colonialisme japonais est certainement Han Yong’un, Manhae de son nom de bonze (1877-1944). Cet auteur est resté fidèle à ses idées d’indépendance tout au long de sa vie, écrivain actif dans sa lutte. Il a été l’un des trente-trois signataires et proclamateurs de la déclaration d’indépendance de mars 19196 qui à déclenché un mouvement de protestation dans tout le pays et qui lui a valu trois années de prison, une des sentences des plus sévères pour un leader. Manhae s’est converti au bouddhisme à 28 ans, en 1905, et le bouddhisme a servi de déclencheur pour proclamer la non-violence, et la désobéissance civile de masse, comme le faisait Gandhi en Inde à la même période. Déçu par l’impuissance de se son soutien aux causes coréennes, il a cependant toujours gardé espoir. Sa poésie parle d’amour, de politique avec des idées
d’indépendance et d’autodétermination coréenne, de liberté et d’égalité, et cherche à dénoncer la domination nippone. Ses écrits ont toujours encouragé les coréens à agir. Le silence de Nim, recueil de poèmes traduit en français en 1996, et un des plus célèbres recueils de poèmes coréens. Une fondation qui porte son nom à été créée en 1996 en Corée et décerne des prix annuels. Le but de cette fondation et de promouvoir le bouddhisme, les textes pacifiques de l’auteur et de récompenser certains auteurs talentueux.

 Tu es parti. Ah, mon amour, tu es parti.
Or, je sais qu’en faisant de la séparation la source de larmes inutiles, on détruit l’amour ; aussi, j’ai canalisé l’irrésistible pouvoir de la tristesse en versant ces larmes sur mon front afin de remplacer l’enduit huileux qui le couvrait par un nouvel espoir.
De la même manière que l’on redoute la séparation quand on se rencontre, on garde l’espoir de se revoir au moment de se quitter.
Même si tu es parti, je n’ai jamais dit adieu.

Cet extrait d’un poème intitulé Ton silence, écrit en 1926, aborde le thème de l’espoir après une déception. Le thème de l’amour très cher à l’auteur, et l’évocation d’une bien- aimée est en réalité très souvent la métaphore de l’espoir. Comme dans l’amour, il y a toujours des épreuves à endurer et ce poème est une incitation à être persévérant et à surmonter les épreuves.

b) Le désespoir et la résignation

Le mouvement de 1919, qui a été très vite réprimé par les forces japonaises, laisse place à un important vide intellectuel parmi les littéraires. Les meneurs et leurs troupes se découragent. Les révoltés, poursuivis sans relâche par les militaires et gouvernement japonais, protestent de moins en moins et fuient leur condition de colonisé, ne sachant comment riposter contre l’oppression. En littérature cela se traduit par un retour des valeurs du confucianisme, améliorer l’éducation devient entre autres une priorité, voire une obsession. En parallèle, le désir de moderniser la littérature se fait sentir, puisque les auteurs coréens se passionnent par les mouvements littéraires occidentaux : le symbolisme, le naturalisme, le romantisme et le réalisme sont quelques-uns des mouvements qui ont beaucoup influencé les auteurs coréens. Une nouvelle pensée émerge, un mouvement désigné sous le nom de kaehwa sasang, une pensée qui vient directement des lumières, symbolisée par l’ouverture de l’esprit aux nouvelles pensées et technologies que le monde crée. Il est important de souligner que les lumières et plus vastement l’Europe ont toujours énormément inspiré les coréens et influencé leur culture, et ce encore aujourd’hui. Constatant qu’il existe un écart de classes sociales, des cercles d’intellectuels commencèrent à se former dès 1923, ce qui a fait émerger une littérature prolétarienne pour lutter contre l’impérialisme, moyen indirect d’exprimer le nationalisme coréen. Les intellectuels de l’époque ne font pas le choix de l’abandon de la lutte, mais plutôt celui de se concentrer sur d’autres objectifs, tels que l’éducation mais aussi et surtout la modernisation de la littérature. Le phénomène de colonisation était donc volontairement relégué au second plan. L’humiliation qu’est en train de subir le pays est annihilée par l’occupation que procurent ces nouveaux objectifs.

Cependant, nombreux sont les auteurs qui, bien que découragés par la répression japonaise, n’ont pas totalement réussi à abandonner leur patriotisme et deviennent des personnages qu’il est difficile de situer dans la résistance ou la collaboration, puisqu’ils flirtent avec les deux. Ch’oe Namson7, figure littéraire incontournable, fait partie de cette catégorie. Il est un des premiers réformateurs de la poésie dans la revue a succès Sonyon qu’il a co-crée
(qui veut dire « les jeunes », la force et la vigueur de la jeunesse étant le point central de sa poésie) fondée en 1908 et qui sera éditée jusqu’en 1911. Namson y publie notamment le poème haeegesô sonyiônege qui signifie « la mer aux adolescents ». Ce poème est souvent considéré comme le début de la modernité dans la poésie coréenne, car il renouvelle le genre par l’utilisation des vers libres. Ce poème aura une influence considérable sur la suite de la poésie. Namson s’inspire alors des lumières pour apporter une nouveauté occidentale en matière de rythme dans la poésie, les lumières étant une des sources principale d’inspiration à cette époque, leurs textes étant commentés et traduits dans les revues. Il y a par exemple introduit la ponctuation, ce dont l’écriture coréenne peut à priori se passer (le verbe étant situé systématiquement à la fin, il sert de clôture à la phrase). S’ensuit alors une période très propice aux revues, pratiques pour plusieurs raisons, la revue est un travail collectif, réunissant plusieurs auteurs, elle est facilement éditable, brève et peu chère, et enfin, elle est facilement lisible et garde son utilité d’informer et de transmettre des messages même si le contenu est purement littéraire. Plus de cinq-cents revues seront créées à l’époque suite au succès de Sonyon, dont seulement quelques-unes survivront quelques années. Une dizaine d’entre elles existent encore aujourd’hui.

c) La collaboration

La Corée à été malgré elle engagée dans toutes les guerres menées par le Japon, l’effort de guerre augmentant fortement dès 1930. Le Japon a alors de nouveaux besoins militaires et matériels et toute la Corée est réquisitionnée (terres et hommes). Recrutement forcé, et interdiction totale de parler ou d’écrire en coréen. Il devient obligatoire de porter des noms japonais, entre autres. Toutes ces mesures qui étaient latentes dès l’annexion par le Japon deviennent officielles et sévèrement contrôlées. On assiste alors à une baisse du nationalisme coréen qui va de pair avec la perte d’identité ressentie avec la perte de la langue. Les intellectuels se déclarent vaincus, mais beaucoup d’entre eux se mettent en réalité à

penser que la Corée a intérêt à ce que le japon gagne cette guerre, pays dont les victoires du début du siècle semblent prometteuses. Les recherches actuelles révèlent que la pensée des intellectuels sous la collaboration était bien plus ambiguë qu’on a pu le laisser croire en Corée à la fin de la guerre. Les chercheurs ont du mal à s’accorder sur le réel impact de la collaboration mais annihilent l’idée qu’elle n’ait pas existé. Les intellectuels de cette génération ont pour la plupart fait des études aux Japon, ce qui a facilité leur imprégnation culturelle. Il s’agit là d’abandonner tout espoir d’indépendance et d’accepter la domination du Japon, puisque dans ce monde où le plus fort domine, le Japon est vainqueur face à la Corée. Les intellectuels collaborateurs se servent de leur amitié avec les japonais pour demander une amélioration des conditions de vie et des droits des coréens. En échange, leurs textes deviennent des incitations aux coréens à se sentir japonais, à devenir des membres loyaux de l’empire nippon. En réalité, au fur et à mesure des années de colonisation, les différences d’idéologie entre colonisés et colonisateurs se sont amoindries et beaucoup d’auteurs ont affiché ouvertement leur soutien au japon. On peut véritablement parler de collaboration car ces dérives ont valu plusieurs années de prison après la seconde guère mondiale aux intellectuels les plus impliqués. Ce comportement devient très répandu après 1930, et ces collaborateurs ne le devinrent pour beaucoup seulement que dès 1930, début des victoires du Japon en Chine et dans les autres pays asiatiques. Les intellectuels ont vu dans cette guerre l’opportunité de faire partie de la création du nouvel ordre asiatique à venir. Il s’agissait de se classer parmi les vainqueurs plutôt que les vaincus, pour avoir une chance de conserver un honneur et une identité coréenne. Cependant, de nombreux auteurs continuèrent malgré la menace fasciste japonaise de faire de la littérature résistante, et grand nombre d’entre eux moururent en prison, exécutés en 1944, comme Han Yong-un évoqué précédemment.

Yi Kwangsu, né en 1892, collègue et ami de Ch’oe Namson est aussi un auteur incontournable qui a complètement changé de cap après avoir été emprisonné suite à sa lutte pour l’indépendance. Il a été un l’un des signataires et proclamateur de la déclaration d’indépendance de 1919 et leader du mouvement de protestation. Emprisonné en 1937, c’est en 1939 qu’il a volontairement pris un nom japonais et affiché ouvertement ses positions et activités pro-japonaises, ce qui lui vaudra d’être kidnappé par la Corée du nord et d’y mourir en prison. The Heartless (non traduit en français) est considéré comme le premier roman de
l’ère moderne. Publié en feuilleton dès 1917 dans une des revues les plus célèbres du moment, l’histoire a connu un succès immédiat auprès du lectorat. C’est l’histoire d’un douloureux triangle amoureux entre un instituteur et deux femmes, placée dans un cadre historique
puisque l’auteur a choisi de cerner son histoire par le problème de l’annexion. Ce roman est dit moderne car il évoque avec un langage nouveau, débarrassé de tout archaïsme, une nouvelle morale et manière d’aborder les relations amoureuses.

Durant cette période, s’est introduite en Extrême-Orient la notion de social darwinisme, pensée évolutionniste du 19siècle 8 inspirée de Darwin et de sa théorie de la lutte entre les espèces. Bien que Darwin ait spécifiquement déclaré que sa théorie ne peut en aucun cas s’appliquer à l’homme (au contraire il disait qu’il faut développer les protections sociales et les conduites charitables), certains pays colonisateurs s’en sont servis pour justifier leur domination. Le Japon fait partie de ces pays, notamment sous le gouvernement d’Hirohito9. Concrètement, cette idéologie déclare que les conflits entre hommes est un accélérateur du progrès social et économique, ce qui permet de justifier scientifiquement la colonisation.

Pour faire un parallèle avec la France, en 1880 Emile Gautier évoque pour la première fois dans un essai le social darwinisme et réfute cette théorie, ce qui peut expliquer la faible emprise du social darwinisme en France.

Pour donner quelques exemples concrets sur l’importance du social darwinisme pour la littérature coréenne, parlons du journal samcholli, créé en 1939, qui donne par des essais et des poèmes les raisons qu’ont les coréens de collaborer. Ce journal publie les plus grands intellectuels du moment qui désirent modernité et remise en question des traditions. Les textes sont des appels à l’engagement militaire de la jeunesse dans l’armée japonaise pour la seconde guerre mondiale (ce qui n’empêchait pas les recrutements forcés), des éloges sur les victoires japonaises et l’opportunité qu’elles offrent à la Corée en y créant des emplois modernes dans les usines d’armes. Ce journal était en réalité un compte rendu de discussions et articles rédigés suite aux assemblées des intellectuels qui se réunissaient pour faire le point sur la situation de la Corée et qui réfléchissaient à l’éventuelle union volontaire de la Corée avec le Japon dans la guerre. Un des auteurs de cette assemblée, Hyon Yong sôp à rédigé un ouvrage intitulé Chosônini naagal kil traduit par : «Le Chemin que les coréens doivent emprunter », publié en 1938. Il s’est vendu à plus 14 000 exemplaires en un an. Le message transmis par ces textes est qu’il faut éliminer toute trace du coréen en Corée, langue et culture doivent devenir complètement japonaises et ainsi plus aucun coréen ne souffrirait de discrimination.10

Une des théories admises et vraisemblable qui expliquerait pourquoi le social darwinisme a été si bien accepté en Asie, tant par les pays dominants que par les dominés, serait que le racisme et l’inégalité fondamentale au colonialisme occidental n’était pas affiché ouvertement, les coréens étaient donc traités de manière égalitaire et les deux partis affichaient une volonté de créer un ensemble homogène, sans discrimination ethnique apparente.

II) La littérature moderne après 1945 a) La guerre de Corée

Dans l’immédiat après-guerre, la littérature coréenne est caractérisée par un retour à la liberté, liberté d’opinion mais aussi liberté d’expression car pour la première fois depuis de nombreuses années les auteurs peuvent et doivent réapprendre à écrire en coréen. Les écrivains fusent, avec pour mission d’élaborer une littérature enfin purement coréenne. Mais
l’euphorie de cette liberté fut de brève durée avec l’arrivée malheureuse de la guerre de Corée, après des mois de lutte entre les partis de droite et de gauche pour reprendre en main le pouvoir et le redressement du pays. Cette déception, comme on peut facilement la concevoir, se dépeint dans les œuvres de nombreux auteurs en proie à une nouvelle détresse. La recherche d’identité nouvelle du pays, la vie paisible qui aurait pu être la leur sont des problèmes récemment abordés, teintés d’un idéalisme trop vite déçu et d’une sorte de nihilisme qui ankylose toute positivité. Cet endormissement, ou plutôt ce nihilisme de la part des auteurs, durera jusqu’au mouvement des étudiants du 19 avril 196011, premier mouvement étudiant important qui fait tomber un régime alors très autoritaire, mais mouvement qui sera vite annihilé par le coup d’état en 1961. Dans les années cinquante, les œuvres de fiction évoqueront presque toujours la Guerre de Corée, qu’elles prennent pour thème ou pour simple décor. Il y a une véritable génération « guerre de Corée » qui a été, parfois même plus que la seconde guerre mondiale, un vrai traumatisme pour les familles et la structure du pays, d’autant plus qu’il s’agissait d’un conflit entièrement coréen, dont l’absurdité remet en question toute l’existence humaine.

Hwang Sok-Yong, est un auteur sud-coréen important, né en 1943, dont le parcours et les écrits reflètent les traumatismes de toute cette génération. Il a en effet connu tous les bouleversements tragiques qui ont secoué la Corée au cours de la seconde moitié du 20ième siècle. Ecrivain engagé, ses convictions politiques à propos du conflit Nord/Sud lui ont coûté cher. Exil, puis prison parce qu’il s’est rendu en Corée du Nord en enfreignant une loi de sécurité sud-coréenne, ce qui lui coûta cinq années de prison dans les années 1990. Un de ses livres les plus lus, Le Vieux Jardin, est traduit en français et publié chez Zulma en 2005. Il a également été adapté au cinéma en 2007. Il s’agit d’un roman d’amour avec l’après-guerre de Corée en toile de fond. C’est la vie d’un opposant politique libéré après 18 ans de prison, qui en sortant se rend compte qu’il est seul, puisque ça femme est décédée et que la Corée n’est plus celle qu’il a connue. Il remue donc le passé et ses illusions perdues.

b) Le post-colonialisme

C’est seulement à partir des années 1980-1990 que se pose dans la littérature coréenne la question du post colonialisme. Avec les deux guerres qui ont longtemps été les sujets favoris des publications, c’est un thème qui arrive à retardement faute de recul et de temps. Lisons ci-dessous un extrait d’un entretien publié sur internet dans lequel Charles Bonn, spécialiste de la littérature francophone évoque comment la littérature francophone est reçue en Corée du Sud 12:

« C’est quand même curieux qu’en Corée on s’intéresse plus à la littérature francophone qu’à la littérature française. Pourquoi ? Tout simplement parce que les Coréens ont été colonisés par les Japonais, et comme les francophones sont d’anciens colonisés, lorsqu’on leur demande, les chercheurs répondent : « c’est l’histoire coloniale qui nous intéresse ».

Cette analyse nous montre le colonialisme est très présent dans l’horizon d’attente des lecteurs coréens, et ce encore aujourd’hui. C’est un thème qui renouvelle la littérature puisqu’il fait appel à de nouvelles émotions et motive un regain indirect du nationalisme coréen. On peut identifier une étape de « retour en arrière » dans la littérature coréenne, comme dans celle de beaucoup de pays colonisés : Le confucianisme, la tradition, l’amour de la nature, sont des thèmes qui reviennent à la mode. Cependant, le passé colonial de la Corée
reste peu mis en avant, car le pays veut se tourner vers l’avenir plutôt que de ressasser le passé et de garder des rancœurs envers son voisin japonais. S’ajoutent donc les thèmes de l’identité, de la race, du multiculturalisme, et plus largement de la mondialisation. La littérature est l’un des seuls domaines avec la culture cinématographique qui se permet d’aborder le sujet du colonialisme, plutôt utilisé en arrière-plan ou dans les documents ou œuvres à caractère historique.

Jo Jong-Nae, est un auteur dont le projet de sa vie est de permettre à la Corée d’effectuer un travail de mémoire. Arirang (qui relate les évènement historiques de la première moitié du 20ième siècle), et La Chaîne des monts Taebeck (seconde moitié du 20ième siècle) sont les titres d’œuvres immenses publiées en plusieurs volumes, traduites en français et publiées chez l’Harmattan. Le but premier de l’auteur est de rétablir la vérité historique à propos du 20ème siècle. Il insiste notamment sur la violence faite aux coréens par les colonisateurs, les tortures physiques et morales. Il se fait porte parole des héros morts pour la résistance et dénonce le fait que l’Histoire à été déformée, la collaboration sous-estimée et oubliée. Il est un des rares auteurs à avoir autant approfondi ces aspects de l’Histoire.

La littérature d’après-guerre soulève aussi le problème de l’identité. Problème d’identité lié à des années de colonisation mais aussi à la nouvelle société engendrée par le capitalisme américain, qui n’a pas laissé au pays le temps de se créer une identité pleinement coréenne. L’essor économique important et brusque qui naît dans les années 1970 revient souvent comme thème, de même que de nouvelles techniques narratrices deviennent plus courantes, telles que l’utilisation du monologue intérieur et l’écriture du flux de conscience. Ces thèmes sont par exemple soulevés par Ch’oe Inho en 1963 dans une nouvelle courte mais dérangeante intitulée La Tour des fourmis. Nouvelle à teneur surréaliste et maussade, elle raconte la lutte entre un sud-coréen et les fourmis qui envahissent son appartement, et qui deviennent pour lui une obsession puisqu’il met en place des stratagèmes pour les éradiquer, sans succès. Cette nouvelle est une critique acerbe de la société moderne sud-coréenne. Le héros est un publicitaire embourbé dans une frénésie de consommation et une vie sans amour ni attachement. Les fourmis deviennent une masse incontrôlable, unie dans le travail acharné, le partage des taches et la lutte pour manger. Se pose la question de la collectivité (les fourmis, à mettre en lien avec le communisme nord-coréen ?) mais aussi de l’identité : les fourmis, en apparence si inoffensives deviennent par leur nombre une entité plus importante que le héros qui devient impuissant. Plus encore il abandonne « la lutte » face aux fourmis (fourmis qui ne sont jamais humanisées ou montrées sous un mauvais jour) et a un
comportement étrangement suicidaire, puisque la nouvelle se termine lorsqu’il se plonge dans un bain de sucre et attend que les fourmis viennent se repaître de lui.

c) L’ « Orientalisme »

Beaucoup de spécialistes, notamment en sociologie s’accordent à dire que le colonialisme peut prendre une autre forme que colonialisme politique et militaire. Ashis Nandy13, un sociologue indien à dit qu’ « il existe un colonialisme qui ne colonise pas seulement les corps mais aussi les entendements… L’Occident est maintenant partout, en Occident et ailleurs, dans les structures et dans les esprits ». Et il n’est pas le seul à penser comme ceci.

Edward Saïd, qui à écrit L’Orientalisme, paru en 1978, à mis en place une théorie dans laquelle sont fournis des outils critiques permettant d’analyser les systématismes culturels qui ont lieu dans les pays après leur colonisation. Il parle principalement des pays faisant partie des anciens empires coloniaux français, britanniques, espagnols et portugais, mais étend son raisonnement à l’Extrême-Orient qu’il considère avoir été occidentalisé par les Etats-Unis.

« Ceux-là mêmes qui ont lutté contre la première colonisation ne mesurent pas à quel point ils ont intériorisé les normes de leurs ennemis d’antan : les politiques dites de développement, de modernisation, telles qu’elles sont engagées par les dirigeants du Tiers-monde, ne font que détruire notre culture sans même y substituer la prospérité. (…) L’orientalisme n’est donc pas une simple thèse ou domaine politique reflété passivement par la culture, l’érudition ou les institutions; il n’est pas non plus une collection vaste et diffuse de textes sur l’Orient; il ne représente pas, il n’exprime pas quelque infâme complot impérialiste « occidental » destiné à opprimer le monde « oriental ». C’est plutôt la distribution d’une certaine conception géo-économique dans des textes d’esthétique, d’érudition, d’économie, de sociologie, d’histoire et de philologie; c’est l’élaboration non seulement d’une distinction géographique (le monde est composé de deux moitiés inégales: l’Orient et l’Occident), mais aussi de toute une série d’« intérêts » que non seulement il crée, mais encore entretient par des moyens tels que les découvertes érudites, la reconstruction philologique, l’analyse psychologique, la description de paysages et la description sociologique. »14

Cette citation montre bien que l’orientalisme tel que le conçoit Saïd est une sorte de contamination lente et passive d’une culture par une autre. C’est aussi l’instauration d’un clivage Occident/Orient qui s’introduit comme étant légitime dans le conscient collectif et qui
« formate » l’Orient puisque celui-ci n’est pas libre de se détacher de l’occident (ceci étant l’un des effets de la colonisation). Une Enfance en Corée15  illustre bien l’importance de l’arrivée de l’Occident et plus précisément de l’Europe dans la culture et l’éducation coréenne. L’auteur, Li Mirok16, revient sur son enfance dans un ouvrage autobiographique et offre une occasion de constater le choc des cultures. Il décrit les européens comme « des hommes blonds » érudits et éclairés :

Ils ne connaissaient ni soucis matériels, ni lutte pour la vie, ni vice. Ils passaient leur temps à étudier la nature et le cosmos, et suivaient la voie de la sagesse. C’est là-bas qu’il fallait avoir étudié si l’on voulait être un vrai érudit dans la nouvelle culture. Là-bas on pouvait tout voir soi-même 17

L’auteur raconte son entrée dans une nouvelle école qui enseignait les sciences occidentales, ce qui lui inspirait à la fois le sentiment d’être privilégié mais aussi celui d’être arraché à quelque chose et d’être plongé dans l’inconnu.

 Ce qu’on apprenait dans cette école semblait très bizarre, on disait que les élèves n’y étudiaient ni les classiques, ni la calligraphie, ni la poésie, mais des sciences tout à fait nouvelles qu’on avait importées d’un nouveau continent qu’on appelait « Ouest de l’océan » ou « Europe ». Où se trouvait ce continent et quelles étaient ces sciences, personnes ne le savait exactement. 18

L’enfance de Li Mirok, qui est né au début du 20ième siècle, peut être vue comme un témoignage de la forte présence occidentale du début du siècle. L’auteur y effectue un retour via son regard d’enfant sur une Corée traditionnelle, déjà bouleversée par l’occidentalisme. L’Occident y est encore très abstrait, mystérieux quelque peu fantasmagorique.

Plus alarmiste encore, Kim Uchang parle véritablement de la mort de la littérature et d’impérialisme occidental. Kim Uchang est coréen et l’un des plus grands spécialistes de la critique littéraire coréenne actuelle. Ses propos dans Le Roman coréen affirment que plus que la littérature, c’est toute la culture de la Corée qui manque cruellement d’unité, de subjectivité et d’authenticité, le mot culture étant vu dans son aspect le plus général. Pour lui, sa culture n’est pas l’esprit d’un peuple mais tout ce qui vient de l’extérieur et qui se mélange avec tout ce qui existe déjà, «toutes ces choses nous enrichissent potentiellement en même temps qu’elles dessèchent notre vie spirituelle et dépouillent notre action de sa spontanéité et de son harmonie naturelle »19. En présentant ce phénomène, il parle d’« impérialisme de la culture occidentale » par une société de masse et de consommation. La culture coréenne serait tellement subjuguée par la culture avancée Européenne comme Américaine que cette fascination aurait pour effet paradoxal d’endormir l’originalité de sa propre culture au lieu de l’enrichir.

CONCLUSION

Nous avons vu à quel point durant tout ce siècle la littérature coréenne à été liée à la politique. A peu près tous les dix ans, une nouvelle manière d’écrire et de réfléchir aux évènements qui se succèdent voit le jour. De même que la vie politique du pays à été très tumultueuse, la littérature à toujours été plus ou moins réactive, et donne la chance à posteriori de mieux saisir ce qui s’est passé à tel ou tel moment dans l’esprit collectif de
l’époque. Aujourd’hui, il n’y a plus de révolution politique à proprement parler. Si le conflit Nord/Sud à été source de mouvements et manifestations de la part des étudiants dans les années 1990, ces derniers se sont découragés, préférant s’atteler à la construction économique du pays. Les différents partis qui se partagent le pouvoir depuis 1980 sont incapables de se mettre d’accord sur la manière de faire pour régler ce conflit et tous n’ont pas les mêmes objectifs politiques, ce qui explique pourquoi depuis quelques années le conflit est au point mort. Cependant il est indubitable que la situation actuelle de la Corée est bien plus confortable qu’elle ne l’a été sous la colonisation et durant les guerres. Aujourd’hui, il y a
beaucoup moins d’écrivains engagés et donc moins de littérature engagée (sauf lorsqu’il s’agit de se remémorer le passé). Les mots de Sartre prennent tout leur sens lorsqu’il déclare qu’« en un mot, la littérature constitue la subjectivité d’une société en état de révolution permanente. » Plus de révolution interne, seule reste l’influence politique et culturelle qui vient de l’extérieur du pays, de l’occident. Cette influence même qui remet en cause la subjectivité évoquée par Sartre.

Presque tous les critiques littéraires s’accordent pour dire que la littérature coréenne publiée après 1990, « ne se vend pas », commercialement parlant, et donc qu’elle n’arrive plus à trouver ses lecteurs, qui se tournent soit vers les classiques, soit vers la littérature étrangère. En réalité, il faudrait plutôt dire que la littérature, ayant perdu le rôle qu’elle jouait dans l’histoire politique n’a pas su pour l’instant vivre d’autre chose, et ne s’intéresse donc qu’à des problèmes restreints, vite dépassés. Un problème qui se retrouve en pratique dans la fermeture des maisons d’éditions et la réorientation professionnelle des critiques littéraires coréens.

L’organisme « Literature translation Institute of Korea » dirigé par Kim Seong-kon, et dont le travail est de promouvoir la littérature coréenne auprès des autres pays, veut tenter de créer le concept de K-littérature qui s’insérerait dans la Hallye que nous avons évoqué dans l’introduction. L’enjeu est donc d’attirer les lecteurs occidentaux et par voie de conséquence de relancer l’intérêt des coréens pour leur propre littérature. Le livre de Kim Young Ha, your republic is calling you (l’Empire des lumières en Français), publié en 2010, est un livre au succès mondial qui oriente les regards vers la culture coréenne. Il s’agit d’un livre très
« américanisé », ayant en arrière plan l’opposition entre la Corée du Nord et du Sud. L’histoire traite d’un d’agent secret, qui a 24 heures pour remettre toute sa vie en question. A la fois livre policier, d’espionnage et sentimental, c’est un cocktail moderne et soutenu qui fait recette lorsqu’il s’agit de susciter l’engouement des lecteurs du monde entier pour ce livre.

Ainsi, les lecteurs s’intéressent à une culture mixte et non pas entièrement coréenne, et donc à des problèmes universels, comme celui du temps qui passe et la disparition des proches. C’est aussi un sujet universel qu’a choisi de traiter Shin Kyung Sook, dans Please look after mom (Prends soin de maman) publié en 2008, et qui se vend aussi très bien en occident comme aux Etats-Unis. Kim Seong-Kon, le président de « literature translation institute of Korea » espère que le succès de ces livres va susciter un intérêt naissant autour de la Corée et de la littérature coréenne. Il s’attend à ce que cette brèche donne l’occasion à d’autres auteurs coréens classiques ou actuels de se faire connaître.

Aujourd’hui, les politiciens et économistes coréens ont une confiance assez inédite quant à l’avenir de leur pays, car ils ont le sentiment que leur pays a rattrapé le Japon, un demi-siècle seulement après la fin de la colonisation. Pourquoi ne pas poursuivre la même mission en littérature ?

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NOTES

1 Pour les dates clés de l’histoire de la Corée, se référer à l’annexe 1

2 Matthew Calbraith Perry, né en 1974 à Rhode Island, mort en 1858 à New York était un commodore américain. Après avoir insisté plusieurs années, il a obtenu la signature en février 1854 d’un traité qui à ouvert le Japon aux bateaux américains et européens.

3 Kim Uchang, spécialiste de la littérature coréenne.

4 Le confucianisme est un mélange de philosophie et de politique initié par Kongfuzi (551-479 av JC), qui s’est répandu dans tous les pays asiatiques mais surtout en Chine, au Japon, au Vietnam et en Corée. Il se caractérise par des rites religieux, une manière de gouverner qui se veut morale et juste. Sa principale caractéristique est l’accès à l’éducation aux pauvres comme aux riches. La philosophie prône la vertu et le sacré. C’est une doctrine souvent comparée à l’humanisme européen, de par son appétit de savoir, son désir de tolérance, de liberté et curiosité sur le monde qui entoure l’homme. Il est connu que les lumières l’admiraient pour sa philosophie athée, pour sa vision moraliste de la politique et de l’économie.

5 Sijo célèbre de Chông Tojôn (1337-1398), auteur et savant coréen néo-confucianiste savant qui a défendu une réforme en faveur de l’éducation et du gouvernement, se plaçant contre le bouddhisme, le taoïsme, et d’autres pratiques chamaniques traditionnelles.

6 Ce mouvement d’indépendance, daté du 1er mars 1919, nommé aussi Samil Undong à été le premier à être réellement mené dans tout le pays, contre l’occupation japonaise, juste après la mort de l’ancien roi Kojong soupçonné d’avoir été empoisonné par les Japonais.

7 Ch’oe Namson, dit aussi Yuktang est né en 1890 et mort en 1957. Il à étudié de nombreuses années au japon, comme de très nombreux coréens. Précoce, il a crée la revue Sonyon et est devenu un écrivain et critique littéraire célèbre alors qu’il était âgé de seulement 18 ans. Emprisonné de 1919 à 1921 par les japonais pour
s’être battu pour l’indépendance de la Corée, dès 1937, il virera de bord et travaillera comme journaliste et écrira de nombreux discours politiques pour les japonais, ce qui lui vaudra de refaire de la prison après 1945, mais cette fois-ci pour avoir collaboré. Il est devenu un grand partisan du social darwinisme entre 1937 et 1945.

8 Le Social darwinisme est théorie sociologique qui date des années 1870, qui à débuté en Angleterre et aux Etats unis. Ses principales idées sont : Certains peuples sont favorisés par une sélection naturelle, les peuples les plus faibles doivent admettre leur infériorité car la lutte avec les plus forts ne ferait que leur nuire, et au contraire, ils ont beaucoup plus à gagner en s’alliant avec le peuple dominant. Enfin, l’hérédité joue un rôle prépondérant,
bien plus que l’éducation, dans cette lutte des forces humaines.

9 Gouvernement d’Hiroschito, empereur du japon du 25 décembre 1926 jusqu’au 7 janvier 1989, jour de sa mort.

10 KIM, Mike, « regards sur la collaboration en Corée », 2007, revue Vingtième Siècle (no 94), p. 35-43, disponible sur http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=VING_094_0035(consulté en juin 2012.)

11 En 1959, Syngman hee, au pouvoir depuis 1948 se prépare à sa 3ième réélection, mais autocrate, ses stratégies pour rester au pourvoir par des supercheries électorales ont soulevé la colère des étudiants, rejoints par les professeurs qui obtinrent à force de manifestations la démission du président.

12 PERETON, Anne-Sophie, « Entretien avec Charles Bonn », 2010, disponible sur<http://malfini.ens- lyon.fr/document.php?id=158> (consulté en juin 2012.)

13 Ashis Nandy, né en 1939, est psychosociologue indien et spécialiste des sociétés indiennes et orientales et critique des sociétés et des civilisations en Inde.

14 SAID, Edward, L’Orientalisme, traduit de l’américain par Catherine Malamoud, Paris : Seuil, 2005, 422p. Extrait p25.

15MI-RUK, Yi, Une Enfance en Corée, traduit de l’allemand par Isabelle Boudon, Arles : P.Picquier, 1994, 174p.

16 Yi Mi-ruk, né le 8 mars 1899, mort le 20 mars 1950, est connu pour être le premier auteur coréen à avoir écrit en allemand. Il a participé au mouvement de résistance contre l’occupation japonaise en 1919 ce qui l’a obligé à fuir la Corée.

17 Cibid. p 125.

18 Cibid. p 63.

19 UCHANG, Kim, Le roman coréen, traduit du coréen par John et Geneviève t. Park, Paris : Maisonneuve & Larose, 1998, 142 p.

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ANNEXE

Repères chronologiques

108 av JC: Conquête du royaume de Chosôn par la Chine.

372 : Arrivée du premier moine bouddhiste.

1312 : Invasion mongole.

14 s : Réception du confucianisme.

1392 : La Corée, pays fondé par Yi Sông-Gye, capitale Séoul.

1443 : Création de l’alphabet coréen, le Hangeul. Jusque là, toute la littérature était en chinois qui restera longtemps la langue du savoir et la langue administrative officielle (même lorsque le coréen était parlé).

1592 et 1597 : Premières invasions japonaises, les japonais se retirent en 1598.

1636 et 1637 : Invasions mandchoues.

1784 : Baptême du premier catholique coréen

1894 : Guerre sino-japonaise, défaite chinoise, le coréen devient langue officielle : Il existe encore aujourd’hui de nombreux mots chinois dans le parlé coréen et les chiffres sont sino- coréens.

1904-1905 : Guerre russo-japonaise, victoire japonaise qui impose son protectorat sur la

Corée.

1910 : Annexion de la Corée par le japon, fin de la dynastie Chosôn. La Corée est perçue comme une continuité du pays nippon.

1919, mars : Le 1er mars, déclaration d’indépendance qui a déclenché un mouvement de protestation dans tout le pays : écrite par et signée et proclamée par Han Yong-Un. C’est un mouvement de protestation qui à fait selon les sources coréennes 7500 morts et 45 000 arrestations. Le mouvement coréen pour l’indépendance appelé aussi Samil Undong se déclencha après la mort du roi Kojong. Ses funérailles provoquèrent un vaste mouvement de protestation réunissant des millions de personnes à travers le pays. Une commémoration se fait chaque 1er mars en Corée.

1930-1945 : Guerre du pacifique : L’expansion japonaise en Asie orientale fut entamée en

1931 avec l’invasion de la province chinoise de la Mandchourie et se poursuivit en 1937 avec une offensive brutale contre la Chine.

1945 : Le japon perd la seconde guerre mondiale et les États-Unis libèrent la Corée.

1948 : Division de la Corée.

1950 : Guerre de la Corée, armistice le 7 juillet 1953, plus de deux millions de morts.

1960 : Mouvement d’indépendance en Corée du Sud qui fait tomber la dictature alors en place, annulé par un coup d’état en 1962.

Le 16 mai 1962 : Coup d’État militaire porte au pouvoir le général Park Chung-hee, qui dissout l’Assemblée nationale démocratiquement élue en 1961.

1965 : Traité de normalisation Japon-Corée du Sud.

1980 : 2ième révolte civile : début su suffrage universel en Corée du sud, suite au renversement de la dictature.

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BIBLIOGRAPHIE

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CH’OE, In-ho, La Tour des fourmis [1977], traduit du coréen par Patrick Maurus, Paris : Actes Sud, 2006, 68p.

KIM, Mike, article intitulé « Regards sur la collaboration en Corée », 2007, disponible sur

<http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=VING_094_0035> (consulté en Juin

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1996, 560p.

MAURUS, Patrick, YUN, Ch’oe, La littérature coréenne devant le modernisme et le colonialisme ou l’ère des revues, Paris : l’Harmattan, 2003, 286p.

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2005, 422p.

SOK-YONG, Hwang, Le Vieux Jardin, traduit du coréen par Eun-Jin Jeong et Batilliot

Jacques, Paris : Zulma, 2005, 576p.

YONG-UN, Han, Le Silence de Nim, traduit par Hyeon-Ju Kim et Mesini Pierre, Paris : Autres temps, 1996, 133p.

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