Essais Poésies

KIM SOWOL Un poète devenu légende

SOMMAIRE

1. Biographie : KIM Sowol
2. Contexte historique : les années noires
a. L’annexion de la Corée
b. Les écrivains sous l’occupation
3. La source : KIM Eok, un maître à penser
a. KIM Eok
b. Samsu Kapsan, une écriture parallèle
4. L’oeuvre de KIM Sowol : Fleurs d’azalée
a. Fleurs d’azalée
b. Fleurs sauvages
c. Autrefois je l’ignorais encore
d. Brins d’herbe arrachés
e. Les nuits de Séoul
f. Ch’unhyang et Yi Toryeong
g. Jour de pluie
h. Alcool
5. L’après KIM Sowol
a. Souvenir de KIM Eok
b. KIM Sowol dans la vie de tous les jours
c. Un poète devenu légende
6. Bibliographie, webographie

1. Biographie : KIM Sowol

Arrivé au monde dans une période mouvementée, sa vie ne sera que le reflet de son époque, triste époque. Altercations de son père KIM Seong-do avec des travailleurs japonais, difficulté à gagner son pain quotidien, crises de folie de son père que tentent désespérément de soigner les chamanes par le biais de moyens plus ou moins sauvages… c’est le quotidien d’un enfant qui ne comprend pas ce qu’il se passe autour de lui. Une figure va se détacher du flou ambiant que semble être l’entourage du jeune Jeong-sik, c’est celle du grand père. Ce dernier, ouvrier des mines, le prend en charge, lui enseigne la valeur de l’éducation, et le pousse à faire des études. Faire des études, c’est bien, mais ce n’est pas donné à tout le monde … Les difficultés financières de la famille de KIM Jeong-sik l’amènent à arrêter l’école à la sortie du primaire. Mais, cette pause ne dure que 3 ans, au bout desquels il intègre l’école secondaire d’Osan. C’est ici qu’il fait une rencontre qui va changer sa vie, celle avec le professeur KIM Anso, également connu sous le nom de plume KIM Eok. Si comme les autres élèves il écoute et apprend ce que les professeurs disent, face à la poésie, il ne peut rien faire et se laisse emporter. Il se rebaptise KIM So-wol (blanc et lune) et commence à écrire. Il n’a pas 20 ans. Mais la poésie n’a pas d’âge, l’histoire l’a montré. Intemporelle poésie, puisque depuis le XVe siècle on récite encore des vers célèbres comme ceux de Du Bellay (1522-1560)…

Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d’usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge ! (…)
 

Qui ne les a jamais entendus ?!
De la même façon, il n’y a pas d’âge pour écrire, comme peut nous le montrer l’exemple d’Arthur Rimbaud (1854-1891) qui très tôt écrit des poèmes magnifiques, comme le Dormeur du Val (1870), que nous citerons ici pour en admirer une fois de plus la beauté.

Le Dormeur du val
C’est un trou de verdure où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D’argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.
 
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.
 
Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
 

KIM Sowol n’a donc rien d’extravagant dans son écriture précoce et son apparition sur la scène littéraire en 1920.
Lorsqu’il termine ses études à la célèbre académie Paejae de Séoul en 1923, il décide de partir pour le Japon. Tentative de fuir la restriction du japon sur l’enseignement moderne en Corée ou de fuir la difficile réalité qui fait qu’un écrivain ne parvient pas à vivre de sa plume ajoutée à la ruine de son grand père, KIM Sowol semble voir dans son départ pour Tokyo une opportunité à saisir. Il s’inscrit à l’école supérieure de Commerce de Tokyo, qu’il quitte la même année. Que ce soit en Corée ou au Japon, la situation des coréens n’est pas facile, loin s’en faut. Le 1er septembre 1923 à Tokyo, c’est le drame : la ville est ravagée par un tremblement de terre, le séisme de Kantô, qui provoque des dégâts considérables. Celui-ci devient un prétexte pour les japonais qui accusent les coréens de vols et d’incendies criminels. La plupart des résidants et étudiants coréens décident alors de retourner au pays natal, pour ne plus subir de violences et ne plus vivre dans la peur de se faire tuer.
Mais la vie continue de s’acharner sur KIM Sowol. A son retour, il publie un recueil de poèmes, <진달래 꽃> ou Les Azalées, en 1925. Puis c’est le silence, un silence qui dure 9 ans, 9 longues années pendant lesquelles il essaye de survivre tant bien que mal, en travaillant successivement comme gérant dans la mine de son grand père, comme correspondant local pour le journal Dong-a Ilbo, ou encore comme prêteur à gages … Mais toutes ses tentatives se voient vouées à l’échec. De désillusions en désillusions, de scandales en scandales et de bouteilles en bouteilles, voilà quelles sont les différentes étapes de la chute de KIM Sowol. Il finit par sombrer dans l’alcoolisme, et se suicide à l’opium en 1934.
Tout comme l’histoire de sa patrie, la vie de KIM Sowol s’est forgée dans la douleur, la difficulté et les constantes désillusions. Il n’a publié qu’un seul recueil de son vivant, et c’est après sa mort que KIM Eok publie un second ouvrage de ses oeuvres. Des années plus tard, son oeuvre est connue et reconnue en Corée, et son pays est enfin libéré de l’occupation japonaise. Peut être fallait-il que le bon moment arrive.

2. Contexte historique : les années noires
a. L’annexion de la Corée

Pour en comprendre les textes, il faut avant tout essayer de comprendre l’homme. Plantons le décor. Nous sommes dans une Corée qui a triste mine. Les japonais sont partout et s’emparent peu à peu des pouvoirs du roi et des droits du peuple. De faibles mouvements de résistance apparaissent, mais en vain, et l’assassinat de Hirobumi Itō (伊藤 博文), représentant japonais Résident général en Corée, presse les choses. Le 22 août 1920 la Corée est officiellement annexée par son voisin japonais. Le pays est administré de façon militaire, et c’est le peuple coréen qui en subit les conséquences : interdiction de se réunir, censure des journaux, arrestation de tout opposant… Ce nouveau régime bascule vers la dictature. Les japonais ont besoin de la Corée, même si celle-ci n’est qu’un passage vers la Chine. Ils tentent alors de favoriser l’éducation et créent des écoles où le japonais est enseigné. Mais créer le peuple parfait dont on a besoin n’est pas si simple, et c’était sans compter la tradition confucéenne du pays. Finalement, seuls les gens éduqués parlent le japonais, mais pas le peuple.
La tension monte, et les lettrés coréens s’activent. Pour nombre d’entre eux cette situation n’est pas acceptable, tout comme la censure n’est pas supportable, surtout pour des écrivains. Tout comme KIM Sowol et de nombreux autres jeunes coréens, le poète YI Kwang-su est au Japon pour ses études. C’est ici qu’il écrit une première déclaration des étudiants du Japon, qui servira de modèle au poète CH’OE Nam-son, chargé de rédiger la déclaration d’indépendance, qu’il ne signera pas. On peut comprendre le souci d’anonymat dans de telles circonstances. Le 1er mars 1919, HAN Yong-un proclame cette déclaration devant un groupe de 33 personnes. C’est encore un poète, ceux-ci ont décidément une place importante à l’époque. Ils incitent le peuple à une révolution vers l’indépendance, et dans les rues on entend ‘동닙 만세 !’ ou vive l’indépendance. Cette insurrection,삼일 운동 , est un échec, fortement réprimé par l’armée japonaise, et l’on déplore de nombreux morts. Mais la bataille n’était pas vaine, puisqu’à la suite de cet évènement, le gouvernement japonais assouplit sa politique : la restriction des activités culturelles et des regroupements est levée, tout comme la censure. Dès son retour en Corée en 1923, KIM Sowol profitera d’ailleurs de cette politique nouvelle.

b. Les écrivains sous l’occupation

Au début de l’occupation japonaise, les écrivains ne se préoccupent pas d’une éventuelle résistance. Ils se contentent d’explorer cette nouvelle littérature, dans le cas qui nous intéresse, cette nouvelle poésie, avec CH’OE Nam-son comme chef de file. Plus de caractères chinois, leur rigueur est oubliée au profit du hangeul. Lors de sa création il a été nommé « 훈민정음», littéralement les sons corrects pour l’éducation du peuple, alors aujourd’hui que le peuple peut enfin s’exprimer, c’est en toute logique qu’ils décident de l’utiliser.
Doucement la nouveauté s’installe, notamment grâce à l’action des nombreux magazines et revues littéraires qui font fureur à l’époque.

1818-1819 – 대서 문예 신보 – nouveau journal de la littérature et des arts occidentaux – 16 numéros
1918-1921 – 창조 – création – 9 numéros
1920 – 폐허 – ruine – 2 numéros
1922-1923 – 백조– courant blanc – 3 numéros
1923-1924 – 금성 – vénus – 3 numéros

Celles-ci permettent aux critiques et aux poètes de se faire connaître. C’est dans la revue Changjo publiée par KIM Eok que KIM Sowol fait d’ailleurs son apparition sur la scène littéraire en 1920. Ces revues prônent la nouveauté, donc dans un sens le modernisme, et c’est en lisant celles-ci que les coréens découvrent pour la première fois la poésie occidentale. Certains auteurs comme CH’OE Nam-son et KIM Eok s’appliquent à traduire les vers principalement français et anglais qu’ils ont découverts lors de leurs études au Japon.

3. La source : KIM Eok, un maître à penser
a. KIM Eok

La place que KIM Sowol occupe dans la littérature coréenne n’est pas due au hasard. A l’image du petit oiseau qui doit apprendre à voler, le poète doit apprendre à écrire. Le confucianisme a toujours prôné la copie du modèle pour arriver à la perfection, et la littérature ne fait pas exception à la règle. C’est par le travail et l’imitation que l’on crée peu à peu son style. Au début du XXème siècle en Corée la mode est à la nouveauté : poésie nouvelle rédigée en coréen, vers libres, inspiration des poètes européens et du symbolisme…
KIM Sowol se choisit pour maitre KIM Eok (nom de plume KIM Anseo) (1896- ?), autre figure emblématique de la poésie coréenne de l’époque. Originaire de la même région que Sowol, KIM Eok devient son professeur et mentor. Très actif dans le milieu littéraire de l’époque, il publie ses propres poèmes et édite des revues littéraires. C’est dans ces dernières qu’il traduit la poésie occidentale symboliste et qu’il présente Sowol au public. KIM Eok n’est pas le premier à traduire la poésie européenne, puisque CH’OE Nam-son déjà s’y applique. Mais, leurs traductions sont différentes : si CH’OE Nam-son traduit des poèmes d’après leur version japonaise dans le but unique d’inciter les auteurs à la nouveauté, KIM Eok se base sur les versions originales qu’il peut comprendre notamment grâce à ses études de littérature anglaise, et traduit par intérêt, par amour pour la poésie qu’il veut faire découvrir.
Il publie La Valse de l’Angoisse <오뇌의 무도>en 1921. Cet ouvrage est le premier recueil de poèmes symbolistes traduits à paraître en Corée ; il comprend 21 poèmes de Verlaine, dont le célèbre ‘Il Pleure dans mon Coeur’, 10 de Gourmont, 8 de Samain, 6 de Baudelaire, 6 de Yeats et 33 d’auteurs divers. Dans ses traductions, KIM Eok emploie un coréen simple, accessible à tous, avec un nombre réduit de caractères sino-coréens qui restent synonymes de la rigueur des formes passées. A la recherche de l’équivalence de sens la plus proche dans sa langue maternelle, KIM Eok préfère jouer sur la musicalité, parfois au détriment du message initial, comme le clament ses détracteurs.
L’importance donnée à la forme du poème rappelle le mouvement français du parnasse (seconde moitié du XIXème) duquel ont d’ailleurs fait partie certains auteurs traduits dans La Valse de l’Angoisse, comme Verlaine et Baudelaire, avant de s’en séparer. Prenons l’exemple de Théodore DE BANVILLE dans son poème ‘A Théophile Gautier’.

(…)
Les Strophes, nos esclaves,
Ont encore besoin
     D’entraves
Pour regarder plus loin.
Les pieds blancs de ces reines
Portent le poids réel
     Des chaînes,
Mais leurs yeux voient le ciel.
Et toi, qui nous enseignes
L’amour du vert laurier,
     Tu daignes
Être un bon ouvrier.

Il est important d’avoir des règles, tout texte n’est pas poétique en soi. Les parnassiens insistent sur la métrique et les rimes, alors que KIM Eok, puis KIM Sowol par la suite, se focaliseront sur le rythme et la musicalité.
En effet, le travail sur le rythme est primordial. La poésie parle du poète, elle est comme un prolongement de lui-même, c’est pourquoi ils doivent tous deux avoir un rythme commun. C’est ce qu’explique KIM Eok dans un article intitulé « rythme et respiration de la forme poétique » <시형의 음률과 호흡> en 1919.

b. Samsu Kapsan, une écriture parallèle

Quand KIM Sowol se détourne peu à peu de l’écriture, il s’éloigne en même temps de celui qui lui a tant appris. Mais KIM Eok aura marqué à jamais sa vie. Dans les dernières années, alors qu’ils s’écrivaient de rares lettres, KIM Sowol répond à son mentor qui lui avait fait parvenir son dernier ouvrage, par une lettre expliquant le mal être et la tristesse qui l’habitent. Il y joint un poème, inspiré d’un texte de KIM Eok lui-même, qu’il lui dédie. Ce sera son dernier poème.

Samsu Kapsan – 삼수갑산

Que j’aimerais retourner à Samsu Kapsan
Où est donc Samsu Kapsan
A ha sur les montagnes superposées il n’y a que des nuages blancs

Que j’aimerais voir Samsu Kapsan
Que Samsu Kapsan est lointain
A ha les difficultés de la vie ne seraient pas plus pénibles que cela.

Où est donc Samsu Kapsan
Je ne peux aller à Samsu Kapsan
A ha si j’étais un oiseau je volerais pour y aller.

Retournerai-je à Samsu Kapsan
Reverrai-je Samsu Kapsan
A ha quelle adversité Seuls mes rêves solitaires vont et viennent.

KIM Eok (in La littérature coréenne devant le modernisme, MAURUS P.)

Pourquoi suis-je venu à Samsu Kapsan,
Où est-ce Samsu Kapsan.
Une fois venu c’est étrange
A ha beaucoup d’eau et tant de montagnes superposées

Retournons au pays natal,
Je ne peux rentrer au pays natal.
Samsu kapsan est trop loin
A ha ce sont bien là les difficultés de la vie.

Où est ce Samsu Kapsan,
Une fois venu je ne peux repartir.
Mon pays natal est le non-retour
A ha si j’étais un oiseau je partirai.

A mon pays natal où se trouve mon amour
Je ne peux retourner je ne peux retourner.
Aller et venir quel regret
A ha mais Samsu kapsan m’enferme.

Que j’aimerais retourner au pays natal
Mais Samsu Kapsan m’enferme.
C’est le non-retour ! mon corps
A ha je ne sors pas de Samsu Kapsan.

KIM Sowol (in La littérature coréenne devant le modernisme, MAURUS P.)

Would that I returned to samsu-kapsan.
Where can Samsu-kapsan be, I wonder?
Over peaks folded in peaks fleecy clouds herd.

Would that I saw samsu-kapsan.
How far off is it, I wonder?
What could be more rugged than this path?

Where can Samsu-kapsan be, I wonder?
I cannot return to Samsu-kapsan.
If only I were a bird to fly over the distance!

Would that I returned to Samsu-kapsan.
Would that I saw Samsu-kapsan.
O cruelty! Only my dreams come and go.

KIM Eok (in The contemporary Korean poets, KIM Jai-hiun)

What brought me to Samsu Kapsan?
Here, the wild peaks,
Waters tumbling down, the steeps
Piled up! Alas,
What place is this
Samsu Kapsan?

Longing for my home
I cannot return.
Samsu Kapsan is so far, so far!
That ancient road to exile
Leads here!

What place is Samsu Kapsan?
I have come here, but cannot return.
No way back! If only
I were a bird I could go free.

I cannot go, cannot go
Back to home where my love stays.
To come, or to go: the thought mocks me!
Alas, Samsu Kapsan imprisons me.

I long for home, but Samsu Kapsan
Is my prison.
No way back. For this body
There is no escape
From Samsu Kapsan.

KIM Sowol (in Azaleas a book of poems, McCANN D.)

삼수갑산(三水甲山) 가고지고

삼수갑산(三水甲山) 어디메냐

아하 산(山)첩첩에 흰구름만 쌔고쌨네.

삼수갑산(三水甲山) 보고지고

삼수갑산(三水甲山) 아득코나

아하 촉도난(蜀道難)이 이보다 더할소냐

삼수갑산(三水甲山) 어디메냐

삼수갑산(三水甲山) 내못가네

아하 새더라면 날아날아 가련만도.

삼수갑산(三水甲山) 가고지고

삼수갑산(三水甲山) 보고지고

아하 원수로다 외론꿈만 오락가락.

김억(金億)

삼수갑산 내 왜 왔노 삼수갑산이 어디뇨

오고 나니 기험타 아하 물도 많고 산첩첩이라 아하하

내 고향을 도로 가자 내 고향을 내 못 가네

삼수갑산 멀드라 아하 촉도지난이 예로구나 아하하

삼수갑산이 어디뇨 내가 오고 내 못 가네

불귀로다 내 고향 아하 새가 되면 떠나리라 아하하

님 계신 곳 내 고향을 내 못 가네 내 못 가네

오다 가다 야속타 아하 삼수갑산이 날 가두었네 아하하

내 고향을 가고지고 오호 삼수갑산 날 가두었네

불귀로다 내 몸이야 아하 삼수갑산 못 벗어난다 아하하

김소월

L’écriture de ce dernier poème est en elle-même un geste envers KIM Eok, puisqu’il reprend un de ses poèmes. On peut remarquer, à travers un titre et un thème semblable, une approche différente proposée par les deux écrivains. L’utilisation d’un vocabulaire commun s’oppose à une différence de rythme, qui crée un poème tout à fait différent, tant par son aspect graphique que par sa sonorité.
Les répétitions systématiques de KIM Eok en début de vers (삼수갑산 et 아하) donnent au poèmes un régularité certaine, qui se prolonge en fin de vers : v1 = v10 ; v2 = v7 ; v4=v11. C’est pourquoi ce poème rappelle les chansons populaires. Dans la version de KIM Sowol, la stricte régularité de début de vers disparaît (le nom de삼수갑산 n’apparaît plus que 3 fois en ouverture, et il y a une reprise du début du v3 au v9) au profit d’un rythme et d’une musicalité plus assurée. Le tercet est remplacé par le distique et le nombre d’onomatopées augmente. KIM Sowol utilise ces dernières pour rythmer son texte puisqu’elles sont présente en milieu de second vers du distique (sous la forme아하) comme pour former une césure, et en fin de strophe (sous la forme renforcée 아하하, création de Sowol qui n’existe pas dans la version originale). La forme change, nous l’avons vu, et elle n’est pas la seule. Une des différences majeures qui apparaît à la lecture de ces deux poèmes est le changement de point de vue par rapport au lieu dont il est question dès le titre, Samsu Kapsan. Pour KIM Eok, Samsu Kapsan est un endroit lointain qu’il connaît, et où il aimerait retourner, mais en vain. KIM Sowol par contre, y est venu, et c’est chez lui qu’il aimerait retourner. Le Samsu Kapsan de KIM Eok pourrait être un asile alors que celui de KIM Sowol est explicitement une prison.

4. L’oeuvre de KIM Sowol : Fleurs d’azalée

KIM Sowol a eu une vie courte, et sa période créative n’a duré qu’environ 5 ans. Pourtant, ses textes sont considérés comme des trésors de la littérature coréenne. Il publie un seul recueil de son vivant, Azalées, qui comprend une centaine de poèmes. D’autres poèmes seront publiés par la suite par KIM Eok.
KIM Sowol est connu et reconnu pour la qualité de ses textes, leur signification profonde, qui touche tous les coréens. Le lecteur occidental est lui aussi touché à la lecture des traductions, bien qu’il semble impossible de comprendre et de vivre ses poèmes comme le font les coréens. Il exprime à travers des mots simples, utilisés dans la vie de tous les jours par des milliers de coréens, les sentiments qui se cachent au fond de lui, et qui apparaissent être partagés par son peuple. Tout français connait le spleen de Baudelaire, cet état intermittent entre ennui et lassitude, entre tristesse et mélancolie.

Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l’esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l’horizon embrassant tout le cercle
Il nous fait un jour noir plus triste que les nuits ; (…)
Spleen, BEAUDELAIRE
 

De la même façon, tout coréen connaît le « han », tout autant difficile à définir que celui qui pourrait être son homologue français. D’après le professeur Christine Han de la Colombia University, le « han » est le sentiment qu’une personne ressent lorsqu’elle se retrouve dans une situation indésirable, sentiment d’être victime d’une action injuste. Elle explique qu’à la base c’est un sentiment personnel, que tout un chacun ressent, mais que celui-ci a pris une dimension collective après la colonisation japonaise. La romancière PARK Kyung-ni (박경리) le définit comme un mot véritable du passé et du futur.
Le poème « Fleurs d’azalées », de loin le plus célèbre de l’oeuvre de KIM Sowol est représentatif de ce sentiment particulier.

[threecol_one]Fleurs d’Azalées

Lorsque, agacé de me voir,
Vous me quitterez,
Sans un mot, doucement, je me résignerai à vous laisser partir.

Les fleurs d’azalée
Du mon Yak à Yeongbyeon
Je me résignerai à les répandre sur votre chemin.

A chacun de vos pas,
S’il vous plait, partez en foulant légèrement
Ces fleurs éparses.

Lorsque, agacé de me voir,
Vous me quitterez,
Dussé-je en mourir, je me résignerai à ne pas pleurer.[/threecol_one]
[threecol_one]Azaleas

When you turn away from seeing me
And go,
Gently, without a word, i shall send you away.

From Mount Yak in Yeongbyeon,
Azaleas
I shall gather armful and scanner them on your way.

Step after step away
On those flowers placed
Before you, press deep,step lightly, and go.

When you turn away from seeing me
And go,
Though i die,no, not a singletear shall fall.
[/threecol_one][threecol_one_last]진달래꽃

나 보기가 역겨워
가실 때에는
말없이 고이 보내 드리우리다

영변에 약산
진달래꽃
아름 따다 가실 길에 뿌리우리다

가시는 걸음걸음
놓인 그 꽃을
사뿐히 즈려밟고 가시옵소서

나 보기가 역겨워
가실 때에는
죽어도 아니 눈물 흘리우리다.[/threecol_one_last]

Ce poème raconte l’histoire d’une femme qui voit partir son bien aimé. Le thème du départ et de l’absence de l’être aimé sont récurrents dans l’oeuvre de KIM Sowol. Certains voient dans les azalées messagères du printemps un symbole de la liberté, liberté des fleurs qui poussent à leur gré dans la montagne, liberté à laquelle aspirent les coréens pendant une occupation japonaise difficile. On parle souvent de KIM Sowol comme d’un jeune poète sentimental, tentant d’exprimer le « han » coréen à travers ses poèmes, et on en parle aussi comme d’un écrivain patriote, qui écrivait en coréen malgré la présence japonaise et les censures, et qui tentait d’insuffler à son peuple du courage avec des textes forts de sens. Mais au-delà du sens, il ne faut pas sous-estimer la forme, puisque les poèmes de KIM Sowol sont structurés à la perfection.
Le poème dont il est question ici est composé de 4 strophes symétriques, avec un parallélisme syllabique des strophes 1 et 4. On peut également remarquer que les formes verbales utilisées en fin de vers sont les mêmes. Le travail sur la forme du poème et sur son rythme est considérable. C’est cet aspect que l’on perd indéniablement lors de la traduction.
KIM Sowol s’inspire des idées nouvelles sur le rythme et la musicalité poétique de KIM Eok pour former son propre style, un style unique qui a marqué à jamais la population coréenne. Une simplicité des mots employés, compréhensibles par tous, pour dire des sentiments purs et vrais, ressentis par tous, et une musicalité incroyable, qui donne des poèmes aimés de tous : voilà comment résumer en quelques mots la poésie de KIM Sowol.
Beaucoup le considèrent comme un écrivain lyrique, dont les poèmes possèdent les caractéristiques des chansons populaires traditionnelles. Peut être n’ont-ils pas tort puisque certains poèmes de KIM Sowol reprennent des anciennes chansons populaires. Prenons l’exemple du poème 산유화, intitulé Fleurs sauvages dans sa traduction de KIM Hyeon-ju et Pierre MESINI.

[threecol_one]Fleurs sauvages

Dans la montagne les fleurs fleurissent
Les fleurs fleurissent
En toute saison
Les fleurs fleurissent

Dans la montagne
Dans la montagne
Les fleurs qui fleurissent
Fleurissent pareillement toutes seules

Les petits oiseaux qui chantent dans la montagne
Aimant les fleurs
Dans la montagne
S’ébattent

Dans la montagne les fleurs tombent
Les fleurs tombent
En toute saison
Les fleurs tombent
[/threecol_one][threecol_one]Flowers on the Mountain

On the mountain flowers bloom
The flowers bloom
Autumn spring and summer through
The flowers bloom.

On the mountain
On the mountain
The flowers blooming
All alone there the flowers bloom

Little bird that sings on the mountain
Fond of flowers
Lives
Away on the mountain

On the mountain flowers falling
The flowers fall
Autumn spring and summer through
The flowers fall[/threecol_one][threecol_one_last]
산유화

산에는 꽃 피네
꽃이 피네
갈 봄 여름 없이
꽃이 피네

산에
산에
피는 꽃은
저만치 혼자서 피어 있네

산에서 우는 작은 새요
꽃이 좋아
산에서
사노라네

산에는 꽃 지네
꽃이 지네
갈 봄 여름 없이
꽃이 지네[/threecol_one_last]

Le titre de ce poème rappelle un ancien chant de rizière de l’époque de Paekche, qui raconte l’histoire d’une jeune mariée rejetée par son époux. Tristesse et pensées suicidaires dans l’esprit, elle rencontre une jeune fille qui cueille des fleurs et à qui elle apprend une chanson. Elle lui demande de la transmettre à ses enfants comme un trésor avant de partir.
Il semblerait que CHOE Namseon ait lui aussi reprit cette ancienne mélodie dans un de ses textes. On ne sait pas si le poème de KIM Sowol se base sur la chanson traditionnelle, le poème de CHOE Namseon ou les deux.
La régularité des vers laisse place à l’importance de la trame narrative. Mais, dans La littérature coréenne devant le modernisme, Patrick Maurus montre l’extrême importance du travail sur la forme dans ce texte. Il fait notamment remarquer combien la première et la dernière strophe sont proches, avec une même sonorité et un rythme similaire. En fait, un seul mot change, puisque le verbe <피네> fleurir est remplacé par le verbe <지네> mourir. Si le sens est contraire, comme la floraison d’un bourgeon représente la vie qui commence et qui donc s’oppose à la fleur qui se fane, et qui meurt, la sonorité, elle, reste très proche.
Ce texte poétique rappelle une ancienne chanson populaire aux lecteurs coréens, pour qui il apparaît presque comme une chanson. Cette interprétation n’est d’ailleurs pas réservée aux seuls lecteurs du pays du matin calme, puisque même dans les traductions, qu’elles soient en français ou en anglais, les répétitions ne peuvent empêcher de faire penser à une chanson plutôt qu’à un poème. Par exemple, il est presque naturel pour un lecteur français de faire un rapprochement entre le poème en question et la comptine « colchiques dans les prés, fleurissent, fleurissent ; colchiques dans les prés, c’est la fin de l’été (…) ».
On peut lire KIM Sowol comme un poète lyrique et sentimental, nous venons de le voir. En effet, les thèmes qui semblent lui être chers rappellent ceux du mouvement romantique (XIXème siècle): amour, mélancolie, mort, nature … La lecture de certains de ses poèmes comme ceux cités plus-haut peut rappeler la poésie romantique. Par exemple, on peut aisément remarquer que les deux extraits ci-dessous ne sont pas si différents.

Lorsque, agacé de me voir,
Vous me quitterez,
Dussé-je en mourir, je me résignerai à ne pas pleurer.

KIM Sowol, Fleurs d’azalée

Pas de pleurs, pas de plainte vaine.
Je sais respecter l’avenir.
Vienne la voile qui t’emmène,
En souriant je la verrai partir.
 
Alfred de MUSSET, Adieu
 

Chacun des deux extraits rejoint inévitablement l’autre, dans la tristesse du départ de l’être aimé, départ face auquel on ne peut rien faire, et face auquel on ne pleurera pas.
Lorsqu’il écrit, le poète exprime ses sentiments profonds. Son texte est une partie de lui-même, d’où le choix de l’emploi de la première personne du singulier. Il raconte les évènements vus à travers ses yeux, selon sa propre subjectivité. Il écrit ses apprentissages de la vie, et le lecteur apprend en lisant ses mots, il s’ouvre à une perspective autre, qui n’est pas la sienne, mais qui va le devenir. Un poème ce n’est pas un regroupement de mots sur une feuille, c’est un véritable message.

Autrefois, je l’ignorais encore…                                                                                         I did not really know before

Qu’en toute saison la lune se lève chaque nuit,                                                             Spring or autumn, every night the moon rising,
« Autrefois, je l’ignorais encore… »                                                                                  I did not really know before.

Que je languirais aussi, si profondément,                                                                       To feel that longing pierce so deep,
« Autrefois, je l’ignorais encore… »                                                                                   I did not really know how before.

Que je fixerais du regard la lune, si brillante soit-elle,                                                To look at the moon, even so bright,
« Autrefois, je l’ignorais encore… »                                                                                   I did not really know how before

Que, présentement, la lune soit tristesse,                                                                        Just how that moon could be all sadness now,
« Autrefois, je l’ignorais encore… »                                                                                   I did not really know how before.

예전엔 미처 몰랐어요

봄 가을 없이 밤마다 돋는 달도

예전엔 미처 몰랐어요

이렇게 사무치게 그리울 줄도

예전엔 미처 몰랐어요

달이 암만 밝아도 처다 볼 줄을

예전엔 미처 몰랐어요

이제금 저 달이 설움인 줄을

예전엔 미처 몰랐어요

KIM Sowol décrit de façon simple les choses de la vie quotidienne : la lune qui se lève, l’homme qui regarde la lune et qui voit sa propre tristesse envahir tout ce qui l’entoure. Le narrateur raconte ici une expérience personnelle qui prend une valeur particulière à chaque lecture, grâce à une écriture particulière qui met le contenu en valeur.
L’utilisation de distiques avec une répétition du deuxième vers lie le texte. Le deuxième vers revient constamment, il s’intercale entre chaque vers nouveau, rappelant sans cesse la situation passée. La répétition exacte, la copie conforme d’un vers qui revient marque l’esprit, et revient comme un refrain. Elle entraine à lire la suite, puisque dans ce cas on peut se demander à chaque répétition quelle sera l’élément suivant à avoir été ignoré. En plus des vers répétés, les sonorités finales des vers riment (도 et 을). L’importance accordée à la rime n’est rien en coréen comparée à celle accordée en France, mais ces sons identiques participent à la musicalité globale du poème, qui, celle-ci, est essentielle. Les premiers vers des distiques ont un même nombre de syllabe, ce qui contribue à l’unité du poème.
Les répétitions sont récurrentes dans l’oeuvre de KIM Sowol, elles contribuent au rythme. Pourtant, les considérer comme les seules sources de musicalité du texte serait une aberration, tout comme le serait le fait de penser que la simple rime suffit à la musicalité d’un poème classique français.
De fait, une lecture des poèmes de KIM Sowol dans le texte, même sans en comprendre totalement le sens, pose une certitude : la rythmique n’est pas dans les répétitions, elle est au-delà.

Brins d’herbe arrachés                                                                                                          Plucking grass

Dans la colline derrière chez nous l’herbe verdit.                                                          Up on the hill behind our house the green grass grows,
Dans le ruisseau à travers bois, sur le fond sableux,                                                    And across the door of the grove’s sandy strea,
Ombre des brins d’herbe verte flottants, portés par le courant…                                Shadows of the grass i tossed in go floating away.

Notre Nim bien-aimé où est-il ?                                                                                         Where, I wonder, is the love i long for?
Chaque jour, à la pensée ravivée de notre Nim,                                                             Every day, thoughts of my love return.
Chaque jour, assise seule, dans la colline de derrière,                                                 Everyday alone on the hillside out back,
Chaque jour, j’arrache des brins d’herbe et les jette dans l’eau.                                Every day, I pluck grass to loss into the stream.

Lorsque les brins d’herbe s’en vont ballottés,                                                                 Tosses in, borne off the stream’s flowing waters,
Emportés par l’eau du ruisseau qui s’écoule,                                                                   As the grass blades lightly away,
Le courant remue faiblement mon coeur.                                                                        How the waves seem to press, nudging at my breast.

Notre Nim bien-aimé, où est-il ?                                                                                        Where, I wonder, is the love i long for?
Sans un lieu où reposer mon pauvre coeur,                                                                     With no place to give my piteous heart rest,
Chaque jour j’arrache des brins d’herbe et je les jette dans l’eau.                             Every day I pluck and tocs the grass on the water,
Et mon coeur ressemble aux brins d’herbe emportés.                                                  Letting cades, like the grass, go floating lightly away.

풀따기

우리 집 뒷산에는 풀이 푸르고

숲사이의 시냇물 모래 바닥은

파아란 풀 그림자 떠서 흘러요

그리운 우리 임은 어디 계신고

날마다 피어나는 우리 임 생각

날마다 뒷산에 홀로 앉아서

날마다 풀을 따서 물에 던져요

흘러가는 시내의 물에 흘러서

내어던진 풀잎은 엷게 떠갈제

물살이 헤적헤적 품을 헤쳐요

그리운 우리 임은 어디 계신고

가엾은 이내 속을 둘 곳 없어서

날마다 풀을 따서 물에 던지고

흘러가는 잎이나 맘 헤보아요

Le travail sur les sonorités est ici poussé à son maximum. Le système de répétition d’un vers n’est plus la base de la musicalité du texte. Tous les vers de ce poème ont un rythme similaire et la lecture a la fluidité de l’eau qui coule et emporte l’herbe fraichement coupée dans le poème. Le poète joue sur les sons. Dans La littérature coréenne devant le modernisme, Patrick Maurus fait un relevé des sonorités remarquables présentes dans le poème, en utilisant un schéma. Chaque chiffre représente un même son remarquable.

1   22 3 44             88 9   10 11
1         3 4   5       7      9
3 4         6                10 11
22 3 4   55 6          9          11
1             4                 8  99 10
1            44           7 8
1            44 5           88             11 12
1   2             5       7 88      10 11
4   55 6     8               11
11 2  3                     88 9        11 12
2    3 4   55 6           9 10 11
2       4             7 88
1             44 5           88          11
1    2             5   6                            12

Il est ainsi très simple de remarquer combien les sonorités de ce poème sont agencées à la perfection. La mélodie qui en est issue est entrainante et délicate.
Cette perfection de la forme accroche le lecteur et l’attire dans les profondeurs d’une poésie qui au départ n’est pas la sienne. Extérioriser ses sentiments à travers une poésie peut mener à la catharsis, c’est peut être ce qu’a recherché KIM Sowol. Mais le poète n’est en aucun une simple figure de l’expression des sentiments intérieurs, il est avant tout artiste, et il crée. Les sources d’inspirations de l’auteur sont multiples, et c’est à celles-ci que nous allons consacrer les paragraphes suivants. Parler de soi et de ses expériences en utilisant la première personne ou même des formes impersonnelles est chose classique en poésie, mais le poète possède d’autres formes d’expression.
Représentant du début du modernisme poétique, quoi de plus normal pour KIM Sowol que de parler du modernisme ?

Les nuits de Seoul

Lampadaires rouges.
Lampadaires bleus.
Lampadaires bleus pour les grands boulevards.
Lampadaires rouges pour les impasses.
Les lampadaires scintillent.
Les lampadaires faiblissent.
Les lampadaires donnent de nouveau dans le flou.
Les lampadaires veillent sur les nuits longues, comme mortes.

Même dans les clairs et les obscurs
Des lieux inconnus du tréfonds de mon coeur,
Le lampadaire rouge se répand en pleurs.
Le lampadaire bleu se répand en pleurs.

Lampadaires rouges.
Lampadaires bleus.
Le ciel nocturne lointain est tout noir.
Le ciel nocturne lointain est tout noir.

On dit les rues de Seoul agréables
On dit les rues de Seoul agréables
Lampadaires rouges.
Lampadaires bleus.

Des lieux inconnus du tréfonds de mon coeur
Le lampadaire bleu est bien solitaire.
Le lampadaire rouge est bien solitaire.

Seoul night

Red light.
Green light.
Green light for the open road.
Red light for the dead-end alley.
Electric lights are flashing.
Electric lights flicker.
Electric lights dim.
Electric lights guard the night with their lives.

Deep in my heart,
In a secret place bright and dark,
Red light cries out in tears,
Green light cries out in tears.

Red light.
Green light.
The far distant skies are jet-black.
The far distant skies are jet-black.

How we like the streets of Seoul!
How the Seoul nights please us!
Red light.
Green light.
In my heart’s secret place
Green light is lonely,
Red light is lonely.

서울 밤

붉은 전등(電燈).

푸른 전등(電燈).

넓다란 거리면 푸른 전등(電燈).

막다른 골목이면 붉은 전등(電燈).

전등(電燈)은 반짝입니다.

전등(電燈)은 그무립니다.

전등(電燈)은 또다시 어스렷합니다.
전등(電燈)은 죽은 듯한 긴 밤을 지킵니다.

나의 가슴의 속모를 곳의

어둡고 밝은 그 속에서도

붉은 전등(電燈)이 흐드겨 웁니다.

푸른 전등(電燈)이 흐드겨 웁니다.

붉은 전등(電燈).

푸른 전등(電燈).

머나먼 밤하늘은 새캄합니다.

머나먼 밤하늘은 새캄합니다.

서울 거리가 좋다고 해요.

서울 밤이 좋다고 해요.

붉은 전등(電燈).

푸른 전등(電燈).

나의 가슴의 속 모를 곳의

푸른 전등(電燈)은 고적(孤寂)합니다.
붉은 전등(電燈)은 고적(孤寂)합니다.

Il est ici question de lampadaires, de rues, d’urbanisme, qui sont en eux-mêmes modernes. Ce poème dépeint la réalité des rues de Séoul à l’époque, à travers ses lampadaires et la façon dont les hommes ont modifié la réalité en bâtissant les villes. KIM Sowol transforme la rigidité en poésie : celle des lampadaires, celle des hommes qui ont construit les lampadaires tous pareils (lampadaires bleus pour les grands boulevards et rouges pour les impasses, v3,4) et celle de la forme verbale formelle utilisée (합니다). Ce poème reflète la réalité spatiale du poète et illustre sa remarquable maitrise du rythme. Le poème se construit ici sur des répétitions de mots (전등) et de vers (partielles : v11et12, v22et23, ou totales : v1et13, v2et14, v15et16). On peut aussi remarquer les répétitions des adjectifs de couleurs tout au long du texte. Leur abondance transforme presque le poème en peinture. Autre que dans le thème, la modernité est aussi présente dans la forme, avec des strophes de taille différentes (2-4-4-7).
Comme tout auteur il a des thèmes préférés, mais il navigue librement entre valeurs traditionnelles et modernes. Il est nécessaire de regarder vers l’avant et d’accepter la modernité, tout comme il faut conserver certaines valeurs et traditions passées. C’est ce à quoi s’applique KIM Sowol avec ses textes poétiques qui reflètent sa personnalité et son pays. La littérature influence le peuple, c’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle a bien souvent été détournée pour faire de la propagande. Le message d’un roman, ou celui d’un poème, dépend de son auteur et de l’époque à laquelle il vit. Sous l’occupation japonaise, les écrivains coréens ont pour mission de redonner du courage au peuple. Ainsi, KIM Sowol fait revivre des héros populaires coréens.

Ch’unhyang and Yi Toryeong

The Taedong River in Pyeongyang
Of all streams in our land
Flows the most beautifully, we know.

And there at the midpoint of three thousand ri
Travelling the length of our land,
Lofty Mount Samgak leaps up.

How right it is, my sister, O my sister!
That long ago and faithful to our land,
Lived Ch’unhyang, they tell of, and her Yi Toryeong.

On this side is Hamyang, on the other, Tamyang,
Where sometimes in a dream crossing the mountain
The Magpie Bridge might be found, if you try.

How right it is, my sister, O my sister!
Where the sun and moon rise, in the land of Namweon town
Lived the virtuous maiden, Ch’unhyang.

춘향(春香)과 이도령(李道令)

평양(平壤)에 대동강(大同江)은

우리 나라에

곱기로 으뜸가는 가람이지요

삼천리(三千里) 가다 가다 한가운데는

우뚝한 삼각산(三角山)이

솟기도 했소

그래 옳소 내 누님, 오오 누이님

우리 나라 섬기던 한 옛적에는

춘향(春香)과 이도령(李道令)도 살았다지요

이편(便)에는 함양(咸陽), 저편(便)에 담양(潭陽),

꿈에는 가끔가끔 산(山)을 넘어

오작교(烏鵲橋) 찾아 찾아가기도 했소

그래 옳소 누이님 오오 내 누님

해 돋고 달 돋아 남원(南原) 땅에는

성춘향(成春香) 아가씨가 살았다지요

Dans ce poème, KIM Sowol mentionne Ch’unhyang (춘향), figure emblématique de l’imaginaire coréen. La légende de Ch’unhyang raconte l’histoire d’amour impossible entre Ch’unhyang, fille de courtisane, et le fils d’un haut magistrat. Cette légende fait partie du répertoire classique des spectacles de pansori. De même, elle a été reprise en 2000 par le réalisateur Im Kwon-taek (임권택) pour une adaptation cinématographique lauréate d’un prix au festival international du film de Pusan la même année. Ce poème est en quelque sorte l’occasion de faire un retour aux sources. KIM Sowol écrit sur les héros populaires tout comme les poètes français parnassiens écrivaient sur les héros des temps passés, souvent issus des légendes grecques ou romaines. Prenons par exemple Héraklès solaire, de LECONTE DE LISLE.

Hèraklès solaire
 
Dompteur à peine né, qui tuais dans tes langes
Les Dragons de la Nuit ! Coeur-de-Lion ! Guerrier,
Qui perças l’Hydre antique au souffle meurtrier
Dans la livide horreur des brumes et des fanges,
Et qui, sous ton oeil clair, vis jadis tournoyer
Les Centaures cabrés au bord des précipices !
Le plus beau, le meilleur, l’aîné des Dieux propices !
Roi purificateur, qui faisais en marchant
Jaillir sur les sommets le feu des sacrifices,
Comme autant de flambeaux, d’orient au couchant !
Ton carquois d’or est vide, et l’Ombre te réclame.
Salut, Gloire-de-l’Air ! Tu déchires en vain,
De tes poings convulsifs d’où ruisselle la flamme,
Les nuages sanglants de ton bûcher divin,
Et dans un tourbillon de pourpre tu rends l’âme !
 

Quel que soit le pays d’origine du poète, l’inspiration peut donc venir de tout. Lorsqu’il a été question du contexte historique et littéraire de l’époque, nous avons évoqué l’influence nouvelle de la poésie européenne symboliste récemment traduite en coréen. Certains écrivains traduisent, d’autres reproduisent le style nouveau. La nouveauté venue de l’ouest inspire, et KIM Sowol ne fait pas exception. Il porte un intérêt certain pour cette littérature différente, comme on peut le voir au début de son poème Jour de pluie.

Jour de pluie

Jour de pluie… Autrefois,
Je chantais cette chanson de Verlaine :
« Il pleure dans mon coeur… »
Mais aujourd’hui, jour de pluie,
Je me contente de dire : « Tiens, il pleut. » (…)

비오는 날

비오는 날, 전에는 베들렌의
내 가슴에 눈물의 비가 온다고
그 노래를 불렀더니만
비오는 날ㅡ 오늘
나는 <비가 오네> 하고 말 뿐이다
(…)

Dès le premier vers KIM Sowol parle du poète français Paul VERLAINE (베들렌). Non seulement il a entendu parler du poète, mais il en connaît aussi les textes, puisque le second vers reprend le célèbre poème « il pleure dans mon coeur comme il pleut sur la ville… », traduit notamment par KIM Eok dans la Valse de l’Angoisse, présenté plus haut.
La poésie de KIM Sowol est assurément nouvelle, tant par son fond, ses thèmes, que par sa forme, son esthétique. Poète talentueux dont les textes représentent l’âme du peuple coréen, son époque a été sa source d’écriture et la raison de sa fin. En guise de conclusion à son oeuvre, citons un dernier texte représentatif de sa poésie, au-delà du sentimentalisme larmoyant auquel certains la restreignent : emploi de mots simples, thème et style d’écriture libres et modernes, musicalité et rythme très travaillés avec des jeux de mots.

Alcool

Alcool-eau, eau-alcool
L’alcool et l’eau sont cousins. Toutefois,
Si l’on boit de l’eau, celle-ci clarifie l’esprit, tandis que,
Si l’on boit de l’alcool, celui-ci embrase corps et esprit tout entier.

L’alcool est éventail, l’alcool est soufflet de forge.
Le soufflet de forge, c’est le jeu du tourniquet, jeu du tourniquet :
Fils, à la fois, du vent et des lutins.
L’alcool est éventail, soufflet de forge et jeu du tourniquet.

Alcool, cordial qui enivre quand on le boit,
Soufflet de forge quand ça va bien ; mais quand ça va mal,
Alcool rafraîchissant qui délie un coeur noué.
L’alcool, c’est moi quand il est dans mes veines.

Il évente pour une bonne affaire,
Et pour une mauvaise affaire, il attise.
Eh, toi ! Alors… levons notre verre ! Puisque nous buvons
Pour que notre affaire tourne bien, ça ira.

Alcool-liquide, argent-liquide
L’alcool, c’est de l’argent, alcool et eau sont des liquides.
Le liquide consommé diminue et disparaît.
Boire de l’alcool, c’est boire de l’argent, c’est boire du liquide.

술은 물이외다, 물이 술이외다.

술과 물은 사촌이외다. 한데,

물을 마시면 정신을 깨우치지만서도

술을 마시면 몸도 정신도 다 태웁니다.

술은 부채이외다, 술은 풀무외다.

풀무는 바람개비외다, 바람개비는

바람과 도깨비의 우우름 자식이외다.

술은 부채요 풀무요 바람개비외다.

술 마시면 취케 하는 다정한 술,

좋은 일에도 풀무가 되고 언짢은 일에도

매듭진 맘을 풀어 주는 시원스러운 술,

나의 혈관 속에 있을 때에 술은 나외다.

되어 가는 일에 부채질 하고

안되어 가는 일에도 부채질합니다.

그대여, 그러면 우리 한잔 듭세, 우리 이 일에

일이 되어 가도록만 마시니 괜찮을 걸쎄

술은 물이외다, 돈이외다.

술은 돈이외다, 술도 물도 돈이외다.

물도 쓰면 줄고 없어집니다.

술을 마시면 돈을 마시는 게요, 물을 마시는 거외다.

5. L’après KIM Sowol
a. Souvenir de KIM Eok

KIM Sowol se suicide à l’âge de 32 ans. Il laisse derrière lui une Corée souffrante sous l’emprise des japonais. La nouvelle de sa disparition crée un choc dans le milieu littéraire. Son mentor et ami KIM Eok écrit un article en son souvenir après cette triste nouvelle. Dans ce texte intitulé <소월의 추억>, souvenir de sowol, il dresse un portrait de son élève et commente certains de ses poèmes. A travers un article touchant puisqu’empli d’affection et de respect pour Sowol et son oeuvre, KIM Eok revient sur un grand nom de la littérature coréenne de l’époque. Il y dépeint le KIM Sowol qu’il connaît, contestant ouvertement la voix de certains lecteurs, qui le considèrent comme un jeune sentimentaliste. Il explique que même si d’après lui, KIM Sowol était meilleur poète populaire que moderniste, ce dernier n’aimait pas être considéré comme tel ; ses poèmes n’étaient pas des chansons populaires. KIM Eok exprime sa tristesse et son regret, tout en commentant certains poèmes de Sowol, dans lesquels il cherche à trouver l’explication au geste désespéré de son élève. Cependant, si les textes les plus célèbres de KIM Sowol montrent une sensibilité et sentimentalité extrême, KIM Eok certifie que ces deux expressions ne conviennent pas au poète disparu. Celui-ci avait une approche de la vie très pragmatique, et corrigeait et retravaillait ses textes de nombreuses fois. C’est sans doute son échec en tant qu’écrivain qui est à l’origine de sa chute, puisqu’à l’époque il est très difficile de vivre de sa plume.

b. KIM Sowol dans la vie de tous les jours

Sa disparition marque son époque tout comme l’ont marqué ses textes, qui perdurent aujourd’hui encore. En effet, KIM Sowol est demeuré célèbre en Corée, tout le monde peut citer son nom, et tous les étudiants ont étudié ses poèmes au lycée. Il est aux étudiants coréens ce que Jacques Prévert est aux écoliers français. En 2007, à l’occasion du centenaire de la poésie coréenne moderne, l’Association des Poètes Coréens a sélectionné les 10 poètes les plus célèbres de Corée, et KIM Sowol pointe en tête du classement avec son poème « Azalées », devant HAN Yong-un et SOO Jeong-ju.
KIM Sowol a la préférence du peuple coréen, et celle des milieux littéraires, puisqu’en 1987 le prestigieux prix littéraire 소월시문학상, prix de poésie Sowol, est créé, et récompense chaque année un poète coréen.
La poésie a une importance particulière en Corée. Au-delà d’un rayon conséquent dédié à la poésie dans les librairies du pays, on peut la croiser là où l’on s’y attend le moins, comme dans les stations du métro de Séoul par exemple. Poète préféré des coréens, KIM Sowol s’est vu ériger un monument en son nom au parc de Namsan à Séoul. Ainsi, en se promenant sur le mont Namsan qui surplombe Séoul, on peut lire gravés sur des blocs de pierre les plus célèbres de ses vers.
Les poèmes de KIM Sowol sont connus par les enfants qui les ont étudiés et appris à l’école, mais aussi par les parents, et ceux-ci sont très souvent chantés après les soirées bien arrosées. De nombreux chanteurs de variété coréenne les ont également reprises, comme la chanteuse Maya avec «진달래꽃 » en 2003. La musicalité naturelle des poèmes de KIM Sowol permet de les chanter très aisément. Plus récemment, en juin 2010, PARK Ji-man présente <그 사람에게 : 김소월 프로젝트>, un projet de mise en musique et chanson de 14 poèmes de KIM Sowol.

c. Un poète devenu légende

Il n’a que peu écrit, peu vécu, mais il est devenu une légende. La beauté de ses textes leur a permis de passer à la postérité et à faire de lui le plus célèbre des poètes coréens. Comme il a vécu sous l’occupation japonaise, il est vu comme un patriote héros, fidèle à sa patrie quoi qu’il arrive. Face à la perfection de ses textes poétiques on peut en arriver à se demander s’ils sont tous de lui, et comment il a pu composer une telle poésie, harmonieuse et mélodique. Les grands artistes, les légendes ne s’expliquent pas.
Tout comme William SHAKESPEARE en Angleterre au XVIème siècle, la qualité et la magie des textes est incroyable. Et, pour couronner le tout, nous n’avons aucun portrait des deux hommes, comme s’ils étaient des Dieux. En 2009, une famille anglaise dévoile un portrait de l’écrivain, soit disant gardé depuis des siècles, mais les experts ne parviennent pas à s’accorder quant à savoir s’il s’agit d’un vrai ou non. Pour nombre d’entre eux, c’est le portrait d’un noble de l’époque Shakespearienne, mais pas le célèbre dramaturge. En Corée, ce genre de problème a été évité, puisque le gouvernement coréen fait créer un portrait de KIM Sowol par informatique en 1990, pour donner une image au poète jusqu’alors inconnu. Dès lors, à la puissance des mots s’ajoute une image, et KIM Sowol redevient un homme, un homme que pourront prendre pour modèle et auquel pourront s’identifier les coréens.

Décembre 2010.

BIBLIOGRAPHIE, WEBOGRAPHIE

Ouvrages de référence pour les poèmes de KIM Sowol
KIM So-weol, Fleurs d’azalée, traduction KIM Hyeon-ju et MESINI Pierre, Editions Autres Temps, 1998.
KIM Sowol, Azaleas, a book of poems, traduction McCANN David, Columbia University Press, 2007.

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HAN Christine, Translating Modern Korean Poetry : Aesthetic Nationalism and the History of Emotions, Colombia East Asia Review.
KIM Jai-hiun, The contemporary Korean poets, Larchwood Publications, 1980.
KIM Yong-jik, Le symbolisme dans la littérature coréenne, revue Culture Coréenne n°12, 1986.
The Korean Culture and Arts Foundation, Who’s who in Korean literature, Hollym international Corp, 1996, P265-266.
MAURUS Patrick, La littérature coréenne devant le modernisme et le colonialisme ou l’ère des revues, édition l’Harmattan, 2000, P147-185.
MAURUS Patrick, La mutation de la poésie coréenne moderne, édition l’Harmattan, 1999, P162-167, 311-325.
PEI Cheng, L’aventure des lettres françaises en extrême Asie, éditions You Feng, 2005.
YI Seung-hun, La poésie coréenne moderne et ses spécificités esthétiques, revue Culture Coréenne n°40, 1995.
Poèmes français
DE BANVILLE Théodore, Odelettes, éditions Lévy, Paris, 1856.
BAUDELAIRE Charles, Les fleurs du mal, éditions Poulet-malassis, 1857.
DU BELLAY Joachim, Les regrets, éditions Lemerre, 1866.
DE LISLE Leconte, Poèmes antiques, éditions Lemerre, 1891.
DE MUSSET Alfred, Premières poésies, éditions Charpentier, Paris, 1887.
RIMBAUD Arthur, Anthologie des poètes français, Tome IV, éditions Lemerre, 1888.
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http://www.koreatimes.co.kr/www/news/art/2009/10/142_11896.html
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http://www.koreatimes.co.kr/www/news/opinon/2008/01/137_17042.html
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http://news.chosun.com/site/data/html_dir/2010/06/25/2010062501427.html
Munhak Sasang.inc, 소월시문학상 소개.
http://www.munsa.co.kr/Prize_02.asp?Check=3
Poèmes en coréen
http://www.poemlove.co.kr/
http://raincat.pe.kr/
http://cafe.daum.net/newpath

 

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