Une société en métamorphose

LE HANGEUL

« Qu’il soit ou non la meilleure possibilité de transcription de la langue coréenne, le hangeul est irrémédiablement l’un des plus grands exploits intellectuels de l’humanité. » (Geoffrey Sampson, Professeur d’Ingénierie linguistique au département d’Informatique, Université du Sussex.)

« Le trait le plus marquant du hangeul est le fait que les formes des symboles de l’alphabet représentent les relations phonologiques… Le hangeul est l’ultime cadeau de la Corée au monde. Alors que le hangeul est un symbole de plus haut rang de la culture coréenne, il porte en lui une signification universelle. » (Robert Ramsey, Professeur de Linguistique d’Asie Orientale, Université de Maryland.)

« Les Coréens ont inventé un système d’écriture alphabétique unique baptisé hangeul pour le peuple coréen. Le hangeul est sans doute le système d’écriture le plus scientifique au monde. » (E.O. Reischauer, Professeur, Université de Harvard.)

« Le hangeul est le meilleur alphabet, celui dont toutes les langues ont rêvé. » (John Man, Alpha Beta : How 26 Letters shaped the Western World.)

« Je crois que tous les linguistes du monde devraient considérer la journée du hangeul comme un jour férié. » (J.D. McCawley, Linguiste et Professeur, Université de Chicago.)

« Une journée suffit pour apprendre à lire le coréen. Le hangeul est un alphabet très scientifique et pratique pour communiquer. » (J.M.G. Le Clezio, Prix Nobel de Littérature 2008.)

« C’est le système d’écriture le plus simple du monde. Sejong est le Léonard de Vinci coréen, doté de multiples talents. » (Pearl S.Buck, Prix Nobel de Littérature 1938.)

Nombreux sont les linguistes, universitaires et écrivains du monde entier à s’extasier sur le hangeul. Les experts ont attesté des aspects scientifique, innovateur et pratique du hangeul. En honneur au Grand Roi Sejong (1397-1450), inventeur du hangeul, l’UNESCO a créé le Prix UNESCO du Roi Sejong pour l’Alphabétisation, remis à des personnes ou de organisations qui contribuent à la lutte contre l’analphabétisme. En 1997, le manuscrit du Hunminjeongeum, document qui précise les origines et le système qui ont permis la construction du hangeul, est nommé Mémoire du Monde par l’UNESCO.

Sejong, le roi le plus respecté de Corée

Le hangeul est le seul alphabet du monde pour lequel nous connaissons l’origine et les principes. Le roi Sejong, quatrième monarque de la dynastie Joseon, créa le hangeul en 1443 et l’introduisit officiellement en 1446. A l’époque, il avait pour nom officiel hunminjeongeum, littéralement, « les sons corrects pour éduquer le peuple ». « La langue de notre pays est différente du chinois, alors les caractères hanja ne lui correspondent pas. Ainsi, nombreux sont ceux qui, parmi mes sujets, ne parviennent pas à exprimer ce qu’ils souhaitent. J’ai eu pitié d’eux et j’ai créé 28 nouvelles lettres qu’ils pourront apprendre facilement et utiliser à loisir », disait le roi Sejong. (Les changements phonétiques ont depuis réduit le nombre de lettres à 24.) Deux raisons principales poussèrent Sejong à créer le hangeul. D’abord, il fallait réduire la difficulté et les inconvénients auxquels devaient faire face les Coréens qui ne connaissaient pas les caractères chinois classiques – la grande majorité du peuple de l’époque – quand ils accomplissaient des procédures administratives. Puis, il s’agissait de promouvoir une meilleure compréhension des principes qui régissaient la nation. De nombreux lettrés et fonctionnaires étaient absolument contre l’invention et la mise en service du nouvel alphabet. La classe dirigeante, éduquée en chinois classique, avait alors le monopole sur les activités littéraires et l’arrivée du hangeul était une menace à leur autorité et leur classe sociale. Le roi Sejong vint à bout de toutes ces oppositions.

Suite à l’invention du nouvel alphabet, le roi Sejong créa et distribua des livres écrits en hangeul, et la majorité du peuple se mit à utiliser ce système. Néanmoins, le chinois classique demeura le cœur immuable de l’activité littéraire de la dynastie Joseon (1392-1910), le hangeul jouant un seul rôle subsidiaire. Ce n’est qu’en 1894 que le hangeul se forgea une place centrale dans la culture coréenne de l’écriture, lorsque le roi Gojong fit du hangeul le système d’écriture officiel pour tous les documents administratifs et gouvernementaux. Pendant l’occupation japonaise (1910-1945) le nouvel alphabet fut interdit. C’est pourquoi le hangeul devint un symbole du désir d’indépendance des Coréens.

Le roi Sejong laissa derrière lui bien plus que le hangeul, ce qui fit de lui le monarque le plus respecté par les Coréens. Il apparait aujourd’hui sur les billets de 10 000 wons. Il conserve sa renommée par-delà le temps notamment grâce à son statut de créateur du hangeul.

L’efficacité à l’ère de du numérique

Lorsqu’on prononce les lettres « N », « D » ou « T », notre langue vient toucher le palais. Fait que nos alphabets ne retranscrivent pas. Pourtant, les équivalents de ces sons en hangeul, ㄴ, ㄷ et ㅌ se construisent par l’ajout d’un trait au-dessus du ㄴ ; plus on ajoute de traits, plus le son est dur. Les lettres sont le reflet des réalités phonologiques tout en représentant la force des sons. ㄴ, nieun, rappelle la forme de la langue qui vient toucher le palais lorsque la lettre est prononcée. Les consonnes coréennes reprennent la forme de la bouche et la position de la langue lorsque l’on parle.

Le génie de la construction du hangeul permet de faire des mots en assemblant des consonnes et des voyelles et en ajoutant des traits. Cette dimension est très facilement visible sur les claviers de téléphone. Le format international des claviers de téléphone est composé de 12 touches, avec des chiffres de 0 à 9 et les symboles # et *. Sur les claviers occidentaux, les lettres sont assignées à chaque touche, par exemple, pour écrire la lettre « S » il faut taper quatre fois sur la touche 7. Alors qu’en coréen, il suffit de combiner cinq consonnes (ㄱ, ㄴ, ㅁ, ㅅ, ㅇ) et trois voyelles (• ㅣㅡ) pour écrire. Les voyelles coréennes sont construites à partir de trois traits de base : ㅣ, ㅡ et •, qui s’assemblent pour formerㅏ[a], ㅐ[ae], ㅑ[ya], ㅒ[yae], ㅓ[eo], ㅔ[e], ㅕ[yeo], ㅖ[ye], ㅗ[o], ㅘ[wa], ㅙ[wae], ㅚ[we], ㅛ[yo], ㅜ[u], ㅝ[weo], ㅞ[we], ㅟ[wi], ㅠ[yu], et ㅢ[ui].

L’économie du hangeul se retrouve aussi dans l’utilisation des réseaux sociaux comme Twitter, qui limitent les caractères. Le hangeul permet d’écrire plus d’informations dans la limite des caractères comme les mots s’écrivent par syllabe. Sur le clavier d’ordinateur, les consonnes et les voyelles sont séparées – les consonnes à gauche et les voyelles à droite – pour permettre de taper rapidement avec les deux mains.

En octobre 2010, Google a introduit la transcription automatique des textes en coréen, deuxième langue à en bénéficier après l’anglais. Le programme de transcription automatique permet aux utilisateurs de smartphones d’enregistrer leur voix pour envoyer leur message sous forme de texte par mail ou par SMS. Le directeur du service de transcription automatique a expliqué que « pour ce qui est de la reconnaissance vocale, nous devons développer des programmes qui reconnaissent automatiquement la prononciation des mots écrits. Pour la majorité des langues, dont l’anglais, il est très difficile de prédire la prononciation des mots. Pour le coréen, par contre, la tâche a été relativement simple, le caractère scientifique du hangeul a été un réel avantage pour développer le programme de transcription automatique. La combinaison des consonnes et des voyelles rend la lecture simple et j’ai moi-même mis une journée à lire des phrases simples en coréen. »

La valeur esthétique du hangeul et son utilisation en design

La construction unique du hangeul a permis plusieurs tentatives de création de produits basés sur l’alphabet coréen. Le créateur de mode Lie Sang Bong a impressionné le public parisien en 2006 avec la présentation de sa collection inspirée des lettres hangeul. Les actrices Lindsay Lohan et Juliette Binoche ont adopté certaines de ces pièces. Lie Sang Bong a aussi reçu des compliments sur ses designs de vaisselle toujours inspirés par le hangeul. Sa collection chinoise est en exposition permanente au Victoria And Albert Museum de Londres.

Les lettres du hangeul sont formées par les éléments les plus basiques : triangle, rectangle et cercle (ㅅ, ㅁ, ㅇ) ; lignes horizontales et verticales (ㅡ, ㅣ) qui sont au cœur des compositions. Chaque syllabe est composées d’une combinaison de lettres, jusqu’à quatre, qui comporte une certaine qualité architecturale. De nombreux étrangers peu familiers avec cet alphabet croient que les syllabes sont des images abstraites.

Toutes ces caractéristiques offrent au hangeul une place de choix pour la création de motifs de design. Les sacs et autres accessoires imprimés de motifs hangeul sont très populaires en Corée. Beaucoup d’utilisateur de ces produits coréens n’ont pas nécessairement conscience du fait que le hangeul est à l’origine du design du produit.

Le texte en hangeul peut s’écrire aussi bien horizontalement que verticalement, ce qui est pratiquement impossible avec les langues européennes. Ainsi, la présentation du titre des livres s’amuse des changements de sens, et les caractères écrits conventionnellement de gauche à droite sur les panneaux d’affichage sont très facilement lisibles. Pour ce qui est de la lecture et de l’écriture, le hangeul est très malléable. C’est un avantage de taille pour le design. Quel que soit l’espace laissé au designer, le hangeul permet beaucoup de créativité.

Hangeul et Hallyu

Le hangeul est en train de subir de nombreux changements au XXIème siècle. La K-pop, les films et les émissions télévisées coréennes, la culture populaire et culinaire gagnent en popularité dans toute l’Asie et même dans le monde entier. L’intérêt pour le hangeul à l’international grandit de même. De nombreux jeunes fans du monde entier apprennent le coréen pour pouvoir comprendre les paroles de K-pop ou les dialogues des dramas télévisés. Il est maintenant commun de voir des fans avec des écriteaux écrits en hangeul lors des concerts de K-pop à l’étranger. Le gouvernement coréen a accueilli à bras ouverts ces nouveaux passionnés de la Corée et 60 instituts Sejong enseignant la langue et la culture coréenne ont été ouverts dans 31 pays.

Le drama « The Deep Rooted Tree », très célèbre en Corée, reprend la lutte entre le roi Sejong et les factions politiques qui tentent de s’opposer à la mise en pratique du hangeul. Mêlant la fiction et les faits réels, ce drama est basé sur un livre éponyme de LEE Jung Myung, qui a gagné en popularité depuis.


Traduction Lucie Angheben

Avec l’aimable autorisation du LTI Korea.