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Regarde en haut !

Jung Jin-ho, un auteur à suivreLa petite Suji est contrainte de rester sur le balcon de son appartement après un accident de voiture qui l’a laissée paralysée. D’en haut, elle regarde la rue, les passants qui vont sans se douter de son isolement. L’auteur dessine sur une double page, le lecteur étant lui-même au-dessus de l’image, à droite la petite raie dans les cheveux noirs de la fillette, qui s’accroche au balcon de ses petites mains pour regarder en bas, et à gauche, le sommet des arbres qui bordent l’avenue. Au milieu, tout en bas, la rue, pavée, grouillante de vie, où chacun s’affaire comme dans une colonie de fourmis, mais qui lui semble interdite désormais. Page après page, tout au long du jour, l’enfant contemple le monde qui vit sans elle, jusqu’à la nuit noire.
Et puis elle appelle : « Eh! Je suis là! Est-ce que quelqu’un peut regarder en haut ? ». Un petit garçon lève la tête. Et Suji renoue avec la vie. Jung jin-ho imagine que le monde se met à sa portée, dans une succession de scènes pleines d’humour et de tendresse, il dessine le sourire de Suji, qui lève la tête vers le lecteur. Les petits bonhommes de Jung Jin-ho retrouvent leur humanité, ils deviennent alors rigolos et émouvants et l’application mise page après page, à tracer chaque pavé de la rue, chaque mèche de cheveux de Suji, chaque détail, renforce le message de l’album. Enfin, lorsque la petite fille descend avec son nouveau copain sur la dernière page du livre, la couleur revient dans sa vie, les arbres fleurissent, tout roses, on découvre son visage, levé vers le ciel, plein d’espoir.
Le format oblong de l’original est conservé, mais l’éditeur français rajoute un rouge vif dans la bulle du titre, qui souligne le caractère injonctif du titre, et complète cette interpellation par un dos lui aussi rouge vif. Le texte intérieur est en bleu, dans une police de caractère bien plus grande que dans l’album original, ce qui lui confère un vrai potentiel de lecture à voix haute, qui évoque aussi l’écriture en « lettres bâton » des enfants, petit rappel tout en tendresse.
L’adaptation joue donc là un rôle essentiel, elle ajoute du sens, elle souligne, et confère par contraste au dessin en noir et blanc de Jung Jin-ho une intensité lumineuse : la couleur éclaire le noir, comme dans la peinture. Cette magnifique intuition donne beaucoup de relief à l’aventure de Suji et de ses nouveaux amis, et les jeunes lecteurs en seront certainement encore plus touchés.
Espérons que nous lirons vite d’autres titres de ce jeune auteur en français. En attendant, il faut sans faute découvrir ce très bel album pour les petits, qui enchantera aussi les adultes qui le leur liront.


REGARDE EN HAUT !
DE JUNG JIN-HO
Traduit par Alain SERRES
Éditions Rue du monde, collection Coup de coeur d’ailleurs, 40 pages, 16€.

 

Documentaliste dans l' Education Nationale, et très impliquée dans la promotion de la littérature pour la jeunesse, j'ai découvert la production coréenne il y a plusieurs années, et j'ai été emballée! Je m'attache donc dans Keulmadang à en partager les délices avec les lecteurs, sans m'empêcher parfois de chroniquer un roman ou une bande dessinée pour les plus grands.

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