Enfance en livres Styles & Cie

Ouvre-moi

Une jolie fable de Muka le tendre, où l'on apprend qu'accepter l'autre est plutôt un enrichissement qu'un renoncement...

On retrouve avec plaisir l’univers graphique de Muka, ce jeune illustrateur dont l’album acidulé Et si le ciel n’était pas rond avait ravi nos pupilles. Cet album-ci est antérieur, mais on y trouve déjà cette expression particulière pleine de rondeur, de douceur, de malice aussi pour décrire une grande évolution dans la vie du petit narrateur.

Dans des tons doux qui suggèrent les réalités de l’hiver, Muka dessine la vie dans une maisonnette de bois, cachée au milieu d’une forêt, isolée sous la neige ; il fait nuit quand commence l’histoire, sur la couverture même de l’album. Une ligne oblique sépare l’éther de la zone du titre qui se détache comme une supplique, et l’obscurité glacée suggérée par la représentation de la nuit dans cette forêt, bleue cendrée, et les troncs blancs des bouleaux. Muka n’a rien à faire du réalisme, car c’est un ours brun bien réveillé qui cherche un abri et toque à la porte ; dans cet abri tout chaud et lumineux vit un garçon solitaire. Il n’accepte qu’à contre cœur d’héberger cet étranger, qui loin de s’endormir pour hiberner, va rapidement déranger ses petites habitudes en ne s’adaptant pas à leurs contraintes, et l’agacer jusqu’à ce qu’un incident plus grave le fasse sortir de ses gonds.

Il chasse sans ménagement celui qu’il n’a jamais perçu que comme un intrus. Mais la vie parfois se charge de remettre de l’ordre, celui qu’on tolérait à peine peut se révéler un allié sûr et indispensable.

L’univers créé par Muka est très inspiré par le dessin d’animation, avec des angles de vue très variés et suggestifs : les plans larges plantent le décor, des plans rapprochés avec des effets de plongée ou contre-plongée renforcent l’expression des émotions, la colère, la panique, ou encore la peur de l’autre ; mais aussi celle de l’action, quand l’ours envahit la double page les bras tendus en avant pour sauver son compagnon ou lorsqu’il l’emporte bien à l’abri blotti contre lui ; l’usage des vignettes décrit le garçon qui réfléchit, imagine. Tout un langage d’images qui permettrait presque de se passer du texte : idéal pour des enfants qui ne savent pas encore lire.

La dernière partie propose des séquences plus proches de la vie d’un ours et traduisent la force de l’amitié qui dépasse les différences. L’Autre n’est pas forcément un gêneur… Ainsi, l’hiver suivant, le garçon n’est pas très surpris lorsque apparaissent de nouveaux animaux encore plus exotiques pour certains, mais qu’il voit tout de suite comme « des amis qui viennent lui rendre visite ».

La vie est certainement plus agréable quand on donne et qu’on reçoit: cet album aurait pu s’intituler « Ouvre-toi ».


OUVRE-MOI
MUKA
Alice Jeunesse, 12.9 €

Documentaliste dans l' Education Nationale, et très impliquée dans la promotion de la littérature pour la jeunesse, j'ai découvert la production coréenne il y a plusieurs années, et j'ai été emballée! Je m'attache donc dans Keulmadang à en partager les délices avec les lecteurs, sans m'empêcher parfois de chroniquer un roman ou une bande dessinée pour les plus grands.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.