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Été, quelque part, des cadavres

Ce qui devait être une amusante chasse au trésor pour passer le temps devient une sombre enquête sur un mystère vieux de quinze ans.

Kang Musun, vingt ans, se voit obligée de passer l’été chez sa grand-mère dans un trou paumé sans internet. La chaleur est écrasante, la cohabitation avec sa grand-mère n’est pas des plus aisées et l’ennui est même carrément omniprésent, jusqu’à la découverte d’un dessin qui va radicalement bouleverser ses vacances : une carte au trésor soigneusement gribouillée par elle-même, quinze ans plus tôt. Alors pourquoi ne pas entreprendre une palpitante chasse au trésor ? Après tout, dans le village exilé de Duwang-ri, il n’y a rien de mieux à faire. Remplacez seulement le dangereux tombeau perdu par une colline un peu trop pentue, le gardien protecteur du trésor par l’idiot du village, et les pièges mortels par quelques toiles d’araignée, et vous voilà lancé(e).

Mais voilà : en déterrant une petite boîte en bois ornée d’une inscription étrange, ce n’est pas la seule chose que Musun découvre. Le trésor n’est en aucun cas une finalité, mais au contraire le commencement d’une enquête des plus sombres : la disparition de quatre jeunes filles, toutes d’âges et de milieux différents, le même jour, il y a quinze ans. La question est, que leur est-il arrivé ?

Avec Été, quelque part, des cadavres, Park Yeon-seon livre un polar atypique mais respectant pourtant tous les codes du roman policier et les rebondissements en tous genres. Trois inspecteurs improvisés se chargent de l’enquête et progressent entre travaux des champs, interrogatoires et filatures peu conventionnelles. Il est d’ailleurs bien difficile de ne pas immédiatement apprécier nos trois mousquetaires – la narratrice, Musun, adepte de l’ironie et des grasses matinées ; Apollon, le collégien beau comme un dieu ; et Hong Gannan, la grand-mère aigrie qui n’a pas sa langue dans sa poche. Ensemble, le trio dévoile un à un les secrets derrière chaque disparition et tandis qu’approche la conclusion du roman, les vérités déchirantes s’enchaînent.

Malgré qu’Été, quelque part, des cadavres soit son premier roman, Park Yeon-seon n’est en aucun cas étrangère à l’écriture puisqu’elle a été scénariste pour de nombreux films et dramas – c’est peut-être de cette expérience qu’elle tient son inventivité. L’auteure maîtrise les rebondissements avec beaucoup d’humour et d’humanité. Une écriture fluide, des personnages attachants, un mystère très bien ficelé, tout est là pour plaire. Les « visions kaléidoscopiques » entre les chapitres sont une touche ingénieuse pour maintenir le lecteur en haleine.

Amusant, touchant, surprenant, on dévore chaque page avec l’envie d’en savoir plus.


Été, quelque part, des cadavres
PARK Yeon-seon
Traduit du coréen par LIM Young-hee et Mathilde COLO
Matin Calme, 327 pages, 20,90€

A propos

Doctorante en littérature coréenne, j'ai découvert la Corée par la musique et le cinéma en 2010, et l'amour que j'ai pour ce pays n'a fait que s'étendre au fil des années. En termes de littérature, ma préférence va aux polars, drames et autres récits complexes. Ma recherche se focalise sur des thématiques sombres, très présentes dans la littérature contemporaine : mal-être, psychopathologie et mélancolie ; mais cela ne m'empêche pas d'apprécier les histoires plus joyeuses de temps à autre.