Connus de tous pour différentes raisons, quartiers où les étrangers résidant à Séoul se concentrent ou simplement touristiques sous couvert d’être branchés, animés ou encore d’être les quartiers « où il faut aller ». Ici, ce n’est pas pour évoquer tous ces lieux mille fois vus et revus que je prends mon clavier. De toute façon, qu’aurais-je à ajouter à tout ce qui a déjà été écrit sur ces lieux ? Tous les guides les présenteraient bien mieux que je ne saurais le faire et je ne les porte, en effet, pas assez dans mon cœur pour être en mesure d’en parler à bon escient, c’est pourquoi, je vais me contenter de vous présenter mon quartier.
Après un premier mois passé dans un environnement estudiantin coincé entre Shinchon et Idae, le manque de commodité, pour me rendre à l’Institut où j’ai cours, m’a amenée à déménager. C’est à partir de mon deuxième mois sur le sol coréen que j’ai découvert un lieu qui a su éveiller ma curiosité et me faire prendre conscience que j’étais bel et bien en Corée. Appelez ce quartier comme vous voudrez, Shillim-dong, Shillim yeok (station). Pour moi, c’est et cela restera Shillim. Bien rarement le nom de Shillim est cité, pourtant il compte parmi les quartiers « résidentiels » populaires comme on en trouve un peu partout en ville, à la différence près qu’ici règne une convivialité palpable entre les habitants. Si les Séoulites tendent à dénigrer ou ignorer ce quartier, il n’en demeure pas moins qu’une partie non négligeable de la population de la ville y habite. J’en veux pour preuve que sur le tronçon entre Shindorim et Samseong de la ligne de métro numéro 2, à la station Shillim, le matin, la rame se remplit et se vide le soir. Tous ces gens qui prennent le métro font partie de la population active et contribuent à faire tourner l’économie de la capitale. C’est pourquoi, Shillim mériterait de retrouver sa place parmi les autres quartiers de la ville.
Situé à deux stations de Seoul-Dae, derrière ses apparences de quartier populaire « malfamé », « non fréquentable », « sans intérêt » pour reprendre les termes de la population bien pensante qui semble oublier qu’une ville n’est pas seulement composée de magasins mais avant tout de gens. C’est d’ailleurs bien regrettable que cet ancien quartier pauvre de la capitale ne soit pas reconnu à sa juste valeur. Contrairement aux autres quartiers évoqués précédemment, Shillim respire la Corée, il en est une photographie vivante avec toutes les couleurs et nuances qui caractérisent ce pays. Et c’est bien là que réside tout le charme de mon quartier. Trêve de prise à partie. Tout ce que je peux faire, c’est de vous donner les raisons qui m’ont fait aimer la vie ici, après vous serez seuls juges pour décider si vous souhaiterez venir vous perdre un peu dans ce quartier plein de charme.
J’habite à Shillim depuis maintenant près de six mois. Si au début, je n’ai pas vraiment choisi car ignorant, comme beaucoup, l’existence de ce quartier authentique, je remercie le hasard de m’avoir amenée ici. Sans quoi, je serais sans doute passée à côté de tout ce que j’aime dans ce quartier.
Pour commencer, un des aspects que j’apprécie beaucoup est que, Shillim n’étant pas ce que l’on peut appeler un quartier touristique, les étrangers sont relativement peu nombreux, du coup les personnes que l’on rencontre ici sont pour la plupart des locaux lambda – parents, grands-parents, enfants, étudiants, lycéens, etc. – autrement dit des gens qui ne sont pas seulement de passage mais au contraire vivent dans ce quartier et en sont en quelque sorte l’âme. La population de Shillim ne présente pas le symptôme anti-étranger que l’on peut observer dans d’autres quartiers qui rassemblent les étrangers en grand nombre. Car il ne faut pas se voiler la face, bien souvent et c’est assez regrettable, mais les expatriés ou les étrangers qui sont en Corée pour une période déterminée, en plus de se concentrer dans quartier ou une zone – Itaewon, Seore-Maeul, etc. – n’ont pas toujours une attitude avenante, voire parfois tendent à se comporter en véritables colons, suscitant ainsi une certaine antipathie de la part de la population locale. C’est pourquoi, la vie au contact des coréens de Shillim est loin d’être déplaisante. En tant qu’étranger on n’est pas juste considéré comme des « pigeons de touristes » ou des « envahisseurs indésirables », mais comme des gens curieux de connaître autre chose de la Corée.
Ensuite, d’un point de vue pratique, la plupart des enseignes, pour ne pas dire toutes, présentes dans les autres quartiers de la ville sont implantées ici, de Watsons à Mc Donald en passant par toutes les enseignes de Coffee shop – comme Angel in us, Starbucks – ou encore Lotteria, Lotte Mart, pour les enseignes plus coréennes mais aussi toutes les chaines de magasins ouverts 24/24 du genre Seven Eleven, GS 25, Buy the way. Shillim n’a donc rien à envier aux autres quartiers de la ville en matière commodités au quotidien. Dans une certaine mesure, on peut dire que Shillim suit la vague de modernisation au même titre que le reste de la ville. Notamment avec la présence depuis mi-février d’un « mall » centre de shopping qui était en cours de construction lors de mon arrivée dans le quartier, ramenant du même coup nombre d’enseignes que l’on peut trouver dans les grands centres commerciaux comme Coex à Samseong yoek. À côté de ces magasins, on trouve aussi des lieux plus typiques comme Shinwon shichang où l’on peut faire son marché dans une ruelle couverte remplie d’étales achalandées pour satisfaire le client local.
Pour ce qui est du folklore, le quartier regorge aussi de « restaurants » à samgyeobsal et à galbi. Personnellement, je suis végétarienne donc je ne mange pas ces plats mais j’apprécie pleinement les panchan que l’on peut demander à volonté et qui sont servis en accompagnement des plats principaux. Et par dessus tout j’aime l’atmosphère qui règne dans ces restaurants. Tout le monde se retrouve dans ces restaurants, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, tous ces gens viennent pour partager bien plus qu’un plat. En fait, aller dans ces restaurants constitue une occasion de discuter et passer un moment convivial, d’ailleurs bien souvent les plats sont prévus au minimum pour deux donc ce n’est pas le genre restaurants où l’on va seul pour manger sur le pouce, mais bien entre amis en prenant son temps. Cette convivialité est conditionnée d’une part par le temps de cuisson de la viande sur les plaques chauffantes au cours du repas, d’autre part par le soju et/ou la bière qui accompagne les repas, ces deux facteurs contribuent à l’installation de l’atmosphère évoquée précédemment. Cette atmosphère chaleureuse, animée et très agréable, tous les mots que je pourrais utiliser pour la qualifier ne rendront jamais vraiment compte de la réalité, il faut en faire l’expérience pour comprendre ce que cette atmosphère a de grandiose. De plus, Shillim contrairement à ce que la majorité des séoulites croit, offre aussi nombre de lieux de divertissement Hofs, Noraebang, bar à vin, bar à ambiance. Donc quand j’entends des gens dire qu’il n’y a rien à faire à Shillim, je ne peux m’empêcher de penser qu’il s’agit soit de personnes qui n’ont pas remis les pieds dans le quartier depuis très longtemps soit de personnes un peu bornées qui ne veulent pas changer leur opinion.
Par ailleurs, la Corée est un pays qui évolue très vite à tous les niveaux, et sur ce point Shillim n’est pas en reste non plus. Construction de nouveaux immeubles, de nouveaux centre commerciaux, travaux sur la chaussée, ouverture de boutiques de toutes sortes, aménagement des quais du pseudo-canal qui traverse le quartier… la mutation de Shillim est incontestable. J’aime voir la vitesse à laquelle change la morphologie du quartier. Tous ces changements en cours contribueront, du moins je l’espère, à donner une meilleure image de ce quartier entre modernité et tradition.
En cours de travaux
« Adjeoshi » et « adjuma », manière d’appeler les hommes et les femmes âgés de plus de quarante ans. Ce sont les premiers mots qui peuvent traverser l’esprit quand on pense à Shillim. Quand on passe un peu de temps en Corée, ces deux mots, font partie des premiers que l’on apprend après les expressions d’usage courant telles que « Bonjour », « Merci ». De manière générale, ils renvoient à cette tranche de la population plus ou moins âgée et dont le style de vie ne semble pas vraiment correspondre aux nouveaux critères sociaux dictés par la modernisation du pays. Shillim, sur bien des points, s’apparente à un village dans la ville. Les relations entre les personnes qui habitent ici ne ressemblent pas vraiment à celles entre les citadins ordinaires. Ici, nous sommes loin de l’anonymat caractéristique des grandes villes. Certains pourraient être tenté de penser que tous ces « adjeoshis » et « adjumas » sont décalés par rapport la réalité coréenne actuelle, mais il ne saurait en être ainsi, ils en font partie intégrante. Ces personnages se révèlent la plupart du temps plutôt sympathiques et sont différents de ceux que l’on rencontre dans les autres quartiers de la ville. C’est aussi un des aspects que j’apprécie ici. On les rencontre partout dans Shillim. Et bien souvent, derrière leur apparence quelque peu rustre, ils s’avèrent plein d’humanité. Cela peut paraître banal d’écrire une telle phrase mais c’est pourtant bien ce qui ressort quand on les observe ou quand on parle un peu avec eux. Un de leurs points communs est d’avoir connu l’époque où la Corée du Sud était loin d’être aussi développée qu’elle ne l’est actuellement – qui peut en partie expliquer la rudesse dont cette partie de la population peut faire preuve par moment – et que les jeunes générations ont tendance à oublier un peu vite. J’aime aussi mon quartier pour cela, pouvoir rencontrer ces personnages pleins d’histoire et qui ne rechignent pas à prendre un peu de temps pour parler de leur vie et en fin de compte me permettre de comprendre un peu mieux ce pays qu’est la Corée, car ce que ces personnes peuvent m’enseigner ne se trouve pas dans les manuels scolaires.
Enfin, j’aime mon quartier car à deux pas, se trouve le Boramae Gongwon où je peux aller prendre l’air et le soleil à tout moment. Cet ancien terrain militaire a été aménagé en espace vert, permettant ainsi à la population de bénéficier d’un parc très agréable pour la promenade ou autres activités sportives (basket, roller, vélo…) Et à proximité du parc il y a une petite colline qui surplombe Shillim et depuis le sommet on a une vue très sympathique sur le Hangang et la ville.
J’aime mon quartier mais mon but n’est en aucun cas de convaincre qui ce soit que j’ai raison de l’aimer, mais juste de donner envie au gens de venir se faire leur propre expérience et leur propre opinion sur ce quartier avant de se laisser influencer par des commentaires sans appel émanant, la plupart du temps, de personnes qui finalement ignorent tout de la réalité de Shillim. Je ne saurais donc que trop vous recommander de venir par vous même vous imprégner un peu de cette extraordinaire convivialité.