L’ambition de cet ouvrage est fixé par l’auteur, enseignant-chercheur à l’Université de Technologie de Belfort-Montbéliard (UTBM): il ne s’adresse pas à un public de spécialistes mais à des lecteurs soucieux de découvrir les différences qui animent les dragons asiatiques et qui voudront ensuite aller plus loin avec d’autres références et d’autres ouvrages. Ainsi posé, l’objectif de l’ouvrage disqualifie par avance toute critique propre aux ouvrages de vulgarisation, qui présentent bien souvent le mérite d’aider à la compréhension, sans pour autant vouloir s’immerger dans un vaste sujet.
L’ouvrage est structuré par sept grands thèmes : l’Espace et la famille, le confucianisme, les Religions, l’Education, la Communication, le Sport, l’Entreprise, et le Travail. Chaque sous thème, lui-même subdivisé, établit une comparaison entre les trois pays. Le lecteur est ainsi amené à comprendre un élément de la culture de chaque pays et de le comparer au pays voisin. Si le lecteur averti risque d’être amené à réviser des connaissances déjà acquises, l’étudiant en Etudes Coréennes ou en Etudes Asiatiques aura plaisir à se promener sur un faisceau large de connaissances et d’établir les connexions, fussent-elles par différence entre les pratiques culturelles et sociales décrites.
Ainsi, sur des questions aussi fortes que la présence et la vie du confucianisme dans les pays orientaux, le lecteur soit se dégager d’une vision homogène. Né en Chine au Ve siècle avant JC, il remontera (géographiquement jusqu’en Corée, où il passera à une période difficile à établir, sans doute au début du premier millénaire, avant de rejoindre le Japon, vers 284 après JC. Puis, alors qu’il perdra en vigueur en Chine, malgré la relance de grands penseurs entre le Xe et le XIIe siècle, le confucianisme perdra en intensité alors qu’il trouvera en Corée une nouvelle vigueur, jusqu’à devenir idéologie d’Etat. Les purges de lettrés confucéens aux XV et XVIe siècles n’altéreront pas son développement durant la dernière dynastie Joseon (1392-1910), jusqu’à son abandon comme idéologie officielle. Si l’on se souvient toujours des penseurs chinois, comme Zhu Xie ou Yangmin, on connaît pourtant moins les penseurs coréens du XVIe siècle, comme Yi Hwang ou Yi I.
Cette distinction dans la pensée confucéenne trouve son pendant dans le bouddhisme. Parti de Chine sous le nom de Chan, vers 100 après JC, il arrive en Corée vers 372 et prend le nom de Seon, avant de s’établir, au milieu du Vie siècle via l’un des trois royaumes coréens, au Japon où il prendra le nom de Zen. L’affaiblissement en Chine d bouddhisme Chan annoncera plus tard l’affaiblissement du bouddhisme Seon coréen (supplanté partiellement par le confucianisme) tandis qu’il se maintiendra au Japon, avant que le Zen ne trouve une expansion mondiale inédite. Débutés sous des auspices communs, leurs trajectoires comme leurs destins vont varier d’un pays à l’autre.
La langue écrite coréenne est une autre illustration de la séparation culturelle entre la Chine et la Corée. Si la langue parlée de al Coréen antique était bien le coréen, la langue écrite était représentée par les caractères chinois (hanja) prononcés à la coréenne. Cette langue écrite utilisée par la noblesse servait de modèle pour la participation des jeunes lettrés au concours des fonctionnaires. Le peuple se contentait lui de la langue parlée. Signe préalable de la constitution d’une nation, en 1443 le roi Sejong, assisté d’une cohorte de lettrés mettra au point la langue écrite coréenne qui prendra bien plus tard le nom de Hangeul, qu’on lui connaît aujourd’hui. Malgré quelques avatars, cette écriture s’imposera au fil des siècles et supplantera les caractères chinois, malgré l’opposition de quelques irréductibles et même si ces caractères continuent d’être utilisés dans certaines circonstances ou dans la presse, par exemple.
C’est tout le mérite du livre de BAE Jung-sook que de nous entrainer dans cette approche multiculturelle, de faire ressortir les caractéristiques singulières de chaque région d’Asie pour mieux insister sur la communauté de culture et de destins. Au moment où, mondialisation oblige, les échanges commerciaux et culturels contribuent à la banalisation et à l’aplatissement des différences, une approche multiculturelle des singularités trouve avec cet ouvrage, la possibilité d’insister sur la nécessité de comprendre plus finement les civilisations du nord-est asiatique.