par Dyenaba Sylla
le dernier livre de SHIN Kyung-sook.
Editions Picquier
Traduit par Jeong Eun-jin et Jacques Batilliot
Un terme inaccessible à l’époque où se déroule l’histoire. Pourtant, une jeune femme acceptera de tout abandonner pour accéder à la liberté tant recherchée. Le thème de l’identité renforce l’image du mystère qui plane autour de Li Chin dès les premières lignes et continue tout au long du livre. Après la lecture de la quatrième de couverture du livre, on se demande qui peut bien être « Li Chin ». À travers ce roman, Shin Kyung-sook rend hommage à une femme qui a vécu des expériences hors du commun et dont l’existence ne semble être qu’une légende. Et ce ne sont pas les nombreuses recherches effectuées par l’auteur qui pourront attester du contraire, vu le manque de preuves. L’auteur arrive à garder notre intérêt et pousse notre curiosité à son maximum. Ce ne sont pas les premiers chapitres qui nous aideront dans ce sens là. Elle nous ramène dans le passé, afin qu’on suive l’évolution du personnage de Li Chin et par la même occasion pour nous exposer la situation politique, économique du pays. C’est alors qu’on se retrouve « résident invisible » dans le palais royal. On découvre que la reine n’est pas aussi insensible qu’on le disait. On a le privilège de découvrir auprès de Li Shin, un côté de la reine fragile et sympathique. Un aspect de la personnalité de la reine que nombreux habitants du palais royal ne pourraient soupçonner. Shin Kyung-soo ne veut pas seulement raconter l’histoire d’amour entre Li Chin et un diplomate français, mais l’histoire de la Corée vu de l’intérieur et de l’extérieur. Elle nous raconte plusieurs histoires simultanément d’où la raison pour laquelle elle adopte un style narratif qui différent de temps à autre. Parfois nous nous retrouvons dans un roman historique, un récit de voyages…
L’auteur n’utilise pas l’histoire de la Corée comme le fond de son histoire mais comme l’essentiel. La Corée inconnue et très peu respectée à l’époque, se retrouve donc au centre du roman. Pourquoi n’était-ce pas un pays digne d’intérêt ? Shin Kyung-sook dénonce l’attitude des grandes puissances de cette époque et de leur manque d’intérêt à un pays qui était au bord de l’éclatement. Elle se sert de personnages pour soulever des questions que tout le monde se pose et restent sans réponses même si cela n’est pas très explicite. Si la France ou le diplomate collectionne des œuvres venant de Corée, comment pourrait-il ne pas se soucier des problèmes de ce pays. La scène du musée du Louvre est très intéressante et assez révélatrice. Les questions soulevées par Li Chin et l’attitude de Collin de Plancy face à ses demandes en dit long sur le message que Shin Kyung-sook veut nous transmettre. Mais, il reste encore de nombreux sujets qui restent flous. Tout au long du roman des situations ou les relations entre individus gardent une ambigüité similaire à ceux des personnages. L’histoire d’amour entre le français et la coréenne soulève des interrogations. Collin de Plancy était t-il vraiment amoureux de Li Chin, où était-ce sa ressemblance avec Marie qui le poussait à agir comme un français et à oublier les codes du pays dans lequel il se trouvait ? Amour de collection, amour passionnel, difficile à dire. L’amour existe entre ces deux individus mais est-il partagé ? La différence culturelle ne peut être oubliée même si la barrière des langues disparaît. L’intelligence, la sensibilité de Li Chin lui ont permis de vite s’adapter à la vie parisienne sans pour autant s’y intégrer. Pour la simple raison que peut importe l’endroit où on se retrouve dans le monde, l’homme qui se retrouve en face de nous sait que nous sommes différents. Li Chin est la Coréenne qui vit en France. Le récit de voyages commençait dès son embarquement et se poursuit même après son installation en France. Mais, la coréenne reste quand même un personnage qui ne semble pas avoir trouvé sa vraie identité. Elle ne parle pas beaucoup mais lit énormément. Sa passion pour la littérature française est sans limite et lui permet d’en savoir plus sur la France. Son personnage se rapproche à celui de Kang Yon. Ce dernier est un personnage qui nous rappelle que la parole n’est pas la seule manière de s’exprimer. Il dégage en lui une force intérieure et une sensibilité propre aux coréens. Subir en silence, et s’exprimer à travers l’art de sa musique. Que dire de plus, quand le mystère semble planer autour de nombreux personnages. L’admiration ne peut être que grande envers ces personnes. Pari réussi pour Shin Kyung-sook : Li Chin est reconnue pour son œuvre et pour la vie qu’elle a menée. Une vie bouleversée par de nombreuses péripéties, de belles rencontres, et de nouvelles perspectives d’avenir. Elle finit par accéder à la liberté qu’elle cherchait tant, une ode à l’espoir pour tous ceux qui liront ce livre. Amour, violence, trahison, secret, mystère, sacrifice rien n’échappe à la plume de l’auteur. Les personnages principaux ou secondaires, ont tous un message à faire passer. Li Chin, se rend compte qu’en France, nous ne sommes pas condamnés dès la naissance. On peut gravir les échelons dans une entreprise grâce à notre savoir. Elle se rend compte, que l’homme se doit de faire le nécessaire pour atteindre son but. La Corée qui a commencé à s’ouvrir au monde, reste invisible aux yeux des autres. Elle n’imaginait pas à l’époque qu’en 2010, son nom inspirerait de milliers de personnes et insufflerait l’espoir. Mais le plus malheureux, c’est que la question d’identité et l’accès à la liberté a évolué mais reste encore à améliorer. On comprend que tout ce qui côtoyait Li Chin tombait sous son charme. En tant que lecteur, nous n’avons pu y échapper. Grâce à la complexité de ses personnages, Shin Kyung-sook arrive à nous faire voyager et à nous aider à comprendre le contexte de l’époque. Il y a tant à dire, mais comme l’auteur, nous allons quand même garder un peu de mystère sur ce magnifique et troublant roman.