Roger Leverrier, une grande figure des études coréennes, est décédé subitement la nuit du 29 au 30 octobre dans sa quatre-vingt-troisème année.
Né en 1928 à Mellé dans le département de Ille et Villlaine (35) et ordonné prêtre en 1953 à la suite de ses études au Séminaire des Missions étrangères de Paris, Leverrier arrive en Corée en 1956 pour se consacrer à sa mission d’évangélisation dans la diocèse de Andong en province de Kyeongbook. Il y sera un prêtre particulièrement actif et vénéré jusqu’en 1969, l’année où il fut nommé professeur titulaire à l’Université Hankuk des études étrangères à Séoul.
Avide de mieux connaitre la culture et civilisation coréennes, il entreprend dès 1969 des études de bouddhisme à l’Université de Dongkuk et soutient en 1971 un brillant mémoire de maîtrise sur un thème de bouddhisme de la dynastie de Koryeo au service de la défense du pays, ce qui lui vaut le prix de major de promotion. En 1974, il a également obtenu son master dans la même discipline. Ce ‘grand exploit’ émanant d’un prêtre catholique étranger ayant une parfaite maîtrise de la langue coréenne et de près de vingt mille caractères chinois a fait alors une véritable sensation dans la société coréenne. Pendant les années 70 et 80, le défunt y jouissait d’une grande notoriété comme « un étranger qui maîtrise la langue coréenne mieux que les Coréens ». Grâce à cette exceptionnelle compétence en coréen et à sa vaste connaissance de la culture et de la société coréennes, il a souvent été invité sur les plateaux de télévision et fréquemment sollicité comme conférencier tant dans des institutions publiques que dans des entreprises. En 1981, il s’est vu offrir la citoyenneté coréenne.
En parallèle à cette réputation sociale, Roger Leverrier s’est fait distinguer, de 1969 à 1994, la période où il a été professeur à l’Université Hankuk, comme enseignant exigeant et particulièrement efficace, d’une part et comme chercheur-traducteur hautement productif, d’autre part. Un analyste percutant de la société coréenne, il est l’auteur de plusieurs ouvrages écrits en coréen : La Corée et les Coréens vus par un étranger (1978), Coréens sympathiques, Coréens antipathiques (1981). Traducteur chevronné et infatigable, il a traduit plus de trente ouvrages coréens, romans et nouvelles compris, en français, dont Les Coréens de SOHN Jang-Soon (1985, Pensée universelle),Une nuit bleue et profonde de CHOI In-ho (1992, Actes Sud), A la façon des années soixante de KIM Seong-Ok (1995, Actes Sud). Il a également traduit en français de nombreux poèmes des auteurs célèbres tels YI Un-Sang, KU Sang, CHO Byung-Hwa, SEO Jung-Joo. Une mention spéciale s’impose pour la contribution, déterminante, qu’il a apportée dans la rédaction du premier dictionnaire moderne coréen-français, publié en 1978.
On se souvient de lui surtout comme un fervent et persévérant artisan de l’amitié et de la coopération entre la France et la Corée. Pour le service qu’il a rendu aux deux nations, il a été fait en 1976 Chevalier de la Légion d’Honneur. Depuis 1996, il était installé à Moidrey, tout près du Mont Saint-Michel, en compagnie de son épouse peintre coréenne avec qui il a partagé sa vie depuis 30 ans après avoir rompu ses voeux vers le milieu des années soixante-dix.