« Le temps révèle tout : c’est un bavard qui parle sans être interrogé »
tel pourrait être le leitmotiv Euripidien d’Amsterdam de Yun Sun Limet. Tel un maître d’orchestre, l’auteur nous embarque dans un voyage musical, durant lequel un professeur de musique, artiste non reconnu dont on ne connaîtra pas le nom, s’éprend d’une élève: Claire.
Intérieurement frustré par un quotidien décevant et bien moins ambitieux qu’il ne l’espérait, il part à Amsterdam, à la recherche de ses rêves de toujours: faire carrière dans la musique, aux dépens de ses amis et amour. Après plusieurs années d’exil, c’est un homme meurtri qui revient auprès des siens, en devant affronter d’autres réalités: celles du changement.
Alors que cela aurait pu être une énième romance professeur-élève, où les clichés faciles auraient pu se résumer à la narration d’une passion naissante, fruit de l’admiration juvénile d’une adolescente à un adulte, orgueilleux et rassuré de cette attention, Yun Sun Limet nous engage dans un véritable hymne à la vérité. La douloureuse vérité du temps qui passe, la vérité des désillusions, la vérité des erreurs difficilement réparables,…ponctuations cependant indispensables à la maturité et à l’accomplissement personnel de chaque individu.
L’ensemble du roman s’économise en mots et dialogues, pour s’attarder sur les gestes et actions successifs, tel un tempo, que de brefs échanges oratoires viennent parfois perturber. Dans cet esprit profondément mélomane, toute descriptions et analyses se voient attribuées une connotation musicale, où le personnage à l’oreille affutée nous entraîne dans son intimité. Tel un aveugle sensible aux sons du monde pour se guider, lecteur nous suivons notre guide dans ses joies et ses peines. Sa détresse le suit telle une ombre, où de sa fenêtre ouverte il entend des « oiseaux chanter sur deux tons », lui rappelant la dure réalité d’un monde ignorant à ses malheurs, qui continue à avancer malgré tout.
« Qu’est-ce qui est vraiment nécessaire ? » la question est posée à deux reprises au personnage, mais s’avère sous jacent à l’ensemble du roman. C’est finalement avec le temps, qu’il y répond: l’Amour. Et si la peur de contrarier des projets longtemps et soigneusement entretenus, tels des chimères réconfortantes, nous éloignait de ce que l’on souhaite intrinsèquement? Et si celle-ci encore faussait nos véritables désirs en ne faisant pas fit de leur évolution inhérente au temps? C’est par la souffrance de la séparation, de la solitude et des rêves sublimés, que cet homme prend conscience du besoin de se sentir aimé, attendu et assisté. Finalement c’est quelque chose de si simple, et donc impensable, que Claire d’une lucidité et d’une sagesse surprenantes pour son âge avait déjà saisit, et auquel elle aspirait.
Si un sentiment nous vient instinctivement: c’est la compassion. Compassion pour un homme, ermite de l’expression, trop longtemps étranger à ses sentiments et à ce qui lui est nécessaire « Quelque chose s’est tari, même l’envie d’écrire et de composer m’a passé ». Compassion pour un homme dont la vie l’abandonne, avec le sentiment qu’il vient à peine de naître. Yun Sun Limet nous offre ainsi une belle leçon de vie, où le temps murit progressivement les choses avec certitude, permettant ainsi à la vérité de surgir. Tandis qu’elle nous rappelle finalement que ce n’est pas la l’étendue de la vie qui compte mais sa valeur.