En France, on ne vous connait que par votre roman Saumon. Ce livre est à mi-chemin entre le conte pour adulte et le livre de sagesse. Vous définissez-vous autant comme poète que comme penseur ?
Ahn Do-Hyun; Je suis d’abord poète. Saumon était mon premier long récit et il se présente sous les traits du conte pour adulte et du livre de sagesse. Vous avez fait une remarque
exacte. Si j’ajoute que j’ai écris ainsi pour montrer à la fois la poésie et l’imagination. On peut dire que c’est un genre de livre qui réunit le caractère du conte, de l’essai, et de la poésie. Puis quand j’écrivais ce livre, j’étais poète mais aussi professeur de collège et lycée. En tant qu’enseignant, je voulais qu’il y ait de plus en plus de jeunes qui rêvent, qui ont des désirs différents au lieu de falsifier la réalité. Pour ce la comme vous l’avez dit, je voulais penser à la vie du saumon qui au lieu de passer par un chemin fixe choisit de remonter au sens inverse. C’est parce que j’étais enseignant mais aussi parce que la société coréenne n’est pas très généreuse envers ceux qui la critiquent. Je voudrais juste qu’il y ait plus de jeunes dans notre société qui peuvent dire non, qui peuvent nier ce qui n’est pas juste.
Dans ce livre, le style est très épuré, plus proche du langage des adolescents que des adultes mais en même temps l’adulte, jusqu’au bout, n’arrive pas lâcher le livre.
Ahn Do-hyun. Sur ce livre, il est écrit « conte pour adulte ». Quand je voulais écrire pour la première fois ce livre, je voulais dépasser le style conte pour enfant et roman pour adulte. Au départ, j’ai pensé que ça serait bien que les adolescents lisent ce livre, mais après la publication du livre beaucoup d’adultes ont lu le livre. Le livre Saumon est publié en 1996 et c’était la première fois que ce genre de roman est apparu en Corée. Quand j’étais jeune j’ai lu le Petit Prince, j’étais très ému de l’histoire, j’avais décidé que quand je serai grand je écrirai aussi ce genre de roman. Et c’est vrai que Le Petit Prince a été mon modèle. Bien que Le Petit Prince est mieux que le Saumon. Pour cela je voudrais savoir comment pensent les français sur ce genre de littérature.
Ce n’est pas en France, un genre très développé. A la lecture, je me suis demandé si votre projet n’était pas que chaque lecteur retrouve son cœur d’enfant ?
Ahn Do-Hyun. Effectivement, le premier aspect est la retrouvaille de son cœur d’enfant, et pour le deuxième aspect, je visais d’abord les lecteurs adolescents. Avec l’idée qu’en grandissant, je ne voudrais pas qu’ils soient soumis à la vie, au contraire, qu’ils doutent et se révoltent. En lisant ce livre je voulais que les lecteurs aient l’occasion de se retourner sur leur vie et de se poser des questions.
Le livre Saumon et publié en 96 c’est à dire à la fin du 20eme siècle. C’est l’époque de l’urbanisation où le matérialisme prime d’abord, où tout devient gigantesque, l’époque où on produit beaucoup et consomme beaucoup, une société capitaliste. Dans cette réalité, je pense qu’on ne peut pas abandonner tout à coup ce système et retourner dans la nature. Je suis plutôt écologiste qu’environnementaliste. Je considère qu’en possédant moins, en consommant moins on peut commencer une vie un peu plus écologique. Ce n’est pas de quitter la ville et de sauter dans la nature. C’est de réfléchir de cette place, maintenant, où je suis, comment m’intéresser plus à la nature, comment faire de la nature un objet de développement et non pas un objet de convoitise. Un rêve d’unité de la nature et de l’homme. Il suffit de rêver d être ami de la nature, de cette façon on s’approche déjà de la nature. Même moi j’habite actuellement dans un appartement très commode mais si quelqu’un me demande d’aller vivre tout de suite dans la forêt dans une cabane minable je ne pourrai pas vivre.
Est-ce que vous êtes d’accord de dire que le saumon est un livre politique ?
Ahn Do-Hyun. Comme j’avais l’intention que les adolescents lisent mon livre, je voulais donner une leçon morale. Le livre est plutôt moral, et non pas politique, Après tout, il est difficile de distinguer la morale, et la politique. Surtout dans la dernière partie, avant de sauter la chute (cascade) d’eau, quand ils discutent pour trouver la solution, je trouve que ma pensée est fortement apparue. Je ne sais pas si vous pensez que ce point dans la dernière partie est politique. En tout cas dans cette dernière partie du livre mon intention et ma pensée étaient très fortes. Je m’intéresse beaucoup à la politique.
Paul Valery, grand écrivain et poète français a dit : « Ecrire de la poésie devait s’accompagner du regard qu’on porte sur soi entrain d écrire de la poésie » C est ce qu’il a appelle la conscience de soi. Pensez-vous de la même façon?
Ahn Do-Hyun. Comme vous le savez bien, il ne faut pas ignorer la particularité de l’histoire de la Corée, le pays où je suis né et où j’ai grandi. Je suis né en 1961, pendant ma scolarité je pense que j’ai reçu une éducation des plus violentes, contre le communisme, de la planète. Ensuite c’est à travers des études que j’ai su que l’industrialisation et le capitalisme ont été construits dans le pays avec un régime non démocratique. En observant ceci, une des raisons pour lesquelles j’écris était d’aider au moins un tout petit peu la réalisation de la démocratie du pays. Sinon, ma littérature n’aurait pas de sens.
Qu’est ce que ce livre a provoqué dans votre vie de poète ?
Ahn Do-Hyun. Il y a un fait amusant en Corée. On a tendance à se méfier quand un poète change de genre. Par exemple écrire un roman, un essai, ou un conte pour enfant. Les gens le soupçonnent de ne pas faire son travail et de chercher autre chose. Comme il ne gagne pas beaucoup d’argent avec ses poèmes, en changeant de genre littéraire, il essaye de gagner plus. C’est un soupçon commercial. En réalité moi aussi j’ai eu ce genre de soupçon. En plus comme le Saumon a eu un grand succès commercial, il y a pas mal eu de soupçons envers moi. Mais je pense que tout écrivain malgré ces soupçons et ces regards doit écrire ce qu’il souhaite. Je considère que je n’ai pas changé de genre, mais que j’ai écris un roman qu’un poète peut écrire. Mais même maintenant je voudrai que les gens me considèrent plutôt comme un bon poète qu’un romancier.
Dans ce livre, les aspects politique, économique, culturel, philosophique et psychologique sont présents. Est-ce que ce n’est pas un peu inquiétant de faire une œuvre totale ?
Ahn Do-Hyun. Je comprends tout à fait. Dans l’histoire, il y a l’histoire générale de l’Homme, la philosophie, l’environnement et la nature, l’éducation, le destin, il y a plusieurs aspects. Le Saumon est mon premier livre pour adulte. J’avoue que j’avais trop envie de le réussir. Sous le prétexte, je ne voulais le rater. Même si les jeunes ne peuvent pas comprendre tout le message du livre, il suffit qu’il y ait une petite partie de l’histoire qui pourrait les toucher et j’en serai content. Je ne sais pas comment cela est traduit en Français mais il y a un passage dans le livre sur lequel je voudrais insister. « Exister, c’est être l’arrière plan des autres. » C’est à dire, nous vivons pour soi même, mais finalement pour avoir une vie idéale, il ne faut pas vivre pour soi même. Il faut être en arrière plans des autres. Je voulais surtout insister sur ce point.