Sciences Humaines & Sociales

LES NOUILLES FROIDES DE PYONGYANG

Nouilles froides à Pyongyang de Jean-Luc Coatalem
Nouilles froides à Pyongyang
de Jean-Luc Coatalem

On doit en effet aux journalistes principalement d’avoir porté un éclairage sur ce pays quasiment inconnu du grand public. Même si le pays tend à s’ouvrir depuis quelques années, l’intérêt des chercheurs ne s’est produit que tardivement, pour les évidentes raisons que l’on devine, et les années à venir vont permettre certainement l’émergence de travaux de recherche sur la Corée du Nord, en histoire, en géographie, en littérature, etc.

En attendant, nous restons largement dépendant des journalistes et des agences de presse, aux contenus régulièrement calibrés. Pour les uns, en fonction de ce que le public s’attend à lire, pour les autres par idéologie, au sens où Lukacs l’entendait, comme étant la forme d’une « objectivité » déterminée suivant les buts à atteindre. Malheureusement, ce n’est pas ce nouveau livre qui permettra de se faire une autre idée de la Corée du Nord, tant sa ressemblance avec les productions du même genre est patente. Plutôt bien écrit, plutôt agréable à lire, même si la rhétorique du livre se découvre au bout de quelques pages, il condense et synthétise tout ce qui a été lu jusqu’ici, dans la même veine. Bien entendu, loin de nous l’idée que la Corée du Nord devrait être saisie dans une réalité travestie, mais pour celui qui souhaiterait connaître ce pays autrement que dans ce qui est habituellement rapportée par les médias ou les livres de journalistes, il lui faudra s’orienter vers d’autres lectures. On peut en effet, ne rien comprendre à la Corée du Nord si on ne situe pas le pays dans la dynamique historique de son avènement dans les années 20, après l’échec de la déclaration d’indépendance du pays (1er mars 1919) pendant l’occupation japonaise en Corée 1905-1945 et sa constitution officielle en 1948. Pas plus qu’on ne comprend si on fait abstraction de l’histoire depuis les années 20. Ceux qui auront connu les pays du bloc de l’Est dans les années 70 y seront en terre connue.

Mais évidemment, jamais un coup de dés n’abolira le hasard. Et quels que soient les efforts de contextualisation nécessaire à une compréhension dynamique d’un pays, le croustillant l’emportera toujours. Et Les nouilles froides de Pyongyang n’en manque pas. Les derniers livres comme les derniers documentaires TV (ceux de la Chaîne Histoire, par exemple et pas seulement M6) tiennent approximativement le même discours, au mot près, au stigmate près, qui vont du connu pays-le-plus-verrouillé-du-monde au moins connu pays-raide-violent-et-peureux-à-la-fois.

Et du coup, si vous êtes surtout intéressé à consolider dans votre esprit une image déjà bien constituée, ce livre renforcera inéluctablement vos convictions et vous ravira. Si votre intérêt se porte vers le minimum de curiosité (comment ce pays s’est-il constitué, comment parvient-il à s’en sortir malgré l’isolement, comment à t-il pu fabriquer des bombes nucléaires quand la disette le saisit régulièrement, sur quels fondements de résistance ce pays survit-il, etc. ?). Et plus largement encore, quel rôle réel joue t-il dans l’équilibre géostratégique en Extrême-Orient ? Qui tire son épingle du jeu de la peur qu’inspire la Corée du Nord ? Il vous faudra pour cela encore, d’autres lectures. Ce n’était certainement pas le but de ce livre que de répondre à ces questions, mais à un moment où la planète reste suspendue aux déclarations d’un pays au bord de la ruine, paraît-il, le besoin de comprendre est encore plus vital.

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