Inho aimait enfant se livrer à de multiples prouesses acrobatiques, pour amuser son petit frère, jusqu’au jour où un accident l’a privé de la parole, ne lui laissant qu’un filet de voix clownesque, ridicule, et même repoussant. Ainsi n’a-t-il jamais trouvé de femme. C’est pourquoi son frère Yunho l’accompagne en Chine, chercher une épouse parmi les chosonjok, ces coréens expatriés au fil des évènements de l’Histoire.
Ils choisissent Haehwa. Discrète mais décidée, fragile et résistante à la fois, elle incarne l’abnégation propre à la femme coréenne d’autrefois. Dans son adolescence, un homme étrange la fascina avec l’histoire du royaume perdu de Balhae, avant de disparaître, emporté par l’errance de la quête d’un monde qu’il reconnaîtrait comme sien. Haehwa décide de se marier pour recommencer à vivre.
Le mariage se fait sur place, une cérémonie rapide, et très vite pour Haehwa, c’est l’exil. Las, après des débuts harmonieux, sa belle-mère meurt, et les châteaux en Espagne s’écroulent. Adieu le cirque, place au drame. Rongé par la jalousie, le tendre Inho ne supporte pas l’amour naissant entre son frère et sa femme. Yunho fuit cette passion coupable, mais Haehwa, qui vit dans le souvenir d’un amour de jeunesse malheureux ne comprend pas la violence subite de son voyageur. Pour survivre malgré tout, elle s’échappe une nuit, sans un sou, sans papiers, et entame une existence précaire et misérable qui la conduira aussi sûrement à la mort que les tortures que lui inflige Inho . Quant à lui, il appelle à nouveau son frère à son secours pour échapper à ses souvenirs et à la culpabilité qui le tenaille.
Yunho l’observe dériver, et se perdre, quand lui-même peine à se maintenir debout.
L’auteure dévide le fil de leurs destins, qui alterne les récits de Yunho et d’Haehwa, deux voix qui s’entremêlent, comme en écho, pour tisser une histoire de destruction et de renoncement. Malgré l’esprit de résistance, la volonté de survivre qui les anime, les héros sont emportés dans cette aventure tragique, doucement, irrévocablement.
Un autre regard sur la Corée contemporaine, encore sous l’emprise de son histoire, où les anciens exilés sont perçus comme des intrus, des profiteurs, quand les hommes solitaires peinent à trouver des compagnes dociles et soumises, comme autrefois. Quand la violence sociale l’emporte sur la tendresse, les alliances fragiles et les cocons amoureux se défont comme l’étoffe dont se drape et se défait la fragile acrobate qu’admirent les deux frères lors de leur voyage en Chine.
Un roman allégorique et sobrement réaliste, qui se lit et se relira, tant il résonne d’échos multiples dans les esprits inquiets des lecteurs contemporains en mal de rêves et de certitudes.