Toutefois, avec son court roman Bienvenue, Kim Yi-seol plonge le lecteur dans une Corée où le confucianisme semble n’avoir jamais existé. L’ouverture du pays au monde extérieur, la mondialisation, la société de consommation, l’éveil des consciences, l’injustice sont, entre autres choses, pointés comme les responsables de cette cohabitation impossible entre la Corée moderne et les préceptes d’antan. Ce fossé devenu colossal entre les générations précédentes et celle d’aujourd’hui mène à une perte d’identité ainsi qu’à la remise en question de toute une culture : un phénomène présent dans de nombreuses sociétés et auquel la Corée n’a pas échappé.
Avec Bienvenue, Kim Yi-seol jette un pavé dans la mare et fait voler en éclats le reflet mensonger d’une société idéale, aspect cher aux coréens. Avec sa plume réaliste, elle fait découvrir au lecteur le quotidien de Yunyeong, narratrice et personnage central de cette œuvre qui vit loin des contes de fées. En soi, une réalité au-delà des apparences, où les critiques, si virulentes soient-elles, dé-diabolisent les faits et gestes de femmes qui essaient tout simplement de survivre. Abandonnées par la providence et ne pouvant compter sur personne d’autre qu’elles-mêmes, ces femmes dont la force réside en l’espoir d’une vie meilleure pour leur progéniture, se battent contre vents et marées. Kim Yi-seol ne dresse ici aucun jugement ; au contraire, elle place sur les devants de la scène la force de ces femmes souvent toisées et ignorées par simple convenance.
Yunyeong n’a d’autre choix que de travailler dans un restaurant en tant que serveuse pour subvenir aux besoins de sa famille. Bien qu’elle semble ignorer que le restaurant n’est en fait qu’un trompe-l’œil (les signes étaient pourtant gros comme une maison, mais on lui laissera tout de même le bénéfice du doute), elle finit par trouver sa place dans cette maison de passe et à ne plus éprouver de honte à pratiquer ce métier « déshonorant ».
Et oui, il est plus facile de parler de déshonneur lorsque des femmes se prostituent et se tuent à la tâche pour faire vivre leurs prochains, que lorsque leurs époux respectifs sont incapables de remplir leur rôle de chef de famille. La société n’est donc qu’hypocrisie. Le lecteur avide d’informations sur le statut de la femme coréenne sera ravi. Bienvenue, une narration rude et tellement réaliste, que le lecteur se laisse volontairement immerger dans la vie de ces femmes exemplaires. Kim Yi-seol, ultra-féministe ? ou tout simplement divulgatrice de vérités ? Au lecteur d’en décider.