Sciences Humaines & Sociales

Le nouveau visage de la pop culture coréenne à l’heure du numérique

 Films, animations, jeux, livres, tous les moyens sont bons pour transmettre les plus passionnantes des histoires. Les mondes virtuels, où l’interaction avec les utilisateurs est importante, peuvent également constituer des espaces alternatifs ouverts à une pluralité de contenus.

De ce point de vue, la diversité des contenus culturels coréens propose des caractéristiques à la fois universelles et coréennes auxquelles sont incorporées diverses formes de technologies numériques. L’engouement coréen pour le numérique est vraiment intéressant et unique. Au XXe siècle, la pop culture coréenne fait ses premiers pas à l’international avec des thèmes et des caractéristiques purement coréennes. Mais au XXIe siècle, les produits culturels coréens, tout en gardant leur spécificité, conservent une dimension internationale.

Cet article se propose de se plonger dans les secrets du succès de ces produits, de « Pororo le Petit Pingouin », favori incontesté des enfants de plus de 120 pays, au très populaire MMORPG coréen, qui bat tous les records du nombre de participants au monde.

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  • Un Divertissement éducatif sur mesure pour les enfants

Aujourd’hui, la Corée du Sud est célèbre pour son divertissement éducatif qui combine, comme son nom l’indique, l’apprentissage et l’amusement. On ne l’utilise pas pour passer le temps, il ne colle pas les enfants à l’écran, il diffère de tous les matériaux que l’on trouve dans les manuels scolaires. Le contenu est attirant et en observant, contemplant et faisant des expériences, les enfants apprennent à réaliser des choses par eux-mêmes. Le divertissement éducatif se base sur son élément clé : une histoire captivante.

Le programme d’animation pour enfants « Pororo le Petit Pingouin » est apparu en 2003. Il s’est vendu dans plus de 120 pays depuis, la valeur de la marque étant estimée à 389.3 milliards de won (soit environ 280 millions d’euros, ndt). Pororo est disponible sous une licence OSMU (Une source multi usage) qui regroupe plus de 1500 produits dont des jouets, de la papèterie et des vêtements. En Corée, on surnomme Pororo « Le fils du président » à cause de sa grande popularité auprès des enfants. Leur fascination pour Pororo est si grande qu’on montre Pororo aux bébés qui pleurent pour les calmer.

Les enfants sont des consommateurs plutôt pointilleux car à l’inverse des adultes, ils réagissent de façon directe et viscérale. Si le personnage ou l’histoire deviennent un peu ennuyeux les enfants perdent rapidement leur intérêt. Alors qu’est-ce qui les fascine tellement avec Pororo ?

« Pororo le Petit Pingouin » est totalement rendu en 3D. On y retrouve de multiples personnages destinés à attirer les enfants. Le contenu proposé par les épisodes s’intéresse aux envies des enfants et leur offre les histoires et les visuels qui leur plaisent. L’une des raisons majeures du succès de Pororo est sans nul doute la trame de l’histoire attirante que l’on retrouve dans chaque épisode et qui captive les enfants.

Tout d’abord, l’histoire se déroule en Antarctique, un endroit où la grande majorité des enfants n’ont jamais mis les pieds, ce qui stimule leur imagination. Le Pôle Nord et le Pôle Sud sont perçus presque de la même façon par tous les enfants du monde, quelle que soit leur culture, ce qui permet le succès de Pororo sur divers terrains.

Ensuite, Pororo et toute sa compagnie ont créé leur propre communauté où ils vivent sans parents et sans gardiens. C’est ainsi que lorsqu’un problème sérieux survient, Pororo et ses amis doivent tout faire tout seuls, ce qui pousse les enfants à vouloir devenir indépendants.

Puis, chaque personnage évoque un animal issu d’une fable, tout en représentant les personnalités des enfants les plus diverses : Pororo est actif et aime l’aventure, Eddy est un bricoleur ingénieux, Loopy aime cuisiner, Poby aime prendre des photos et Crong est le petit dernier au fort tempérament. Du fait de ces caractéristiques, les enfants peuvent se reconnaitre dans l’un d’entre eux ou dans les autres personnages qui apparaissent dans le programme. Par cette panoplie de caractères différents, les enfants sont représentés sous de multiples perspectives.

Quatrièmement, les clichés des vilains sont absents. Dans la majorité des animations traditionnelles, on trouve une division très marquée entre le bien et le mal, l’histoire faisant l’éloge du bon et critiquant ouvertement le mal. Par contraste, lorsqu’il y a un problème dans « Pororo le Petit Pingouin », tous les personnages s’unissent pour le résoudre. Ainsi, dans chaque épisode, en plus d’une histoire intéressante par elle-même, on retrouve des thèmes émotionnels dans l’intrigue pour faire réfléchir les petits. En rejetant le schéma habituel du bon contre le mal, « Pororo le Petit Pingouin » plait aux enfants par sa façon de montrer qu’on peut régler les problèmes naturellement tous ensemble.

De plus, chaque épisode de la série présente une activité interdite aux enfants mais qu’ils ont envie d’essayer. C’est-à-dire que chaque épisode est conscient des limites et de la façon de les surmonter, ce qui fait perdurer l’intérêt des enfants du monde entier pour le programme.

En 2000, l’industrie de divertissement éducatif s’essaie à la technologie 3D en HD pour raconter des œuvres uniques. La série « Robocar Poli » est restée célèbre en Corée jusqu’en 2011 ; elle parlait de voitures, catégories favorite des enfants de tous les temps. La réussite de celle-ci est due au fait qu’il ne s’agit pas seulement de véhicules anthropomorphes, ce que l’on retrouve dans de nombreuses animations, afin d’expliquer les motifs qu’ont les véhicules de vouloir changer de forme. Elle s’adresse aux enfants de 4 à 6 ans, et s’inspire des problèmes auxquels on fait face à cet âge-là.

Il existe de nombreux autres exemples de divertissements éducatifs coréens qui comprennent des histoires attractives, des personnages charmants, et des thèmes qui appellent à l’émotion. De nos jours, de nombreux nouveaux animateurs 3D rêvent de créer le second « Pororo le Petit Pingouin », pour l’ère post-Pororo.

  • De plus en plus de joueurs en ligne grâce aux « histoires aléatoires »

Le divertissement éducatif est l’un des moteurs de la culture digitale coréenne ; le monde des jeux en lignes, qui parle tout aussi bien aux adultes, en est un autre. La Corée du Sud est un grand centre de jeu en ligne qui a vécu divers phénomènes sociaux, grâce à l’industrie du jeu, et qui obtient d’excellents résultats de recherche.

Le premier MMORPG graphique (Massively Multiplayer Online Role-Playing Games), « The Kingdom Of the Winds » a été développé en Corée. Aujourd’hui, les MMORPG proposent différents jeux qui peuvent plaire à tous les âges : « Maple Story » plait aux adolescents alors que « Lineage » est plutôt adressé à des hommes de 30-40 ans. La Corée a aussi introduit un modèle de revenu basé sur les abonnements partiels dans le monde de l’industrie du jeu vidéo. Ainsi, la Corée est la première sur le marché du jeu en ligne et les Coréens sont des plus passionnés du monde lorsqu’il s’agit de jouer en ligne ou de développer des jeux.

Le développeur de jeux le plus connu de Corée, NCsoft, a choisi de situer sa trilogie « Lineage », « Lineage 2 » et « Aion » à l’époque médiévale. Ces douze dernières années, le premier titre a continuellement attiré de nombreux joueurs, alors que le second est encore en progression, même après huit ans. Le troisième et dernier titre de la série a coûté à lui-seul 23 milliards de wons (soit plus de 16 millions d’euros, ndt) pour son seul développement. La trilogie a déjà rapporté un total de 3 mille milliards de wons (soit plus de 2 milliards d’euros, ndt). En plus de ces titres, d’autres jeux coréens font fureur en Chine, au Japon, à Taïwan, en Amérique du Nord et en Europe. Lorsqu’il est question de jeu en ligne, le plus important des facteurs est le nombre d’utilisateurs simultanés, statistique pour laquelle les jeux coréens sont les meilleurs.

Les deux facteurs principaux de la réussite de la Corée du Sud en matière de jeux-vidéos sont la culture et la technologie. Alors que les jeux de console existants mettaient l’accent sur l’interaction homme/ordinateur, les jeux en ligne coréens se focalisent sur l’interaction entre les êtres humains et la création de communautés de jeux. Ainsi, le monde du jeu va au-delà du monde des machines, devenant par la même un monde virtuel qui peut influencer les vies humaines.

Les jeux en ligne coréens tentent aussi de représenter une variété de phénomènes socioculturels dans le monde virtuel. Lorsque des questions sociales ou politiques se posent en Corée, les débats font rage dans ces mondes en ligne. Ainsi, les mondes virtuels ressemblent plus à des travaux créatifs en constant progrès qu’à des produits finis.

Contrairement aux films et animations d’aujourd’hui, les jeux en ligne évitent de présenter une histoire bien ficelée adressée à des spectateurs passifs. Ils cherchent à se créer avec une participation active des joueurs. Dans les mondes virtuels coréens, les joueurs montrent créativité et initiative. Tout en étant des joueurs en ligne respectueux, ils ont montré leur habilité à dépasser les limites posées par les développeurs, comme en témoignent de nombreux incidents.

Par exemple, dans « Lineage », les joueurs trouvent une certaine satisfaction lorsque leurs personnages montent des niveaux et trouvent des objets. Ils en viennent à éprouver de l’empathie pour leurs personnages. A travers le système de communauté de clans, les joueurs peuvent dialoguer avec les autres et sympathiser. Dans les batailles féroces appelées sièges, les clans opposés s’affrontent, ce qui permet aux joueurs de connaitre la gloire de la victoire ou la déception de la défaite. Les évènements aléatoires qui ont lieu dans les jeux en ligne sont ce qui rend parfois le jeu meilleur que la réalité. L’accumulation de ce genre d’évènements créés par les joueurs rend possible la création d’un monde virtuel étendu. En fait, le grand succès des jeux en ligne coréens est généralement dû à l’excellente valeur des produits, développés par des professionnels passionnés et grâce à une participation active des joueurs.

Les jeux en ligne vont au-delà du simple divertissement puisqu’ils offrent des espaces de création alternative pour de nouveaux phénomènes culturels. La Corée, fière d’une longue histoire et de traditions riches, possède depuis longtemps toute une gamme de légendes et de folklore. Ceux-ci font maintenant leur apparition sous format digital et se transforment en contenus de jeu drôles et attirants. On pourrait dire que l’industrie du jeu en ligne locale s’est fondée sur les bases de l’imagination mythologique du folklore coréen. Si l’on regarde les plus grands succès mondiaux en matière de jeux, on remarque que beaucoup d’entre eux contiennent des éléments mythologiques. Plus que régionale, la mythologie est universelle, ce qui la rend très propice à une approbation mondiale.

La tradition orale demande une interaction entre le conteur et ses auditeurs, et l’on retrouve cette même interaction dans les jeux en ligne. Le monde est en temps-réel par nature, créé par de constantes interactions entre ses utilisateurs. Dans la tradition orale, le conteur et ses auditeurs racontent à leur tour l’histoire comme s’ils tricotaient ensemble. Cette métaphore décrit aussi l’interaction entre les développeurs de jeux et les joueurs, qui travaillent ensemble à la création d’épopées en ligne.

  • Du pouvoir informatique au pouvoir culturel

La Corée est mondialement connue pour son industrie informatique extrêmement développée, qui a affecté un grand nombre de secteurs pendant le développement technologique. Les arts et la technologie ont une relation de complémentarité : comme la technologie se développe, l’art en est profondément affecté. Il semble donc naturel que s’ensuive l’influence du numérique sur les contenus culturels. La technologie de l’information a eu une influence directe sur la tradition orale. Sa forme devient de plus en plus compatible avec le paradigme digital, reflétant une évolution des contenus et de la forme.

Les meilleurs exemples du croisement entre la technologie et l’art sont le divertissement éducatif et les jeux en ligne. Ces créations sont des œuvres techniques sublimes qui reflètent un intérêt pour le numérique, tout en transmettant des histoires attirantes sous une forme en symbiose avec l’ère du numérique.

Traduction : Lucie Angheben

Avec l’aimable autorisation du KLTI.

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