Pendant un mois, l’ancienne Kisaeng Choson va observer les deux jeunes filles pour décider de laquelle restera sous son aile en tant qu’apprentie. Commence alors le chemin semé d’embûches pour une vie meilleure, entre illusions, espoir et duperie.
D’un côté se trouve Boedeul, fille de bûcheron, effrontée, ambitieuse et rationnelle. Elle a à cœur de devenir la plus grande Kisaeng, car elle y voit le moyen de faire fortune. Elle va devoir apprendre à devenir gracieuse avec rigueur, mais sa nature dissipée va compliquer son éducation. De l’autre côté, l’on suit Hyongeum, provenant d’une famille noble ruinée, qui est plus maniérée, retenue et pessimiste. Elle va donc devoir apprendre à sourire, et à se délester de son passé pour se consacrer à son art.
La Kisaeng en chef va alors leur donner à faire des exercices, afin de développer légèreté, élégance et rayonnement. Petit à petit, un fossé se creuse entre les deux petites futures courtisanes, car l’argent et la faim s’immiscent dans leurs ambitions. Au travers de ses personnages, Kim Dong-hwa souligne les sacrifices, la dureté de la vie à l’époque de Joseon, tout autant qu’il tient à nous prouver avec subtilité les malices de la jeunesse. Il nous offre un vrai récit sur l’art d’aimer à cette période, des valeurs qui valent toujours aujourd’hui, ainsi que sur les arts que les Kisaengs véhiculaient. Il nous transporte avec poésie dans l’univers de ces « femmes-fleurs », dont on suit l’évolution au fil des saisons, puisqu’il a choisi une romance saisonnière pour ses personnages. Dans ce parcours très court, l’auteur a le temps d’aborder des thèmes comme le chamanisme, l’art d’aimer et les Arts dans leur splendeur passée.
Fleurs, papillons, Art et Poésie se réunissent tour à tour, dans les pages. L’encrage des fleurs de pivoines, nous ramènent à cette époque où la Chine avait une grande influence dans les sujets et les critères de la peinture traditionnelle coréenne. Kim Dong-hwa joue avec les pleins et les vides lors de la composition de ses pages pour nous laisser admirer la mélancolie qui se dégage de ses personnages. Les traits de ces derniers sont souples, et l’encrage des cases est léger pour des pages aérées et délicates. Ses visages gardent des traits expressifs, frôlant la peinture traditionnelle coréenne comme celle sur la vie et les mœurs du peuple de Kim Hong-do.
Les pages où l’action se déroule de nuit mettent en scène un jeu d’ombre et de lumière, qui cerne les expressions s’échappant des jeunes filles. Tantôt de la détermination et de l’admiration, tantôt de la crainte et de l’appréhension.
Aux côtés de ces pages fleuries, l’on peut lire des poèmes de Kisaengs et de nobles célèbres. Ces illustrations pleines pages, très raffinées et truffées de détails, nous évoquent l’intérieur secret des maisons de Kisaengs ainsi que les broderies fleuries traditionnelles sur les hanboks.
Gardiennes des danses traditionnelles et des arts de Corée, elles avaient un entraînement rigoureux afin d’avoir les meilleures performances, et d’attirer les hommes les plus fortunés. Certaines d’entre elles sont restées célèbres et devenues des modèles pour leurs compositions poétiques, telle Hwang Jin Yi.
C’est pourtant une histoire qui nous laisse sur un sentiment amer à la fin, car l’on demanderait encore à revoir ces petites filles une fois adultes, dans leurs atours charmeurs de Kisaengs et de chamane.