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Corée – Revue Brèves #105

Corée -  Revue Brèves #105 Collectif Éditions Atelier du Gué
CoréeRevue Brèves #105
Collectif
Éditions Atelier du Gué

 Si la nouvelle coréenne reste elle bien prédominante — pour des raisons socio-économiques et conventionnelles —, la préface ne manque pas de rappeler que nombre d’écrivains coréens reconnus reviennent toujours à leurs premiers amours pour le genre bref ; éloignant ainsi le lecteur français non habitué au texte court de toute tentation de réduire la nouvelle à un roman que l’on aurait raccourci, sorte d’accès facile à la littérature pour les handicapés du roman. Il nous est ainsi très justement rappelé que les auteurs de nouvelles jouent avec des règles, des attentes et intentions qui diffèrent grandement de celles invoquées dans le roman.
La nouvelle, courte, éphémère, semble jouer avec quelque chose de moins saisissable, de brut, de sauvage, d’où émane une énergie particulière difficile à capter dans un roman. Et si la nouvelle coréenne n’est pas particulièrement friande de chutes et suspens, elle préfère capturer la banalité d’un instant, d’une période, d’une émotion, d’une réflexion, d’une faiblesse, d’une force, d’une passion, et la mettre en lumière. Elle semble souvent pouvoir mieux le faire qu’un roman, comme le ferait mieux une photographie qu’un long métrage. La pertinence de cette analogie entre photographie et nouvelle est d’ailleurs bien exploitée par le recueil qui propose plusieurs photographies diverses et variées de la Corée.
Cette énergie particulière dont nous parlions plus haut n’est pas sans étrangeté : tandis qu’un roman peut être lu pendant des heures et des heures, et immédiatement oublié la dernière page fermée, la nouvelle peut avoir une résonance très forte chez un auteur ou un lecteur. Et force est de remarquer que ce rapport surprenant entre éphémère et impact/intensité est présent au sein même de l’étrangeté des relations humaines : les personnages de « Yoyo » (Kim Jung-hyuk) et de « Sous les lauriers roses»(Song Sok-ze) attendent toute leur vie leur amour — de jeunesse parti habiter à l’étranger ou mort sous les balles nord coréennes — et ces relations courtes (voire mortes dans l’œuf) prennent largement le pas sur toutes les autres relations sociales et les obsèdent toute leur vie durant. Les personnages de « Dans les affres de l’écriture » (Gong Ji-young) et « Jab » (Kim Un-su) sont aussi très marqués par leur rencontre avec H, un japonais enlevé par la Corée du nord, ou encore un entraîneur de boxe qui ne mâche pas ses mots.

Ce sont les passions, émotions et les questions sont réponses qui font tenir le monde debout.

S’ajoute à cette notion d’ intensité la notion d’ irrationnel. A l’irrationnel du monde et du destin, vitre contre laquelle se cognent les personnages, s’y joint le comportement irrationnel des personnages (et par extension celui de tout être humain) : entre autres celui de Lee Seung-u qui croit en la présence d’un esprit chez elle, ou celui de Oh Jung-hi qui abandonne l’éducation des ses enfants au nom de l’altruisme. L’irrationnel du comportement des personnages n’est pas à éloigner d’une certaine beauté : la dame qui attend son mari 70 ans durant est belle comme si elle sortait d’une peinture. Cet écrivain a priori sans avenir qui persiste pour l’amour de son « métier » (« Toutes ces questions » Kim Mi-wol) et le jeune homme qui se met à faire de la boxe avec passion, car  il rêve de faire sauter la planète — sans véritablement connaître la cause de son énervement — sont comme embellis par leurs combats.

Ainsi nous sont proposées des nouvelles très variées, d’auteurs renommés en Corée et à l’étranger — d’âges et de styles différents — qui comme tout bon écrivain mettent en lumière le paradoxal et non-sens du fonctionnement des humains et du monde, ou plutôt leur complexité :

En démontant des montres, je me suis rendu compte que si on perd la moindre petite vis, le moindre petit ressort, le reste ne fonctionne plus…Si une montre c’est déjà si compliqué, le monde ça peut pas être aussi simple ! » Dit un personnage qui s’est pris de passion pour les montres (Yoyo).

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