Lorsque la poète décrit son entourage moderne, elle s’attache à l’invasion de la technologie dans le quotidien, notamment par le biais de l’informatique et de la démocratisation d’internet.
Sa vie s’héberge sur un serveur,
Il peut la mettre à l’écran,
Je vois sa carrière et ses turbulences.
« Rencontre dans le cybermonde », p63.
Si les découvertes et les avancées technologiques ouvrent de nouveaux horizons, le verdict de Choi Keum-nyu est sans appel : celles-ci peuvent se changer en monstre destructeur de l’humanité de l’homme.
Sans les chiffres du codes-barres,
Je renonce à ma valeur.
Et curieusement je me sens légère.
« Mon corps aussi porte des codes-barres », p33
En rejetant le code-barres qu’on lui aurait attribué comme symbole d’un mode de vie ultra-capitaliste avide de consommation, elle se sent légère et questionne l’évolution de notre société. Elle se tourne donc vers la nature pour nous proposer un contrepoint. Les fleurs, l’eau et les feuilles de thés que l’on retrouve à plusieurs reprises dans le recueil apportent une compensation.
Les gens disent lorsqu’ils atteignent la forêt,
Qu’ils ont plaisir à rencontrer l’eau
Qui coule et maintient l’ordre naturel
Le brouillard vert glissant doucement des branches
Les échanges de regard avec les fleurs
Entre l’arbre et l’arbre,
Entre le roc et le roc,
Ils se frottent la peau avec l’humidité verte.
« Dans les bras de la forêt », p24
Comme un appel à s’ouvrir à la nature, comme une nécessité de revenir aux sources.
Mais nous sommes loin de l’effusion lyrique et de l’idéalisation outrancière puisque toujours reste un sentiment de doute, une lourdeur dans l’atmosphère, mise en valeur par les illustrations en noir et blanc qui ponctuent le recueil. Tantôt amusant, tantôt effrayant, le bestiaire fantastique qui accompagne les poèmes s’unit à l’ambiance générale du livre, constant va-et-vient entre nature et technologie, entre calme et danger.
Sur une île dont elles ne peuvent revenir vivantes
aujourd’hui encore, les vagues, avec leurs lames tranchantes
doivent tailler les yeux et les oreilles d’une pierre.
« Une sculpture avec des yeux et des oreilles », p26
LUEURS POÉTIQUES
DE CHOI KEUM-NYU
Sombre Rets, 96 pages, 10 €