Six cartons de vingt-cinq kilos contenant toute son enfance. Voilà ce que Camilla, 21 ans, reçoit un jour de la part de son père adoptif, parti refaire sa vie. Un ours en peluche, un globe terrestre, mais surtout une photo : celle de sa mère biologique la tenant dans ses bras. Comment s’appelle-t-elle ? Qui était-elle? Cela, Camilla l’apprendra assez vite, non sans l’aide de quelques bonnes âmes qui la conduisent dans les artères de la petite ville côtière de Jinnam à la rencontre de « gens dont il est difficile de savoir ce qu’ils cachent au fond d’eux.» Ainsi, Camilla, de son nom coréen Hui-jae, est la fille de Ji-eun. Mais ce sont surtout les circonstances de sa disparition, son suicide, qui concentrent les zones d’ombre. Et au récit de se faire polyphonie : on rencontre le directeur du lycée où Ji-eun a étudié, on consulte les albums de classe, on écoute le récit-témoignage de ses anciens camarades et professeurs, on se déplace au journal local pour consulter des coupures d’époque… Les bifurcations narratives, le destin de cette mère et de cette fille séparées mais aussi le récit de tous les acteurs de l’époque — l’auteur nourrit une affection particulière pour les années 80 — se fondent pour livrer le roman d’une génération endeuillée. À travers l’histoire de cette jeune femme éprouvant en écho le désarroi de sa mère, Kim Yeon-su nous propose, dans un style plein de délicatesse, un cheminement périlleux, nous rappelant que pour lutter contre la solitude qui nous habite tout être humain est forcé de tendre la main vers un autre.
SI LE RÔLE DE LA MER EST DE FAIRE DES VAGUES…
DE KIM YEON-SU
Traduit du coréen par LIM Yeong-hee et Mélanie BASNEL
Éditions Philippe Picquier, 267 pages, 19.50 €.