Il est difficile pour un public étranger d’avoir une connaissance approfondie de la Corée du Nord, tant sur sa culture, l’état réel de son économie ou encore son indice de développement humain. La responsabilité d’une telle opacité est dévolue au régime de ce pays. En effet, la Corée du Nord est considérée à l’international comme le pays le plus fermé au monde. Il constitue le dernier bastion communiste « à la dure ». L’attitude de son leader, Kim Jong-un, sur l’échiquier politique international et ses déclarations provocatrices n’arrangent en rien la mauvaise image de la Corée du Nord.
C’est pourquoi, la parution de l’ouvrage de John Everard, La Corée du Nord à bicyclette, est une grande opportunité pour le public international de mieux connaître ce pays. Ancien diplomate britannique, John Everard a été en poste en Corée du Nord pendant deux ans, de 2006 à 2008. Ainsi, avec sa bicyclette, il a pu explorer la capitale et retranscrire ses observations dans un essai remarquable à plus d’un titre.
Après mon départ de Pyongyang, j’ai de plus en plus ressenti le besoin de partager ce que j’avais vu avec un public élargi, espérant ainsi aider les gens à comprendre ce pays peu visité.
Pari tenu. En effet, l’essai explore la politique internationale, les relations de la Corée du Nord avec ses partenaires étrangers. Mais pas seulement. John Everard s’attèle à souligner les politiques intérieures du pays au travers des mesures économiques, sociales et culturelles. Son essai fait la part belle à la population locale. John Everard a pu s’entretenir avec ses collègues coréens du Nord mais aussi avec des commerçants et des habitants de Pyongyang. Ces échanges et témoignages bien que sporadiques permettent au lecteur d’approcher au plus près la réalité avec laquelle les Coréens sont obligés de composer. Il n’omet pas la propagande et la désinformation, deux domaines dans lesquels le gouvernement de Kim Jong-un excelle. À travers son texte, John Everard rend ainsi hommage à un peuple qui plie sous le joug du régime. Méconnus par le public international, les Nord-Coréens sont ici décrits comme des personnes sympathiques, prudentes – à cause de la censure exercée par le régime – mais non moins dénuées de sentiments et de compassion pour leurs semblables. John Everard « réhumanise » ce peuple qui est perçu dans l’opinion publique comme fanatisé et quelque peu antipathique.
Un autre caractère appréciable de cet écrit réside dans le plan de travail qui se laisse voir au travers d’un sommaire très détaillé. Le lecteur peut ainsi choisir la rubrique qui l’intéresse et accéder immédiatement aux informations voulues. Le style est clair et le vocabulaire est précis si bien que la lecture est fluide et à la portée des néophytes comme des initiés. John Everard ne s’embarrasse pas de jargons. Son texte est léger, facile d’accès et agréable à lire. De plus, il bénéficie d’une traduction de qualité.
Cependant le lecteur peut déplorer une grille de lecture assez étroite dans le sens où l’auteur choisit de mettre le focus sur la seule ville de Pyongyang. Il « évacue » ainsi toutes les difficultés que connaît vraiment le reste de la population vivant à la périphérie de la capitale ou dans d’autres villes de moindre importance. John Everard mène son étude sur une population socioprofessionnelle précise. Il s’agit de la classe moyenne favorisée qui bénéficie de certains avantages octroyés par le régime sans être dans les élites ou dans l’oligarchie.
La plupart des personnes avec qui j’ai parlé, de façon officielle ou non, étaient des membres de l’élite externe de Pyongyang. J’entends par là des individus qui n’étaient ni membres de l’élite interne du régime, extrêmement privilégiée, (…), ni des travailleurs pauvres (employés ou autres) ou des paysans, ces deux catégories constituant une grande majorité de la population nord-coréenne. Ils avaient pour la plupart un emploi stable sinon de haut niveau et étaient issus de familles en bons termes avec le régime. Ils ne mangeaient pas particulièrement bien mais souffraient rarement de la faim.
Bien qu’il y ait des critiques à émettre, l’ensemble de l’essai est particulièrement intéressant. John Everard nous offre là un travail de haute facture. Il permet une meilleure compréhension de la Corée du Nord. Il est donc sans conteste que La Corée du Nord à bicyclette est une belle trouvaille pour des lecteurs curieux et passionnés de géopolitique.
Victoire Nguyen
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LA CORÉE DU NORD À BICYCLETTE — un diplomate à Pyongyang.
DE JOHN EVERARD
Traduit de l’anglais par Philippe CHE
Decrescenzo, 317 pages, 21 €
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