Prélude à L’Après-midi d’un faune, de JUNG Young-moon.
Voilà un texte plein de communions. Une succession d’accords parfaits. Jung Young-moon invente ici une multitude de communions : avec la nature (le long tête-à-tête avec une forêt), entre des amis, entre des corps réels et imaginaires, entre des hommes et des animaux, entre un passé et un présent. Mais ces communions apparaissent vite comme étant en quelque sorte les dernières : la finitude des choses est à l’horizon, au-delà de la forêt et au-delà de son lac. La vieillesse, la perte du désir ou encore le déclin du jour : des communions comme dernier sursaut de vie avant l’extinction. Une fin de partie. C’est pourquoi tout ce qui est rapporté virevolte dans un dernier élan. Le narrateur, dont on peut imaginer qu’il est un faune lui-même (demi-dieu voué à la finitude au même titre que les mortels), rapporte des éléments — réels et imaginaires, passés et présents. Il divague et accorde avec habileté les faits et les idées avec les méandres et les variations de la nature et de la chronologie. Précisément, la chronologie d’une amitié à la dérive parce que le temps passe trop vite sur les êtres. Et la seule femme présente est une sorte de nymphe qui insuffle au texte un peu de lumière. Elle est au centre, mais avec discrétion. Elle érotise, elle fait palpiter, elle relance, elle ponctue. Elle lie enfin : les hommes entre eux et les hommes à la nature. Elle est un point de ralliement. Et c’est elle qui convoque le Mallarmé elliptique fabriqué par l’auteur dans cette nouvelle. Elle berce avec un Mallarmé inattendu mais toujours célèbre, un Mallarmé qu’on ne s’attend pas à trouver là.
On pense à la dernière promenade nocturne dans un jardin entre David et Diana dans La Tour d’Ebène, de Fowles (que l’auteur a traduit de l’anglais en coréen). Comme si Jung Young-moon avait zoomé sur cet instant suspendu pour le faire durer encore et encore. Pour étirer l’idée de la fin et de la séparation jusqu’à la cassure. On y retrouve la même tension, tantôt inquiétante, tantôt érotique.
Enfin, Jung Young-moon libère une fois de plus l’écriture de la fiction de la question du sujet. Avec lui, il n’y en a pas de bons ou de mauvais : il n’y a que des imaginations les unes à la suite des autres dans lesquelles il décide d’explorer son regard, ses sentiments et sa pensée et depuis lesquelles il observe le monde. Son fil d’or, c’est que tout est possible, que tout peut s’écrire. Et il est armé de la bonté des psychologues, en scrutant avec tendresse des personnages ou des situations parfois insignifiantes, grotesques ou détestables. Il sait voir les détails et sait en extraire la poésie. Si tout l’art de la littérature était de parvenir à écrire des chansons, eh bien ses textes donneraient incontestablement envie de chanter !
Justine Gossart
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