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Le pays du silence

Pour parler de la perte d’un proche, d’un chagrin inconsolable, de la solitude accablante, il existe parfois UN livre. Ce petit album en est un exemple incontournable.

L’ouvrage est paru en 2017 mérite un intérêt réactivé. Le titre français peut prêter à confusion, car en réalité, il s’agit de trouver le pays de l’apaisement : deux enfants viennent de perdre leur père, et le deuil appesantit l’atmosphère autour d’eux. Ils cherchent à comprendre, et la lettre qu’ils rédigent alors va les entraîner dans un univers fantastique sur les traces de ce papa tendre, et affectueux. Cette quête apaisera leur tristesse, et amoindrira la douleur. C’est le talent d’illustratrice de Moon Jina qui fait de cet album une perle rare. Rien de sophistiqué, rien de tapageur, la représentation est lisse mais très détaillée, qu’il s’agisse de l’univers des enfants ou de leur aventure au pays des rêves. Mais si le détail est réaliste dans l’évocation du quotidien, il se pare des merveilles du surréalisme dès qu’un avion en papier entraîne les enfants à pénétrer dans le tableau, une porte vers le pays du rêve. Les petits témoins de la réalité, objets du quotidien, souvenirs de vacances, deviennent alors des passeurs. Un hibou dans une boîte aux lettres leur remet un paquet ; c’est un cadeau de leur père, un coquillage qui leur ouvre une nouvelle porte vers la grande plage où leur papa les attend pour les assurer de son amour inconditionnel. Grâce à ce voyage onirique, les enfants retrouveront un sommeil serein. Dans la vraie vie, le monde est enclos dans le cadre, et l’illustration est elle-même encadrée, limitant l’univers à la réalité. Dans le monde du rêve, jusqu’au pays de la sérénité, il n’y a plus de limites, et l’illustration envahit la double page, la couleur sature l’espace, comme le ciel, comme la mer. Enfin, quand les enfants retrouvent leur lit, le cadre est de nouveau là, mais ses marges sont plus étroites, comme si le rêve permettait à la réalité de se dilater. Les souvenirs en particulier apparaissent clairement, ils donnent de la force. Dans cette proposition narrative, le texte est accessoire : l’image dit tout, avec douceur cependant, sans forcer. Grâce à l’art de Moon Jina, cet album est une proposition poétique pour traverser le deuil, surmonter la perte. Souhaitons que de très nombreux petits enfants aient la chance de découvrir ce livre et son tendre message.


LE PAYS DU SILENCE (Titre original : 고요 나라를 찾아서 )
JINA MOON
Traduit du coréen par Alice BARBE-DIAMANT
Circonflexe, 40 pages, 13 €.

Documentaliste dans l' Education Nationale, et très impliquée dans la promotion de la littérature pour la jeunesse, j'ai découvert la production coréenne il y a plusieurs années, et j'ai été emballée! Je m'attache donc dans Keulmadang à en partager les délices avec les lecteurs, sans m'empêcher parfois de chroniquer un roman ou une bande dessinée pour les plus grands.

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