Une pêcheuse de l’île de trois abondances

L’île de Jeju, située à 85 km au sud de la Corée du Sud, occupe une place particulière dans l’imaginaire coréen. Appelée l’île des trois abondances grâce, ou à cause, du vent, des pierres volcaniques et de la curiosité locale, les plongeuses en mer (heanyeo). Les Sud-Coréens aiment à se rendre dans cette île, une destination classique des voyages de noces, et c’est ce cadre que Kang Eun-ja a choisi pour son roman. Mais n’y voyez pas une destination idyllique, l’action se déroule pendant l’occupation japonaise (1910-1945).

Nanni, une jeune métisse, fille d’une mère coréenne et d’un occidental est sortie d’un orphelinat par un homme qui ne cessera de l’exploiter et de la battre. Malheureuse, Nanni trouve refuge auprès des plongeuses de l’île de Jeju, mais cette solidarité n’est pas suffisante pour l’aider à vivre. Trompée par celui qu’elle prenait pour son sauveur, elle tentera de mettre fin à ses jours, en restant immobile au fond de la mer, lors d’une plongée. Elle sera sauvée par la plus vieille des pêcheuses. Entourée de l’affection des plongeuses et de leur protection, sa vie va changer, et elle découvrira l’amour avec un garçon du village.

Une pêcheuse de l’île de trois abondances pourrait être un mélo, un roman d’amour et se contenter de cela si l’histoire ne se déroulait pas pendant l’occupation japonaise dont on sait qu’elle ne fut pas une partie de plaisir pour les Coréens, en général. Années de dureté, de privation, d’injustice, de violences, elle placera les Coréens face à la décision : de s’engager, de collaborer, ou de rester neutre. Nanni fera le choix d’entrer dans la clandestinité et de lutter contre les colons japonais. Elle se rendra même complice de l’assassinat du garde-pêche pour la grivoiserie qu’il lui adressa, au grand dam des pêcheuses. Solidaires, elles jetteront le garde-pêche à la mer et le regarderont se débattre avant de se noyer, un MeToo expéditif, contrastant avec la douceur de l’île. Jeju pleurera d’autres morts, ceux qui tentèrent de résister à l’occupant japonais.

Kang Eun-ja a déjà publié plusieurs ouvrages dont certains ont remporté plusieurs Prix : le Prix Cino del Duca, le Prix Bourgogne et le Prix du rayonnement de la langue et de la littérature française de l’Académie française. Née dans le Jeollanam-do, elle se passionna très tôt pour la langue et la littérature françaises. Elle fit ses études en France, et a soutenu une thèse en littérature, en 2022. Une pêcheuse de l’île de trois abondances est rédigé en français.

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Une pêcheuse de l’île de trois abondances
Kang Eun-ja
L’Harmattan, 2022, 258 pages, 22€