Dans les premières cases en forme de prologue de cette nouvelle saison de la série Le Club des Chats, Yoon-sun Park pose le décor : Marie a vendu un tableau, et elle retrouve sa copine Poulette au bar. Or, Poulette a eu un bébé et sa vie a changé, elle ne boit plus !
En rentrant chez elle, méditant sur ces transformations, ses trois chats l’accueillent le doigt sur les babines : c’est que là aussi, un bébé dort ! Cette arrivée inattendue plonge la petite communauté dans une effervescence digne des dramas coréens. Un bébé au village, c’est extraordinaire, on pouvait espérer un développement fantastique sur une erreur de livraison de la cigogne, la croissance d’un chou géant au potager mais vraisemblablement, ce bébé est celui de Marie elle-même, qui en est la première stupéfaite ! Je n’oserais gloser sur l’analogie avec une autre célèbre maternité ex-nihilo, même si, peut-être, quand même, l’idée a-t-elle effleuré l’esprit de l’artiste…
Les tableaux de maître revisités qui ouvraient les chapitres dans les volumes précédents se transforment en photos de l’enfant, attachées sur la page par quatre coins autocollants, à la manière des anciens albums de naissance, immortalisant loin des sunlights des réseaux sociaux tous les moments de cette jeune vie empreints de tendresse et de joie. L’arrivée de ce bébé, c’est le grand chambardement dans la vie de Marie et de ses trois matous. Si chacun développe très vite un amour inconditionnel pour Paul, les apprentissages, les concessions, le partage, et la vie quotidienne sont autant d’occasions d’épisodes loufoques et débridés.
Et comme dans un album de naissance, le récit prend l’allure d’un journal de bord qui suit au jour le jour les évènements associés à cette petite révolution : une simple page, pour un nouveau rite comme la promenade récréative ; quelques feuillets de plus pour un progrès, par exemple les premières escapades d’un bébé dégourdi, une conséquence du changement comme l’expression de la jalousie passagère de Plume ; ou un vrai chapitre pour un développement fantaisiste et imagé, qui renoue avec la veine propre aux aventures rocambolesques du Club des chats, propice à un découpage réactif et dynamique. Ainsi Paul sera entraîné par ses frères et sœur matous dans une chasse au doudou, dans un road trip en bus autour du village, avec toujours les chats au volant, parce qu’il a développé une passion pour les mêmes véhicules en mode jouet. Il s’évadera en rêve avec d’autres bébés, voyagera sur Mars avec les chats, ou écoutera les belles histoires du soir de Marie, inspirée par sa propre jeunesse et la folle cavale d’une pièce de 2€ étrangement semblable à l’héroïne du conte célèbre de Roule-Galette !
Le premier anniversaire de Paul sera l’occasion de présenter à son public la traditionnelle fête coréenne de TOL (젓돌) où l’enfant revêtu d’un costume traditionnel est installé devant une série d’objets censés représenter ses possibilités d’avenir. Yoon-sun Park instille ainsi dans l’ouvrage un soupçon de coréanité, la vie au village, les relations de voisinage étroites, envahissantes et solidaires à la fois, les personnages typés des petites mamies comme du voisin Monsieur Kim, jusqu’au costume de Marie choisi pour résister à tout, longtemps. Comme si elle apposait son sceau identitaire à la saga du Club des Chats, pour cet épisode précis.
Quoi qu’il en soit, humour, fantaisie et extravagance sont encore au rendez-vous de ce nouvel opus d’une série dont on comprend à quel point elle est chère à Park Yoon-sun : volume après volume, l’artiste n’a de cesse d’entraîner les lecteurs dans les folles échappées de sa créativité illuminée par une riche palette acidulée et travaillée, pleine de vitalité et de fraîcheur, qui confère un charme unique à toutes ces aventures.
Une bande dessinée tout public, qui ravira enfants et parents, donc, n’hésitez pas davantage : vite, lisez Le bébé du Club des chats !
Le Bébé du Club des Chats
PARK Yoon-sun
Misma, octobre 2023
120 pages, 20€