Jeongmin, dans l’espoir de commencer une nouvelle vie, emménage dans un beau quartier d’Ilsan surnommé le « village aux épines de châtaigne ».
La jeune femme n’a pas encore la trentaine et pourtant sa carrière est déjà derrière elle ; quelques mois plus tôt, elle a quitté de plein gré son travail de rédactrice TV qui l’animait tant. La mesquinerie du monde du divertissement, déjà accablante au quotidien, heurte Jeongmin de plein fouet lorsque son équipe TV trahit un témoin et publie une scène coupée de l’homme fondant en larmes et se confiant au réalisateur. Face à la cruauté de cette divulgation, Jeongmin comprend qu’elle doit partir.
Peu après, la forte dyslexie inopinée de Jeongmin fut le prétexte parfait pour laisser son travail derrière elle. Privée de sa passion par nul autre qu’elle-même, Jeongmin passe son temps à dépérir seule dans son appartement en ruminant son passé, dont les blessures remontent en réalité bien plus loin que sa démission.
Lorsqu’elle était au collège, son père, alcoolisé au volant, a percuté un autre véhicule dont le conducteur fut physiquement marqué à vie : comble de la tragédie, il s’agissait du père de sa meilleure amie, Juran. Rongée par une culpabilité qui ne devrait pas être sienne, Jeongmin se sent incapable de soutenir le regard de Juran, et se rend invisible en ne lui adressant plus la parole à compter de ce jour-là. Elle ne cesse de s’isoler, développant une personnalité aussi froide que rigide, incapable de s’attacher ou de s’ouvrir à qui que ce soit.
Mais un brûlant jour d’été, suffocant dans son appartement, elle prend la décision de sortir pour échapper à ses idées noires obsédantes et entre par erreur dans un atelier de poterie. Johui, la gérante, accueille à bras ouverts la nouvelle arrivante en lui présentant son art, ainsi que les membres de l’atelier Soyo. La passion contagieuse de Johui pousse Jeongmin à s’essayer à sa discipline. Toutefois, ce n’est pas la seule raison pour laquelle Jeongmin est attirée par Johui et son atelier. Étonnement, la gérante a le don de mettre Jeongmin à l’aise, comme si elle savait ce que la jeune femme a besoin d’entendre, ni plus, ni moins.
Les habitués de l’atelier sont tous bien différents, mais à l’image des poteries en céramique, c’est sans émaillage qu’ils se révèlent similaires. La familiarité naissante ressentie par Jeongmin à l’atelier Soyo l’amène à substituer son froid habituel par une attitude bien plus avenante. Mais alors que sa garde est baissée pour la première fois depuis des années, son passé ressurgit face à elle, au sein de l’atelier Soyo.
Dans son roman, Yeon Somin décrit l’art de la poterie et les sentiments qui en découlent avec beaucoup de justesse, laissant transparaître son savoir-faire personnel en la matière. On y apprend par exemple que la saveur d’un même café varie selon la matière du contenant utilisé. C’est dans une grande délicatesse descriptive que l’auteure sollicite tous les sens en un mélange harmonieux.
Au fur et à mesure que le café coulait, un arôme amer se diffusait dans l’air, venant se mêler aux effluves d’argile. En un instant, la pièce s’emplit d’une odeur qu’aucun mot ne pourrait décrire. L’alliance olfactive de la terre et du café. Jeongmin n’avait jamais senti un tel parfum, mais il était bien plus agréable qu’elle ne s’y serait attendue. (p.16)
Yeon Somin maîtrise avec une subtilité remarquable l’art de la métaphore. Dans ce roman, l’argile est la personnification de Jeongmin. C’est pour cette raison qu’au travers de son apprentissage sous les conseils de Johui, nous pouvons témoigner de l’évolution personnelle de notre protagoniste. Par ailleurs, Johui ne touche pas aux poteries de Jeongmin. Elle se tient assez prêt de Jeongmin pour l’aider à avancer mais maintient une distance afin de la laisser faire seule. C’est cet équilibre qui permet à Jeongmin de se sentir assez en confiance pour s’explorer et laisser place à l’erreur, dont elle se protégeait tant jusque-là. Jeongmin est l’argile à travailler, mais elle est aussi la potière devant travailler puis façonner cette argile.
Elle ne pouvait pas voir le grain de la terre à l’œil nu, mais Jeongmin sentait que son argile était encore emprisonnée en elle-même. Elle avait beau s’y reprendre à plusieurs fois, la terre s’esquivait sous ses doigts, ou bien se fendait en laissant échapper des soupirs rauques. (p.131)
Véritable promenade sensorielle, Une saison à l’atelier de poterie offre un agréable temps de pause et d’introspection à ses lecteurs.
Une saison à l’atelier de poterie
Yeon Somin
Traduit du coréen par Irène Thirouin-Jung
Éditions Nami, 2025
320 pages, 20,90€
Jeongmin, dans l’espoir de commencer une nouvelle vie, emménage dans un beau quartier d’Ilsan surnommé le « village aux épines de châtaigne ».
La jeune femme n’a pas encore la trentaine et pourtant sa carrière est déjà derrière elle ; quelques mois plus tôt, elle a quitté de plein gré son travail de rédactrice TV qui l’animait tant. La mesquinerie du monde du divertissement, déjà accablante au quotidien, heurte Jeongmin de plein fouet lorsque son équipe TV trahit un témoin et publie une scène coupée de l’homme fondant en larmes et se confiant au réalisateur. Face à la cruauté de cette divulgation, Jeongmin comprend qu’elle doit partir.
Peu après, la forte dyslexie inopinée de Jeongmin fut le prétexte parfait pour laisser son travail derrière elle. Privée de sa passion par nul autre qu’elle-même, Jeongmin passe son temps à dépérir seule dans son appartement en ruminant son passé, dont les blessures remontent en réalité bien plus loin que sa démission.
Lorsqu’elle était au collège, son père, alcoolisé au volant, a percuté un autre véhicule dont le conducteur fut physiquement marqué à vie : comble de la tragédie, il s’agissait du père de sa meilleure amie, Juran. Rongée par une culpabilité qui ne devrait pas être sienne, Jeongmin se sent incapable de soutenir le regard de Juran, et se rend invisible en ne lui adressant plus la parole à compter de ce jour-là. Elle ne cesse de s’isoler, développant une personnalité aussi froide que rigide, incapable de s’attacher ou de s’ouvrir à qui que ce soit.
Mais un brûlant jour d’été, suffocant dans son appartement, elle prend la décision de sortir pour échapper à ses idées noires obsédantes et entre par erreur dans un atelier de poterie. Johui, la gérante, accueille à bras ouverts la nouvelle arrivante en lui présentant son art, ainsi que les membres de l’atelier Soyo. La passion contagieuse de Johui pousse Jeongmin à s’essayer à sa discipline. Toutefois, ce n’est pas la seule raison pour laquelle Jeongmin est attirée par Johui et son atelier. Étonnement, la gérante a le don de mettre Jeongmin à l’aise, comme si elle savait ce que la jeune femme a besoin d’entendre, ni plus, ni moins.
Les habitués de l’atelier sont tous bien différents, mais à l’image des poteries en céramique, c’est sans émaillage qu’ils se révèlent similaires. La familiarité naissante ressentie par Jeongmin à l’atelier Soyo l’amène à substituer son froid habituel par une attitude bien plus avenante. Mais alors que sa garde est baissée pour la première fois depuis des années, son passé ressurgit face à elle, au sein de l’atelier Soyo.
Dans son roman, Yeon Somin décrit l’art de la poterie et les sentiments qui en découlent avec beaucoup de justesse, laissant transparaître son savoir-faire personnel en la matière. On y apprend par exemple que la saveur d’un même café varie selon la matière du contenant utilisé. C’est dans une grande délicatesse descriptive que l’auteure sollicite tous les sens en un mélange harmonieux.
Yeon Somin maîtrise avec une subtilité remarquable l’art de la métaphore. Dans ce roman, l’argile est la personnification de Jeongmin. C’est pour cette raison qu’au travers de son apprentissage sous les conseils de Johui, nous pouvons témoigner de l’évolution personnelle de notre protagoniste. Par ailleurs, Johui ne touche pas aux poteries de Jeongmin. Elle se tient assez prêt de Jeongmin pour l’aider à avancer mais maintient une distance afin de la laisser faire seule. C’est cet équilibre qui permet à Jeongmin de se sentir assez en confiance pour s’explorer et laisser place à l’erreur, dont elle se protégeait tant jusque-là. Jeongmin est l’argile à travailler, mais elle est aussi la potière devant travailler puis façonner cette argile.
Véritable promenade sensorielle, Une saison à l’atelier de poterie offre un agréable temps de pause et d’introspection à ses lecteurs.
Une saison à l’atelier de poterie
Yeon Somin
Traduit du coréen par Irène Thirouin-Jung
Éditions Nami, 2025
320 pages, 20,90€