Chroniques Romance Young Adult

Bingsu Café

Entre latte bien chaud et bingsu glacé, découvrez le Bingsu Café, un lieu plein de surprises qui n’aura de cesse de vous étonner !

Yeobo
« Chéri ! » (traduction prise du roman)
Kiga keuguna
« Dis donc, tu es si grand. » (traduction prise du roman)

Fake dating, enemies-to-lovers, cosy coffee shop… Bienvenue dans l’aventure Bingsu Café !

Entre l’entrée à l’université qui approche, la pression que ses parents lui imposent quant à l’entreprise familiale et sa petite copine en apparence parfaite, River craque et décide de tout plaquer du jour au lendemain. Pour un adolescent de dix-sept ans, voir son avenir déjà tout tracé sans même avoir son mot à dire, c’est l’implosion. Mais comment avouer à ses parents que l’on quitte l’entreprise familiale pour aller travailler chez le concurrent direct ? On ne le fait pas. Aussi quand River décide de s’engager avec le Bingsu Café, commence alors une longue liste de mensonges qu’il tiendra le plus longtemps possible pour éviter la catastrophe qu’engendrerait la vérité, décevant ceux pour qui la réussite et la reconnaissance comptent plus que tout.

Pourtant en arrivant au Bingsu Café, River ne s’attendait pas à tomber sur Sarang, l’insupportable fille de M. Cho, père de l’entreprise familiale coréenne. Alors au moment où le café fait accidentellement le buzz sur les réseaux sociaux, Sarang et River se retrouvent obligés de jouer au faux couple devant les caméras pour satisfaire les followers qui se font de plus en plus nombreux. D’un autre côté, il y a toujours Cecelia, la désormais ex-petite amie de River, qui connaît ses secrets les plus terribles, représentant dorénavant une menace pour River et pour le Bingsu Café auquel il s’attache chaque jour plus. Entre sa famille à qui il veut prouver sa valeur et ses propres désirs, River va devoir affronter la réalité de la vie de jeune adulte qui s’offre désormais à lui.

« C’est simplement que les petits mensonges peuvent s’accumuler jusqu’à devenir quelque chose de nocif. En fait, je ne sais même pas si je peux appeler ça des mensonges. Ce sont des mots coincés entre les vérités et les mensonges, coincés quelque part dans cet entre-deux hésitant, dans les peut-être. » (p.123)

Dans son roman, Sujin Witherspoon crée à son image un protagoniste moitié coréen, moitié américain ; de manière générale, ce mélange de cultures est particulièrement marqué tout au long du récit, notamment par le mal-être apparent chez River, illustrant ce que peut ressentir un enfant né de l’union de deux personnes opposées par leur culture et leur histoire. Malgré tout, entre les deux familles coréennes, celle de River et celle de Sarang, les références culturelles se multiplient et mettent en avant un aspect positif de ce métissage. On retrouve notamment à plusieurs reprises certaines parties du dialogue transcrites directement en coréen. Effectivement, la mère de River et le père de Sarang s’expriment régulièrement dans leur langue maternelle, donnant lieu à des exclamations comme « 여보! » (yeobo!) ainsi qu’à des phrases entières telles que « 와, 키가 정말 크구나. » (wa, kiga jeongmal keuguna.).

Et pourtant dans la belle ville de Seattle, là où il a vécu toute sa vie, River ne se sent à sa place nulle part, pas même au sein de sa famille, ne parlant pas coréen lui-même. Ainsi, l’autrice délivre le récit d’un jeune adolescent traversant les mutations de la vie avec toutes les difficultés qu’elle impose. Pour River, trouver sa place dans ce monde est une tâche bien difficile, d’autant plus quand on ne s’y retrouve pas au milieu de ses origines.

« Pourquoi est-ce que je ne m’étais jamais autorisé à explorer en tâtonnant ce territoire inconnu entre le oui et le non ? Entre le noir et le blanc ? Qu’est-ce que le gris a de si effrayant ? » (p.124)

Sujin Witherspoon dépeint parfaitement les divers paysages et lieux de Seattle dans lesquelles les personnages évoluent tout au long du roman. Elle-même étant en parfaite connaissance de ces endroits, leur projection se façonne beaucoup plus aisément. En outre, les aventures des personnages sont bien souvent ponctuées par de nombreuses références de K-dramas, dont Boys Over Flowers par exemple, et de musique K-pop, comme la mention du très célèbre groupe BTS ou encore l’artiste G-Dragon. La spécialité même du café, le bingsu (빙수), est un dessert typique coréen, composé de glace pilée, de pâte de haricots rouges, de fruits et autres garnitures. Vous retrouverez également dans ce roman le menu détaillé de ce cosy coffee shop où l’on reconnaît d’autres plats coréens comme les fameux tteokbokki (떡볶이), les kimchi jeon (김치 전), ou les adorables bungeoppang (붕어빵).

Au-delà de cela, le récit en lui-même coche toutes les cases du roman young adult : l’histoire relate la romance entre deux adolescents coréens vivant à Seattle face aux épreuves du passage à la vie adulte, le tout guidé par une lecture sans accroche. En revanche, bien qu’attachants, les personnages sont en réalité assez stéréotypés ; il est parfois dommage que certains éléments ne soient pas plus exploités, et certains passages paraissent un peu exagérés pour la situation. Autrement, l’angle médiatique de l’histoire, avec les réseaux sociaux comme élément central des péripéties, met l’accent sur le danger que peuvent représenter ceux-ci, cela étant tout à fait bienvenue dans un livre destiné à un jeune public.

Finalement, pour sa première publication, Sujin Witherspoon offre une romance légère qui reste agréable à lire et les moments passés au Bingsu Café apportent chaleur et réconfort au lecteur.


Bingsu Café
Sujin Witherspoon
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Amélie Foutalier
Éditions Fleurus, collection Anthelion, 2025
400 pages, 17,95€