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La pâtisserie des souvenirs

Dans ce roman healing, une pâtissière novice se voit confier la tâche d’accompagner les âmes de défunts dans l’au-delà. L’occasion d’explorer le processus délicat du deuil et la complexité des relations humaines.

Si les littératures feel-good et healing se lisent bien volontiers tout au long de l’année, c’est sans aucun doute lorsque les températures baissent qu’elles s’apprécient le plus. C’est à ce moment-là, sous un plaid, et accompagné d’une boisson chaude, qu’elles se dévoilent comme un véritable réconfort. 

Dans le paysage éditorial de cette tendance littéraire, les éditions Nami se sont vite établies comme incontournables. Pour sa quatrième parution coréenne, la maison maintient sa lancée en publiant la traduction d’un roman best-seller en Corée du Sud et écrit par une auteure en pleine ascension : La pâtisserie des souvenirs. Celui-ci s’inscrit parfaitement dans la lignée des romans healing dont il mobilise tous les éléments. Ainsi, le titre évoque le lieu de l’intrigue, un endroit clos et intime : une pâtisserie. On retrouve cette dernière, mais également la protagoniste de dos et l’immanquable petit chat si cher au healing, illustré sur la couverture. De l’objet-livre en lui-même se dégage donc un certain calme mais aussi un sentiment de solitude et de regret… 

« La vie quitte un jour notre âme, mais les liens noués avec les autres, eux, ne nous quittent jamais. » (p. 7)

Au décès de sa grand-mère, Yeonhwa décide de respecter les dernières volontés de son aïeule : pendant un mois, elle ouvrira la boutique familiale, une petite pâtisserie traditionnelle, de 22 heures à minuit. Derrière ces curieux horaires d’ouverture se cachent une clientèle un peu particulière : pour se réincarner avec le cœur plus léger, des âmes souhaitent offrir des dernières pâtisseries à leurs proches. Accompagnée de Sawol, un chaman qui en sait visiblement plus qu’elle sur la boutique, Yeonhwa s’évertue à satisfaire les demandes de ces défunts. Peut-être que cette expérience sera l’occasion pour elle de faire son propre deuil et de se découvrir un peu plus… 

Dans sa forme, le roman utilise la même trame narrative que ces précédesseurs. Ainsi, afin d’aider la protagoniste dans sa quête personnelle (ici : le deuil de sa grand-mère), l’auteure va faire graviter une ribambelle de personnages autour d’elle. Pour permettre au lectorat de s’identifier au maximum, ces derniers se veulent universels malgré leur singularité : la grand-mère mystérieuse, la mère sur le point de marrier sa fille, le grand basketteur timide, la jeune artiste surmenée, le petit dernier d’une famille recomposée et le chaman extravagant. Chaque chapitre est donc dédié à un personnage qu’on apprendra à connaître via ses souvenirs. 

Néanmoins, ces personnages possèdent une différence notable avec ceux des autres romans healing : certains sont vivants, d’autres sont décédés. En mettant au centre de son récit la mort et le deuil, l’auteure s’empare de thématiques qui obsèdent l’humanité depuis sa naissance. Pour traiter de ce sujet, elle propose une approche légère et dans l’émotion, sans pour autant tomber dans un pathos exagéré. Elle fait également appel au chamanisme et au bouddhisme, qui font partie intégrante de la culture coréenne. Le lectorat occidental verra donc dans le principe de réincarnation une alternative au concept de « paradis ». L’auteure renouvelle aussi l’imaginaire du chaman en dressant le portrait d’un jeune homme en proie à ses propres souffrances et fait d’un temple bouddhique un lieu important pour l’intrigue. 

La culture coréenne ne se manifeste pas que dans les questions religieuses mais elle est aussi présente du côté culinaire. Dans cette pâtisserie, il n’est pas question de millefeuilles, d’éclairs ou de tropéziennes… Au contraire, on y découvre des pâtisseries traditionnelles coréennes, moins famillières des Occidentaux : galettes enrobées de chocolat, dango au thé vert, chapssal-tteok à la fraise… L’auteure va jusqu’à mettre à disposition un QR Code à la fin du roman pour découvrir visuellement ces pâtisseries et elle donne également la recette de hwagwaja

 « Et d’ailleurs, très peu de gens étaient friands de hwagwaja, les pâtisseries traditionnelles coréennes. La tendance était aux macarons et aux madeleines. » (p. 11)

La pâtisserie des souvenirs est fidèle à la ligne éditoriale de Nami qu’elle nous décrit ainsi : « C’est une littérature qui nous parle de joie, de peine, de défis, de choix. Une littérature de l’intime qui nous transcende par le pouvoir des mots ». Peut-être que ce qui fait le succès de cette tendance, malgré un manque notable d’originalité et une certaine répétitivité, c’est cette capacité à traiter avec légèreté des sentiments les plus enfouis et des épreuves qui semblent les plus insurmontables. Ici, le lecteur peut aborder des thématiques délicates et universelles par un prisme coréen, l’occasion pour lui de changer d’approche et de se plonger dans une nouvelle culture.


La pâtisserie des souvenirs
Lee Onhwa
Traduit du coréen par Marion Gilbert
Éditions Nami, 2025
304 pages, 20 €

A propos

Titulaire d'une licence LLCER Trilangue Anglais-Coréen à l'Université Aix-Marseille, je suis actuellement en M2 d'Etudes Culturelles à l'Université Paul-Valéry. Passionnée par la littérature et le cinéma, les productions coréennes me permettent d'aimer et de comprendre chaque jour un peu plus ce pays.