Si de temps à autre les déclarations fracassantes de ses dirigeants défraient la chronique, la Corée du Nord ne s’en est jamais prise au peuple coréen mais plutôt à ses dirigeants considérés comme les « valets des États-Unis ».
Les relations conflictuelles entre la Corée du Nord et les États-Unis ne présentent pas un caractère de grande nouveauté. Le livre de Claude Helper La politique des USA en Corée du Nord : un fiasco illustre bien ce qui vient d’être avancé. Dès 1866, une canonnière américaine, le Général Sherman remontait le fleuve Taedong en direction de Pyongyang et tentait d’établir par la force des relations commerciales avec la Corée, alors unifiée. L’épilogue de cette tentative fut néfaste aux Américains, qui ne manquèrent pas de le faire payer plus tard. La Conférence de La Haye en 1907 ne laissera aucune chance à la Corée d’échapper à la domination japonaise, ne recevant même pas les émissaires coréens venus solliciter le soutien des pays européens. Cette stricte neutralité, les États-Unis la poursuivront lorsque la Corée sera occupée de force par le Japon en signant un traité qui laissait le champ libre au Japon, en contrepartie de sa bienveillance sur les manœuvres américaines dans le Sud-Est asiatique. Puis, lorsque l’intérêt américain changera de camp (suite de la Seconde Guerre mondiale et future Guerre froide), les États-Unis et l’URSS se partageront la pauvre et douce Corée, en 1945.
En 1950, lorsque la Corée du Nord, devenue république en 1948, envahira la Corée du Sud (elle aussi devenue république la même année), les États-Unis soutiendront la Corée du Sud, voyant dans cet engagement la possibilité d’étendre leur influence en Extrême-Orient, avec la possibilité de contrôler à la fois le Japon (qu’il occupait alors), la Chine et la Corée. Cet engagement aura pour conséquence l’engagement de la Chine dans la guerre fratricide. La Corée du Nord laissera 500 000 morts dans la bataille et la Chine 900 000 morts.
Depuis la fin de la guerre de Corée, les incidents entre les deux pays rivaux, Corée du Nord et USA n’ont pas cessé : navire-espion américain capturé, soldats américains prisonniers pendant un an, avion de chasse américain abattu, assassinat par les militaires nord-coréens de deux soldats américains à Panmunjeon, en 1983.
Depuis 1990, la Corée du Nord est considérée comme une menace par les Américains. Classée dans les pays de l’axe du mal par Georges Bush, en 2002, la Corée du Nord est dans une situation très inconfortable. Blocus économique, obligation d’emprunter sur les marchés financiers au taux le plus fort ne permettent pas à la Corée du Nord d’entrer dans le concert des nations, sinon par semonces qu’elle envoie régulièrement à ses détracteurs (menaces nucléaires, bombardement d’une île sud-coréenne, possible coulage d’un bateau sud-coréen, tirs de fusils à la frontière…).
Le grand mérite de ce livre est d’aider le lecteur à y voir plus clair dans le maquis des informations et d’analyses sur la situation des discussions internationales en dehors des préjugés et des sources d’information habituelles qui privilégient un certain type d’informations. Selon ces sources, s’il est admis que la plupart des pays impliqués font montre de bonne volonté à l’égard de la Corée du Nord, cette dernière ne cesse d’afficher son irréductibilité. La suspension, voire la suppression de l’armement atomique a toujours été pour les USA un préalable pour retirer la Corée du Nord de la liste des États voyous. Cette condition, qui pourrait paraître curieuse dans un monde où tous les pays s’arment continuellement, a toujours été rejetée par la Corée du Nord, quand bien même, elle a eu fait semblant de l’accepter dans le passé. La Corée du Nord a toujours évoqué l’arme nucléaire (elle qui ne dispose d’aucun parapluie nucléaire) comme la condition de sa sécurité. À la question « À quoi joue la Corée du Nord ? » pourrait suivre la question en miroir « À quoi jouent les USA ? ». Ce préalable paraît d’autant moins crédible que la Corée du Nord, selon les experts, Américains compris, ne dispose pas de la puissance et de la qualité des armes nécessaires pour mettre en danger les USA. Ces mêmes experts estiment que la menace nord-coréenne est largement surestimée.
L’auteur souligne qu’il y a peu de chance que chaque pays invité à la table des négociations (Japon, Chine, Corée du Sud, Russie, Corée du Nord) change de position. Nous sommes donc en droit de nous demander si le statu quo dans les négociations n’est pas implicitement souhaité, en attendant que la Chine dévoile plus avant ses intentions sur mer, que les USA renforcent leur position en Corée du Sud, ou que la Russie affiche sa stratégie à l’égard de la Corée du Nord.
Jean-Claude de Crescenzo
LA POLITIQUE DES USA EN CORÉE DU NORD : UN FIASCO
CLAUDE HELPER
L’Harmattan, collection Recherches Asiatiques, mai 2014, 33€.
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