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Je suis communiste

Je suis communiste PARK Kun-wong Éditions Cambourakis

Il y a bien une forme de provocation à choisir un titre qui, en Corée du Sud ou ailleurs, ne manquera pas de raviver l’image du stalinisme nord-coréen. Mais Park Kun-woong n’en a cure ; son but est justement de questionner les aprioris, de remuer les idées reçues. Et force est d’admettre que cet objectif, dans cet album à tout le moins, est parfaitement rempli. Ainsi, au détour d’une bulle, comme si de rien n’était, une question piège nous est posée : « qui a le meilleur régime, le Nord ou le Sud ? ». Question que l’on taxerait aujourd’hui de déplacée, de folle, mais qui, dans la démarche quasi-mémorielle qu’adopte Park Kun-woong, est loin d’être insensée.
Fidèle à ses thèmes de prédilection, l’auteur nous plonge dans la Corée des années 1930-1940, période charnière marquée par l’annexion japonaise et la mise sous tutelle américaine. Une Corée d’autrefois évoquée à travers la tragique histoire, malheureusement vraie, de Young-Chul, un militant communiste emprisonnée pendant plus de 30 ans pour ses convictions politiques. Dans un noir et blanc qui rappelle les gravures sur bois de Frans Masereel et Lynd Ward, Park Kun-woong nous narre la trajectoire de vie de cet écorché : ses galères de jeune homme sans le sou, contraint à travailler dans les mines pour gagner son pain, et développant, au fil de ses expériences, une conscience aiguë de la lutte des classes. Très influencé par Karl Marx, dont il avoue ne comprendre qu’en partie la pensée, il subit les persécutions successives des japonais et, dans la foulée, des américains, tous deux désireux d’asseoir leur hégémonie sur le pays. Alors qu’à la même période, l’idéal communiste marxiste affirmait sa prééminence du côté nord de la frontière, sa promotion côté sud motivait les pires exactions, voire de véritables purges. C’est là, en tout cas, ce que nous donne à voir et à lire Park Kun-woong. Il est bien sûr difficile, pour un lecteur français, de vérifier l’authenticité des événements relatés par l’auteur, de différencier la réalité historique de la pure fiction. Mais le travail de Park Kun-woong inspire confiance. À regarder l’ensemble de son œuvre, on retrouve toujours le même souci du détail, le même soin accordé à la contextualisation historique. Ce qui est sûr, c’est que Je suis communiste mérite d’être lu, ne serait-ce que pour apporter aux habituels reportages sur le Corée du Nord, souvent confinés dans la simple dénonciation, un éclairage historique bienvenu et, surtout, nécessaire.


JE SUIS COMMUNISTE
PARK KUN-WOONG
Traduit du coréen par LIM Yeong-hee et Françoise NAGEL
Cambourakis, 284 pages, 24€

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