Poésies

Notre Rencontre

Notre rencontre
Notre rencontre
de Kim Kyu-hwa
éditions Sombres Rets

Kim Kyu-hwa est née en 1940 et ses poèmes témoignent des sentiments de sa génération : enfant pendant la guerre, jeune adulte sous la dictature de Park Chung-hee, une génération qui a vécu de part en part la transformation de son pays et qui cherche une stabilité.

 

Les mots

Sont seulement des mots,
Ils ne restent pas longtemps
Abandonne les suppositions
Qui s’envolent.
Je laisserai la fenêtre
Grande ouverte
Pour que ces mots
S’envolent vite.
 
Si quelqu’un te fait, P41.
 
Les textes du recueil laissent clairement entendre que la modernité n’a pas que du bon. La recherche du capital et de la richesse s’est faite et se fait au détriment de la population, comme le retranscrit la métaphore de la femme qui se maquille dans Une femme d’âge moyen. « Une bague étincelante/ brille au dos de sa main./ un bracelet cliquette plaintivement./ l’autre vie/ devant ses yeux semble vague »(13). L’être humain s’efface derrière le matérialisme, en deviendrait presque esclave car il suit le mouvement sans comprendre. Ainsi semble penser la narratrice de Le dépôt de toute une vie, qui se prend d’une envie de rire nerveuse en plein milieu de la banque, situation ridicule comme pour exhiber le ridicule de notre quotidien, auquel nous faisons face parfois sans même nous en rendre compte. Les poèmes de Kim Kyu-hwa parlent de la réalité, des vendeurs ambulants, des cambrioleurs, de la guerre, de la pensée moderne. « une terre vide/ pour n’importe quoi/ dans un monde rempli/ de trucs/ inutile de se presser / de la remplir » (83). Chaque texte devient une peinture de l’instant de l’homme, de son incapacité face à son désir de tout maitriser.

Et Kim Kyu-hwa de nous rappeler qu’il est souvent bon d’apprendre de ses erreurs, de tirer parti du passé pour trouver le chemin sur lequel il sera plus aisé d’avancer, à l’image du poème Joyaux où elle nous exhorte implicitement à devenir Chunyang, héroïne d’un très célèbre pansori traditionnel, symbole coréen du sacrifice et la fidélité. On retrouve donc cet aspect conservateur de la culture asiatique, cet engouement pour les traditions et les constants efforts pour les perpétrer. Des poèmes comme Une cantonnière ou Une brise nourrissante rappellent l’importance du personnage de la mère ou de la grand-mère qui vénère les ancêtres. Le confucianisme aussi a laissé ses marques, et certains poèmes prendraient presque un ton moralisateur. Une règle héritée/ est de celle que l’on donne/ même à celui/ qui n’en veut pas (28), peut-on lire dans Une règle héritée, où ces quelques vers nous rappellent que toute action doit être limitée, de gré ou de force.

Ce n’est pas la femme mais l’être humain qui parle dans ce recueil. Un être humain qui ne peut que se sentir tout petit face au monde, et infiniment seul, tel que dans Distance, Mes petits yeux, Atonal, En levant les mains ou encore Me retrouver. « Je me suis retrouvée/ ou personne n’essayerait même/ de chercher » (66). La solitude en deviendrait presque perdition, problème auquel l’auteure propose une solution : la religion. C’est grâce à l’idée de Dieu et à la croyance que l’homme peut dépasser son propre malheur.

Les cinquante poèmes de ce recueil sont dès le titre une invitation à la rencontre de l’autre, de Kim Kyu-hwa, de ses expériences et de son monde. Une rencontre avec la Corée moderne qui tout en étant notre semblable garde son identité propre et ses traditions. Plus qu’une rencontre de l’autre, Notre rencontre est aussi une rencontre avec soi, puisque chaque poème permet la découverte, l’enrichissement personnel et l’évolution.

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