Dans une région déshéritée de la Corée rurale, survivent un grand-père et son petit-fils. Ils recueillent un enfant, qui a échappé à la noyade. Personne ne le réclame. Kangha découvre rapidement que l’enfant est une créature aquatique, merveilleuse et fragile. Déchiré entre la jalousie et une inconditionnelle affection, il prend le petit garçon en charge.
Baptisé Gon, il devient le souffre douleur de Kangha, mais résiste à tous ses mauvais traitements par amour pour ces deux êtres qui malgré tout, lui ont sauvé la vie, le protègent et l’élèvent comme l’un des leurs. Il obéira aveuglément à celui qu’il considère comme son grand frère, jusqu’à accepter de les quitter quand même, lui et le grand-père, après la mort d’Inyeong, la mère de Kangha, réapparue après des années d’errance. Les quitter pour sauver sa propre vie une nouvelle fois, grâce à Kangha.
Ce qui ne pourrait être que la triste histoire d’un enfant recueilli devient par la grâce de Gu Byeong-mo un conte moderne, une leçon de vie qui malgré ses épisodes tragiques, s’achève sur le départ du héros vers une nouvelle vie.
Car dans les romans de Gu Byeong-mo se tisse l’histoire de familles qu’on n’a pas choisies, qui vous rejettent ou qui vous absorbent, selon les circonstances. Pour présenter au lecteur cette mythologie personnelle de l’amour familial, Gu Byeong-mo égrène tous les modèles existants du plus traditionnel au plus improbable. Aucun d’entre eux n’est vraiment confortable, tout au plus rassurant, sécurisant. Car la famille, choisie ou non, est pour l’auteure, le filet qui nous évite la chute mortelle, celle qui nous permet de survivre. La loyauté qu’on lui doit en retour est inconditionnelle. Cet amour filial descend en la plus droite des lignes de la tradition culturelle coréenne certes, mais il est aussi universel.
De plus c’est un roman qui fait la part belle à la nature, une nature dénaturée là aussi, représentée par la rivière du roman, polluée par la violence de la société des hommes, qu’aucune barrière, ni grillage n’arrête, autre motif récurrent de la littérature coréenne contemporaine. Par la seule grâce d’un être exceptionnel, qui acquitte la dette de sa survie en sauvant les femmes et les enfants de la noyade, la rivière retrouvera son identité vierge et sauvage.
Dans la littérature coréenne qui se déploie peu à peu en France et s’offre à nos appétits de lecture, Gu byeong-mo n’est pas la seule à travailler les thèmes du lien familial, de la nature irremplaçable, de la lutte pour la survie dans une société violente et impitoyable². Mais tout son talent s’exerce dans cette association qu’elle maîtrise parfaitement du fantastique ou du merveilleux, avec le réalisme le plus sordide. Gu Byeong-mo fille naturelle du grand conteur danois, Hans Christian Andersen, filiation choisie ou enchantement ?
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² On pense au premier roman traduit en français de Song Sok-ze, « À qui mieux mieux », Imago, 2013. KM n°23.[/toggle]
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