Kim Jeong-su avait toujours pensé que les musées étaient des endroits où l’on venait pour découvrir des merveilles. Ils étaient chargés de préserver le beau et le sublime, même quand le monde extérieur devenait le théâtre d’évènements violents et sordides. Mais à la suite de l’accident mystérieux de Ji Man-kyu et de la disparition de Yun Hou, l’inspecteur avait pris conscience que l’art était un produit humain comme les autres et ne pouvait donc échapper à la dure réalité. 35
Le musée Jeongno est célèbre dans tout le pays pour ses expositions de peintures coréennes. Pourtant, un jour, le directeur se suicide dans son bureau. C’est le choc pour tous ses collaborateurs qui ne savent pas comment interpréter cette triste nouvelle. D’autant plus que ce n’est pas la première fois qu’un incident douteux arrive dans leur entourage… L’inspecteur Kim Jeong-su est chargé de l’enquête. Celle-ci s’avère plus compliquée que prévu car elle est indéniablement liée au milieu de l’art. « Il a peut-être de l’expérience en matière d’enquêtes policières mais ce n’est pas ça qui va l’aider. Pour celui-ci qui n’y connait rien, le milieu de l’art ressemble un peu à un tableau abstrait. Fatalement hermétique ! » 44
La comparaison est juste : qui ne s’est jamais retrouvé face à un tableau en train de se dire, euh, c’est quoi ça au juste ? Le monde de l’art se révèle au lecteur à travers le déroulement de l’histoire et les remarques des personnages qui le côtoient et y travaillent jour après jour. Directeur de musée, conservateur, peintres, tous se dévoilent au fur et à mesure que l’enquête avance. Ou peut-être faut-il dire les enquêtes puisque le récit a pour ainsi dire trois facettes. L’inspecteur Kim Jeong-su est chargé par les forces de l’ordre de relier les trois affaires en rapport avec le musée ; le journaliste Oh Jin-hwan fait des recherches sur les faux tableaux pour écrire un article ; le jeune peintre Kim Jun-ki cherche à comprendre le sens des derniers mots du directeur qui lui expliquait sa vision de l’art.
Le lecteur va donc à son tour s’immerger dans l’art et dans le monde de la peinture. L’auteur lui-même n’est pas novice puisqu’il a étudié l’histoire de l’art et nous transmet ses expériences d’étudiant passionné. Une occasion de réfléchir un peu à l’art lorsque le rythme de l’enquête ralenti, cet art qui est si simple et si compliqué à la fois, si difficile à définir mais si passionnant. Au-delà de la fiction, Lee Eun nous propose de nous pencher sur le célèbre tableau La Tempête de Giorgione (photo de couverture), qui détient peut-être la clé du mystère.
Les Rats de Musée est un court roman qui mêle enquête policière et découverte du milieu de la peinture. C’est une lecture rapide et agréable au cours de laquelle on ne s’ennuie pas. On n’y trouve ni action ni violence à outrance, mais une constante sensation de perdition renforcée par l’omniprésence de l’art. Les noms coréens peuvent également être difficiles à reconnaitre pour les non-initiés au début, mais une liste des personnages très pratique se cache en deuxième de couverture. C’est comme si l’on était pris dans une spirale infernale d’agréable incompréhension qui pousse à continuer la lecture, et qui ne s’arrête qu’une fois le dernier chapitre atteint.