Nuages GONG Gwang-kyu et KIM Jae-hong Éditions Philippe Picquier
Nuages
GONG Gwang-kyu et KIM Jae-hong
Éditions Philippe Picquier

Quel plaisir de retrouver l’artiste Kim Jae-hong qui nous avait régalés de ses divagations poétiques dans Les enfants de la rivière, environnés d’ombres bienveillantes, ou encore le merveilleux Parapluie vert, où le rideau dense de la pluie s’ouvre sur la touchante rencontre d’une fillette et d’un vieil homme assis par terre, dans la rue, sous l’averse. Son art incroyable, proche parfois de l’hyper-réalisme, se déploie sur les double-pages de l’album et absorbe d’un seul coup notre regard. La poésie de l’imaginaire de Kim Jae-hong est à l’œuvre, sa peinture hypnotise le lecteur, les yeux se noient dans l’image, à la fois si nette et si mystérieuse. Voici le nouveau Kim Jae-hong, vingt-quatre heures de la vie d’un nuage.
Il fait nuit noire quand l’aventure commence, mais
« Dans le ciel étoilé un nuage se forme ».
Il fait encore bien sombre, le nuage prend la forme d’un rat, l’ombre frissonnante de la moustache d’un chat, tout droit échappé de L’école des chats, autre œuvre célèbre illustrée par Kim Jae-hong, tout-à-fait à gauche de la double page, nous l’assure, sa queue claque nerveusement. C’est alors qu’au-dessus des prés labourés, dans l’aube violette, le mufle doux d’une vache émerge de la masse nuageuse. Le jour se lève. Dans la claire lumière du matin, le nuage qui s’étire dessine la silhouette majestueuse d’un tigre. Comme un enchantement. Comme un rêve.
Au fil de la palette de toutes les nuances célestes d’une belle journée de printemps, Kim Jae-hong entraîne son lecteur dans ce rêve éveillé, une lumineuse promenade, le nez en l’air, les yeux écarquillés, à la découverte des douze animaux de l’horoscope chinois, échappés de la voûte étoilée. Le texte minimaliste du poète Gon Gwang-kyu égrène doucement, page à page, comme une comptine, les transformations successives de la nuée. L’utilisation de la double page permet le déploiement de l’évocation comme un tableau, un instantané figé pour la délectation du regard. Tout juste une fine ligne en bas de page nous rappelle que nous assistons au spectacle depuis la terre ferme, un ancrage dans le réel pour un phénomène fantastique et intensément poétique. Le lapin, le dragon, le serpent et le cheval, le mouton et le singe qui semble guetter, tranquillement assis sur une grosse branche, apparaissent tour à tour. Et puis le coq pousse un dernier cocorico, la crête dardée vers la lumière un peu jaune d’un ciel où, peu à peu, le soleil descend, et c’est au tour du chien dans le flamboiement du crépuscule, qui veille sur la petite maison qui s’enfonce dans l’ombre. Le cochon ouvre la nuit, pendant que la lune dissimulée dans l’écharpe duveteuse éclaire les petites cabanes de la campagne. Il fait nuit noire à nouveau, le livre se referme sur la dernière phrase du poème « Dans le ciel brillent les yeux des douze animaux », et au son de la guitare de Django Reinhardt, jouant la mélodie éponyme, les yeux des enfants peuvent se fermer : pour eux, la nuit sera douce.
Mais leurs rêves et leur mémoire d’enfants garderont l’empreinte de ce merveilleux nuage. Un magnifique album pour éveiller les petits au pouvoir de l’imagination.

Documentaliste dans l' Education Nationale, et très impliquée dans la promotion de la littérature pour la jeunesse, j'ai découvert la production coréenne il y a plusieurs années, et j'ai été emballée! Je m'attache donc dans Keulmadang à en partager les délices avec les lecteurs, sans m'empêcher parfois de chroniquer un roman ou une bande dessinée pour les plus grands.

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