La course commence. La fillette, qui assiste pour la première fois à ce genre d’événements, mise sur le numéro 9 en lui donnant le nom de « Totor », car celui-ci ressemble à son cheval en peluche. Et contre toute attente son favori remporte la course. Toute à sa joie, elle ne prête pas attention à son grand-père dépité d’avoir perdu son gain, ni aux autres parieurs, qui ont les yeux fixés sur le tableau d’arrivée ou quittent déjà le stade, l’air accablé, foulant les nombreux tickets perdants éparpillés au sol.
Alors que la sortie à l’hippodrome devient l’occasion d’une promenade hebdomadaire avec son grand-père, l’impératif de gagner affiché par son aïeul ternit peu à peu sa curiosité d’enfant pour ces étranges et attachants animaux. Désormais, Totor ressemblent à tous les autres chevaux. Comme se ressemblent toutes les personnes venus ici gagner aux courses, la même soif d’argent illuminant leurs yeux avides.
De fait, l’histoire se propose en deuxième lecture comme une critique de nos sociétés aveuglées par le désir d’argent et l’ambition. Dans la société coréenne en particulier, où l’accent est mis sur la réussite individuelle — la course — dès le plus jeune âge, l’imaginaire, l’émerveillement, bref le monde de l’enfance ne résiste que peu de temps face aux injonctions du réel.
Heureusement, de part son traitement graphique original, son festival de couleurs mêlant gouache et crayon, ce joli album redonne un peu de ciel bleu aux plus jeunes, tandis que son message permettra aux lecteurs adultes de se questionner sur le bien-fondé des valeurs véhiculées dans notre société.
LA COURSE
DE CHO EUN-YOUNG
Traduit du coréen par Kza HAN
Éditions MeMo, 52 pages, 19 €.
Article paru initialement dans _list (www.list.or.kr)