L’auteure, qui dit aimer beaucoup les chats elle-même, nous introduit dans le monde particulier de ces animaux solitaires en choisissant de donner la parole à l’un d’entre eux, qui va nous expliquer la vie, ainsi que la voient les chats. Nous voilà entraînés dans un périple drôle et tendre, où l’enfant, jeune adolescente élevée par sa grand-mère, laisse peu à peu ce petit chat des rues prendre une grande place dans son coeur. L’ayant tout d’abord recueilli pour mieux le revendre, et gagner ainsi quelques wons, Minyeong, une enfant tourmentée par l’absence de sa mère, remariée loin de là, a peu d’amis, qui risqueraient de l’affaiblir, mais la ténacité du petit animal, qui refuse de la quitter, l’obligera à se laisser aller à l’aimer sans retenue.
Pourtant, au-delà d’une histoire de chat, c’est plutôt de la vie des enfants dont parle ce roman. Enfants que des parents occupés peuvent délaisser, confier aux grands-parents, ou à la fratrie, en assurant autant que possible leur confort matériel, mais en négligeant cet accompagnement dans chacun a besoin pour se construire dans la sécurité affective.
Les jeunes lecteurs apprécieront sûrement la vivacité et la spontanéité du chaton, prosaïquement baptisé Minet, sorte de nom-générique, mais l’auteure laissera en eux ce petit pincement douloureux d’une existence qui se forge sur le rude apprentissage de l’autonomie. Car, nous dit Bu Hui-ryeong, chaton ou adolescent, la séparation avec les parents intervient tôt ou tard, et c’est aussi comme ça que l’on devient adulte.
Le premier roman d’une jeune auteure qui puise son inspiration dans la société coréenne d’aujourd’hui, mais aborde un sujet qui concerne l’ensemble des enfants du monde, et peut-être aussi les petits chats : comment devenir grand ?
FÉLINE
DE BU HUI-RYEONG
Traduit du coréen par LIM Yeong-hee et Françoise NAGEL
Éditions Philippe Picquier, 176 pages, 7.50 €.