L’humour, le rythme, la vitalité sont au rendez-vous dans cet album pour les petits très inspiré par un certain cinéma d’animation. Le récit suit le principe d’enchaînement, aussi utilisé par Kim Sang-keun dans Taupe a un souci, procédé classique en littérature de jeunesse depuis Roule galette dans la collection Les albums du Père Castor. La rainette du titre se lance dans une course folle et entraîne à sa suite toute une farandole de prédateurs, alléchés par le sac mystérieux qu’elle transporte. Cette ribambelle est une association hétéroclite d’animaux au physique caricatural, les yeux exorbités, le poil très régulier mais très hérissé par un effet du crayon de couleur à pointe sèche, la bouche ouverte sur des dents très pointues, une évocation illustrée qui correspond probablement à la volonté de l’auteur de signifier avec humour l’avidité ridicule de ces différents personnages. Avoir un tout petit peu peur fait toujours un peu rire n’est-ce pas ?
Cette exagération se retrouve dans une moindre mesure dans la figuration d’un environnement végétal où des cactus roux côtoient des palmiers dans une jungle très fantaisiste, dont l’aspect plus que piquant accompagne la violence de la poursuite. Mais alors que la curiosité de chaque protagoniste est stimulée par la gourmandise, quelle ne sera pas leur surprise en découvrant ce que transporte la grenouille véloce : l’auteur offre alors au lecteur une des plus belles double-pages de l’album, toute en rondeur, fraîcheur et en tendresse, bien éloignée des appétits voraces de ses poursuivants.
Du coup, le dénouement en forme de plongeon général est l’occasion d’un bel éclat de rire, de soulagement aussi, et quand la course repart, c’est au tour de la rainette de s’élancer pour rattraper les autres animaux. Le médiateur de la lecture pourra laisser son imagination prendre le relais pour proposer un récit à la hauteur de l’évocation illustrée, car le texte lui-même est plutôt synthétique. On est loin de la chanson de Roule Galette, comme de celle du Bonhomme Pain d’épice. On peut imaginer que la publication en français a du mal à rendre justice à l’expressivité de la langue coréenne, c’est un des enjeux importants de la traduction d’albums. Mais le récit se passe du texte ici, et c’est bien la qualité première de Kim Sang-keun, ce raconteur d’histoires en images.
À noter que le catalogue de l’éditeur propose des liens vers des activités d’exploitation de l’album en classe : https://www.anebate-editions.fr/vite-vite-rainette. Ce catalogue est aujourd’hui repris par les éditions Beurre salé, de Varades en Loire-Atlantique.
Un album divertissant et sympathique.
VITE,VITE, RAINETTE !
KIM SANG-KEUN
Âne Bâté, 40 pages, 13.90 €.
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