Dogani (도가니), intitulé Silenced à l’international, est un film tiré du roman éponyme de Gong Ji-young publié en 2009. L’auteure est notamment connue en France pour son roman Nos jours heureux. Ses sujets de prédilections sont le monde du travail, les gens dans la précarité, la discrimination, l’égalité des sexes et la protection des mineurs, dont traite ce film.
Fidèle au roman, le film retrace le parcours du jeune professeur Kang In-ho (interprété par le célèbre acteur Gong Yoo), transféré dans une école pour enfants sourds-muets, en 2005. Dès son arrivée, il découvre que les élèves sont victimes d’abus sexuels par le corps enseignant et la direction, le tout sur fond de corruption. Bien que le l’intrigue s’entoure d’une part de fiction (l’école se trouve à Mujin, ville factice), les faits sont inspirés d’une histoire vraie, l’affaire Inhwa (nom réel de l’école).
Des agressions sexuelles sur enfants handicapés sont signalées au centre d’aide aux enfants victimes de violences sexuelles. Le 1 novembre, l’affaire est relayée à la télévision ; des arrestations ont lieu le 17 du même mois, mais les inculpés sont finalement relâchés et rétablis dans leur fonction. On n’entend plus parler de l’affaire Inhwa jusqu’à la sortie du livre deux ans plus tard, puis du film qui aura beaucoup plus d’impact. Outre Gong Yoo, le casting comprend Jung Yu-mi, Baek Seung-hwan, Kim Hyeon-su et Jang Gwang. Réalisé par Hwang Dong-hyuk, le film est sorti dans les salles de cinéma en 2011.
Attouchements, viols, tonte des cheveux pour les filles et bastonnade pour les garçons : le film dresse la liste des violences subies par les enfants. Parfois même, les sévices continuent après les cours, lorsque certains enseignants décident de ramener les élèves à la maison. Dès que le professeur Kang In-ho prend connaissance des faits grâce aux témoignages de trois élèves, il porte l’affaire devant les autorités.
Membre éminent de la communauté religieuse de Mujin, le directeur d’école, principal mis en cause, s’attire rapidement la sympathie du public lorsque la nouvelle s’ébruite, au grand dam des victimes et leurs parents. Et le juge corrompu n’aide pas à faire la lumière sur les violences subies par les enfants : vite classée, l’affaire est réglée, à l’amiable, par des arrangements financiers. Avec des conséquences tragiques : un élève dans le désarroi se jette sous un train. Trois des principaux accusés écopent finalement de six à huit mois d’emprisonnement. Le film se clôt sur la scène où le professeur Kang et deux de ses élèves manifestent devant le tribunal pour que justice soit faite.
Le film a profondément touché le public coréen et international grâce à la tristesse et la compassion que l’on ressent pour les élèves, et ce puissant sentiment de révolte naissant en nous au fur et à mesure que l’on visionne le film. Les scènes de violence sont très visuelles, sans sous-entendus et appuyées par une musique qui souligne la cruauté et la perversion dont font preuve les adultes.
Le film eut un écho international et fut représenté lors de nombreuses cérémonies, se plaçant 4e au box-office mondial à sa sortie. Il fut nominé pour le prix de Meilleur Film, de la Meilleure Actrice pour un second rôle (Jung Yu-mi) et pour le Grand Bell Awards. Il reçut également des récompenses, le Prix du Public et du Dragon Noir décerné au Far East film, ainsi que le prix Paysage obtenu lors du festival du film coréen à Paris, en 2012. En Corée, le film est premier au box-office et génère près de 6 millions d’euros de recette, et le livre devient rapidement un bestseller, trois ans après sa publication. Le critique Ahn Si-hwan déclare d’ailleurs : « Au cours des dernières années, nous n’avons vu presque aucun film sud-coréen examinant activement l’état de notre société comme le fait Silenced. » La société coréenne se révolte, trouvant la justice trop clémente et demande une réouverture de l’affaire. En novembre 2011, l’école Inhwa sera fermée et les coupables seront rejugés. Le directeur, âgé alors de 63 ans , sera condamné à douze ans de prison pour agression sexuelle et abus d’autorité, et devra porter un bracelet électronique pendant dix ans. Un changement législatif s’opère et la loi Dogani sera votée en octobre 2011. Elle élimine le délai de prescription pour des actes commis sur les enfants en dessous de treize ans et les femmes handicapées, et augmente les peines de prison. Autrefois, la condamnation pouvait s’élever à sept ans de prison pour sévices sur handicapés, et jusqu’à dix ans s’il s’agissait d’enfants. La sanction passe donc à une possibilité d’emprisonnement à vie. La clause « impossible de résister », qui consistait à demander aux victimes (en particulier les handicapés) de prouver qu’ils étaient physiquement ou mentalement incapables de résister à leur assaillant, sera abrogée car elle permettait à trop grand nombre d’agresseurs sexuels d’échapper à la justice. Une sanction additionnelle sera portée à l’encontre du « meneur », si les violences sont commises en groupe.
Ainsi, Hwang Dong-hyuk a permis, grâce à l’art du cinéma, la réouverture d’une affaire classée sans suite et de rendre justice à des enfants qui ne pouvaient se défendre à l’époque. Les faits sont examinés à nouveau (non plus sur fond de corruption) et la loi est modifiée pour permettre une plus grande équité envers les handicapés et les enfants. Parfois, les images, ici cinématographiques, peuvent être plus fortes que les mots. Le film a fédéré les énergies de la société coréenne, qui voit en Dogani un révélateur de l’époque. Comme dirait le professeur Kang In-ho : « Les plus belles et plus précieuses choses au monde ne peuvent être vues ou entendues mais seulement ressenties dans notre cœur. »
J’ai été absolument bouleversée par le film bien qu’il soit difficile à regarder tant les atrocités commises sur ces innocents et l’injustice subit sont dures à supporter jusqu’au bout , mais sachant que tout est vrai, c’est un film indispensable à voir et si le cinéma peut être une force pour éviter que de telles choses se reproduisent, alors tant mieux !