Quel sentiment plus naturel et universel que la recherche d’appartenance ? Le désir d’être intégré, aimé, compris, entendu, c’est ce que recherchent les âmes solitaires de ce roman. Kang Yeonu, jeune lycéen, vit seul avec sa mère, Mina. C’est à la suite d’un énième déménagement qu’il fait la connaissance de Taesu, futur camarade de classe un peu badin qui a du mal à se réadapter à l’exigence coréenne après son année aux Etats-Unis. Puis, par la fenêtre de sa nouvelle chambre, le regard de Yeonu croise celui de Chaeyoung, jeune fille méfiante mais tendre pour qui il développe rapidement des sentiments. Mais les premiers émois s’accompagnent des premières déceptions, alors que Yeonu découvre l’âpre goût de l’amour, de la solitude, de la jalousie peut-être.
« De temps en temps, je pense ça. Dieu a fabriqué deux êtres humains pareils. (…) Ils se cherchent toute leur vie mais il peut arriver qu’ils ne se rencontrent pas. C’est pas qu’ils ne se rencontrent pas, mais ils ne savent pas qu’ils se cherchent. » (192-3).
Bien au-delà de la flamme amoureuse, ce roman dresse le portrait d’adultes détachés du système traditionnel, et de leurs enfants navigant dans l’inconnu. Des adolescents qui trouvent refuge dans la musique – un moyen de mettre des mots sur l’insaisissable, de traduire les sentiments qui les tiraillent. Une œuvre criante de vérité sur la société ultra-moderne dans laquelle nous luttons, en manque de repères.
« Je n’ai pas peur d’être malheureuse mais de perdre l’estime de moi-même. » (p. 105)
La jeune génération tout particulièrement est lavée de ses rêves dans cette société qui prône une excellence vide de sens : « Pas de grands rêves ? Mais c’est pas étonnant. Quand on grandit, dans un moule qui nous impose des choix dont on nous garantit les résultats, comment pourrait-on acquérir miraculeusement de l’ambition et le goût du risque ? » (234), dénonce une élève. Un discours qui n’est pas sans rappeler le propos de Génération B de Chang Kang-myoung (Decrescenzo, 2019).
Dans un style qu’on lui connaît, Eun Hee-kyung livre de longues descriptions détaillées des banalités de la vie, un moyen d’apprivoiser les relations humaines et le besoin de communiquer. Un bémol : une traduction qu’on sent parfois encore trop littérale malgré sa réédition.
Encouragez donc les garçons !
EUN Hee-kyung
Traduit par Hélène LEBRUN et YUN Yennie
Atelier des Cahiers, 250 pages, 19,50€