Les livres érudits sur la Corée sont suffisamment rares, autant ne pas les rater lorsqu’ils paraissent, comme ce volume sur le Royaume de Goguryeo, que nous devons à Ariane Perrin et Olivier Bailblé.
On court toujours le risque d’être démenti en datant les Trois Royaumes de Corée, tant leurs formations suscitent de débats entre spécialistes coréens, du sud au nord. Si l’on néglige les autres petits États indépendants, on retient pour Goguryeo la date de -37 à 668, date à laquelle le Royaume de Silla unifia la péninsule. Cet état situé au nord-est de la Chine et dans la partie septentrionale de la Corée était le plus grand des États de Corée, dont les frontières remontaient profondément dans la Chine ancienne. Aujourd’hui, il recouvre très partiellement la Corée du Nord.
Dans la première partie intitulée « Les vestiges matériels du royaume de Koguryŏ en Corée et dans le nord-est de la Chine », Ariane Perrin, historienne de l’art, spécialiste de l’histoire de l’art coréen et enseignante à l’université Ca’ Foscari, prend soin d’établir un cadre historique de formation du Royaume en ayant recours à l’apport archéologique, avant de dresser un inventaire des tombes, des monastères bouddhiques, du statuaire, parmi les plus anciens, que l’on retrouve dans la péninsule. Livre abondamment illustré, on y découvre dans les tombes royales la représentation de scènes qui retracent vie et carrière, portrait funéraire, représentations du défunt, emplacement pour les offrandes. Dans les magnifiques peintures murales ou dans le statuaire, on y décèle la très ancienne influence chinoise sur la Corée et particulièrement sur le royaume frontalier de Goguryeo.
La deuxième partie du volume, « Anthologie des textes et inscriptions du Koguryŏ : textes en chinois classique et en chinois classique de type pré-idu », est commentée par Olivier Bailblé, maître de conférence en Études coréennes à l’université d’Aix-Marseille. Il établit une anthologie des textes et des inscriptions du Royaume en réunissant des textes originaux préservés jusqu’à ce jour, pour la plupart des textes inconnus présentés pour la première fois en langue française. On imagine la difficulté à traduire ces caractères chinois classiques de type pré-idu, ce système de transcription des caractère chinois en hangeul classique. Olivier Bailblé se livre à une traduction de stèles – dont la plus connue, la stèle de Gwanggaeto –, de tombes, d’antichambres funéraires, ou encore de récipients. Nous imaginons bien la difficulté, certes propre à la traduction de textes classiques, à traduire des textes quand les caractères ont été effacés par le temps, mais on y découvrira un témoignage capital sur les pratiques rituelles, sur les croyances et le système de pensée de l’époque.
Les deux parties associées donnent un joli volume, résultat de sources textuelles autant que de fouilles archéologiques qui permettent d’en savoir plus non seulement sur les vestiges mais aussi sur le développement de ce royaume, le mode de vie et de mort de ses occupants. Certes l’ouvrage n’est pas de type grand public, mais le lecteur curieux trouvera là un témoignage essentiel sur une courte période de l’histoire de ce royaume mystérieux, assez méconnu dans le monde occidental.
Le Koguryŏ, un royaume de l’Asie du Nord-Est
Ariane Perrin et Olivier Bailblé
Atelier des Cahiers, juin 2023