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L’art du cinéma coréen

Le cinéma coréen, devenu l'un des cinémas étrangers les plus populaires, a ses aficionados et ses critiques. Le livre d'Antoine Coppola dresse le portrait d'une production sans pareille et analyse en spécialiste films et dramas à succès.

Bienheureux cinéma coréen qui nous parvient en France, le meilleur sans doute réservé à l’exportation. Seuls un ou deux films sont distribués par an mais c’est à chaque fois un grand bonheur de spectateur. Un cinéma oscillant entre culture coréenne typique et clin d’œil au désir de mondialisation des industries culturelles du pays. Il faut donc lire cet essai L’Art du cinéma coréen, analyses et commentaire, de Antoine Coppola, publié par la sympathique maison d’édition Sombres Rets, de laquelle nous espérons la poursuite de sa jolie collection de poésie coréenne. Antoine Coppola est sans nul doute le meilleur spécialiste du cinéma coréen, nord et sud, même si le nord est moins prolifique. Professeur de cinéma à l’université de Sunkyungwan, cinéaste, il est surtout un critique sans concession comme en témoigne l’introduction de son livre :   « Analyser un film ne finit pas comme le disait Jean-Louis Leutrat à toujours « laissé échapper l’essentiel » ». Et plus loin : « Ce qui nous intéresse parle avant tout de ce qui est très directement sur l’écran et dans la bande son« , suivi d’une plus mystérieuse déclaration :  « et vient percuter la pauvre mais consentante psyché du spectateur et de la spectatrice ». Mais plus loin encore : « Le film est le résultat de multiples volontés », déclaration s’inscrivant dans la tradition de l’intervention active du spectateur comme du lecteur.

Le postulat est posé, la suite d’articles illustre un point de vue constituant en quelque sorte l’épistémologie du chercheur. Ce qui est remarquable, c’est que l’analyste ne résume pas son propos autour du film en tant que produit d’images et de sons, mais aussi à l’environnement, affirmant ainsi que le film ne naît pas d’un désert social. Point particulièrement important en Corée dont on connaît la propension à faire de l’actualité un point d’ancrage, facilité par la capacité toute coréenne à décider rapidement et à produire tout aussi rapidement. Et cette analyse est sans concession. Du nécro capitalisme présent dans Squid Game, à un démontage en règle du film Voir le pays du matin calme ou le critique remet le film et son réalisateur dans le sens de l’histoire. Antoine Coppola poursuit ainsi son travail de rétablissement à propos de la Corée du Nord et du cinéma qui la concerne, après les deux périodes politiques des présidents Lee Myung-bak et Park Geun-hye, les Nord-coréens n’apparaissaient pas sous leur meilleur jour, même si pour les besoins de la cause, le discours devait abuser de grosses ficelles. Ce changement d’image des Nord-coréens chez les Sud-coréens devrait se poursuivre au nom de l’apaisement des relations entre les deux gouvernements, si rien ne change d’ici là. Ce changement d’image au moins dans les films que nous avons vus, se confirme dans le drama à succès Crash landing on you, où la vie sociale nord-coréenne est particulièrement mise en valeur.  La chaîne de télévision qui diffusa ce drama fut accusée de mettre la sécurité nationale en danger. Longue interview du regretté Kim Ki-duk dont l’œuvre fut sans doute plus apprécié à l’international que dans son pays, et qui nous fit pense à son film très intime Arirang. Particulièrement apprécié également l’analyse du film Thirst, de Park Chang-wook, que le critique transforme en un véritable moyen de comprendre la société coréenne ou la critique de Burning de Lee Chang-dong, réalisateur que nous avions invité à Aix-en-Provence, en collaboration avec l’Institut de l’image. Le parti-pris de Coppola ne se contente pas de dépouiller les images de leur sens – il n’y a que les cadavres que l’on dissèque – dans la perspective d’en établir une analyse critique, mais d’en prolonger le sens pour que se confrontent esthétique et politique, sémiologie et psychologie. La conséquence la plus visible de cette approche se marque par l’originalité du style dont Coppola se sert comme moyen d’attirer l’attention, invitant à penser le texte, comme il a dans son introduction invité à penser l’image.

Les amoureux du cinéma coréen, les aficionados, devront donc impérativement lire L’Art du cinéma coréen s’ils veulent comprendre non seulement les modes de production et l’esthétique du cinéma coréen, mais aussi les valeurs philosophiques politiques et sociales qui s’en dégagent.


L’Art du cinéma coréen, analyse et commentaires
Antoine Coppola
Éditions Sombres rets, 2023
192 pages, 14€

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