Solo Leveling, Dungeon Reset, Lecteur Omniscient, The Gamer. Une grande diversité de webcomics influencés par les jeux vidéo. Nous le savons, le virtuel attire et fascine. Bien que toutes les nationalités se soient mises dans le domaine, les Asiatiques restent les maîtres dans l’art. Le Japon avec Nintendo, la Corée du Sud avec le meilleur joueur de League of Legends, Faker. Dans le pays du matin frais, les touristes peuvent aisément trouver des PC Bang, des salles remplies d’ordinateurs où l’on peut payer à l’heure pour jouer. C’est très populaire et assez fréquenté par les sud-coréens. Le fait d’avoir à disposition à un prix très abordable des ordinateurs dernier cri permet la propagation de ce divertissement. C’est pourquoi il n’est pas étonnant d’apercevoir des livres, webtoons et films s’en inspirer. Le dernier scénario sur les jeux vidéo sortit par KBOOKS, The Gamer (더 게이머 – 2013) est une transposition du virtuel dans le monde réel.
Ji-Han est un lycéen ordinaire qui perçoit du jour au lendemain des numéros de niveau affichés au-dessus de la tête des êtres vivants. Il ne comprend pas trop ce qu’il se passe puisque cette apparition ne change rien à sa vie, si ce n’est qu’à chaque montée de niveau il peut choisir d’améliorer une compétence. D’ailleurs, à la différence des autres jeunes qui préfèrent investir dans l’intelligence, il favorise la force. Un jour, alors qu’il rentre chez lui, il finit par assister à un combat qui marque à tout jamais sa vie. Cela va le perturber et détruire la réalité qu’il connaissait. Et si finalement, le titre qu’il avait au-dessus de la tête, « The Gamer », était en fait bien plus impressionnant que ce qu’il pensait ?
Seong Sang-Yeong (성상영), l’auteur de ce webcomic et de plusieurs romans fantasy, imagine un monde où la frontière entre le virtuel et le réel est très mince. Avoir un compteur de niveaux et des capacités spéciales devient la norme. C’est d’ailleurs comme si cela avait toujours été le cas. Il n’y a pas de monstres à tuer, ni de quêtes épiques à réaliser – ce qui peut décourager certains lecteurs – mais, au fil de la lecture, on se rend compte que les véritables monstres sont des humains – une morale que l’on retrouve dans Dungeon Reset ou encore dans Return Survival.
Les classes sociales sont devenues des classes et des niveaux. Les levels (niveaux) les plus élevés font partie de la haute société, tandis que les plus bas sont moqués et traités comme des moins que rien. Il faut bien investir ces points de compétence gagnés. Le personnage principal énonce même qu’il a commis une erreur en choisissant de monter ses compétences de force et non pas celles d’intelligence comme le font les autres.
« À quoi sert la force dans cette société moderne ? » (p.14)
The Gamer comprend de nombreux termes issus du jeux vidéo mais pas de panique, ceux-ci sont expliqués et détaillés. C’est le cas aussi pour la plupart des emprunts originaires de la langue coréenne. La traductrice Angeline Loudieres a fait le choix d’une traduction restant au plus proche de l’originale bien qu’à certains moments, pour une meilleure compréhension du lectorat français, elle ait été obligée de transposer des termes comme « baccalauréat » qui n’existent pas en Corée du Sud. Pour les plus observateurs, quelques caractères chinois et plusieurs références cinématographiques et webcomics se trouvent entre les pages.
Dans cette série, les lecteurs découvriront une opposition entre le surnaturel et la science. Elle évoque subtilement des religions telles que le chamanisme et le bouddhisme, toutefois, elle explicite l’existence de fantômes et d’une puissance qui aurait donné des dons aux humains. Il est même question de “punition divine”.
« Laisse-moi continuer. En tout cas, les gens lui trouvent différents noms. Mais en général… On l’appelle “Dieu”. » (p.129)
Cependant, en mentionnant la présence d’une “volonté transcendantale qui régit cette planète” (p.129), l’auteur choisit de l’expliquer par des théories venant de la science. Association de deux mondes qui se confrontent quotidiennement.
Comme de nombreux coréanologues le savent, depuis plusieurs années, les coréens sont fascinés par l’univers Z. Nous retrouvons les zombies partout. Dans le cinéma avec Dernier Train pour Busan (Yeon Sang-ho, 2016), dans les romans avec Séoul Zone Interdite (Jung Myeong-seop, 2018), ou encore dans les webcomics avec Return Survival (Kim Mu-hyeon, Yeon Woo-sol, 2023). Néanmoins, à leur différence, ceux présents dans The Gamer ne semblent pas avoir un réel impact sur l’histoire. Dans le tome 1, ils sont seulement un moyen pour le personnage principal de monter de niveau et d’assister à des scènes qu’il n’aurait pas dû voir.
Pour les fans d’arts martiaux, cette bande dessinée vous ravira. Que cela soit des noms, des clans, ou des références à des techniques de combats, la culture de combat traditionnelle coréenne est omniprésente. Pour les moins connaisseurs, cela sera une vraie découverte.
The Gamer est un webtoon qui saura ravir les fans de jeux vidéo. Se mettant dans la peau du personnage de Ji-Han, les lecteurs découvriront une réalité où le protagoniste est le héros principal d’un jeu transporté dans un monde normal. Un étranger dans l’univers qui l’entoure. Ils découvriront une inspiration différente de celles habituelles. Mais surtout, ils plongeront dans la culture des combats coréens qui régit les pages de ce livre.
Une aventure inconnue où Ji-Han est autant perdu que les lecteurs.
The Gamer
Seong Sang-young
Illustré par Sang-a
Traduit du coréen par Angeline Loudieres
Kbooks, 2023