Le précédent essai La Corée du Nord en 100 questions, des mêmes auteurs Juliette Morillot et Dorian Malovic avait déjà eu le mérite de brosser un portrait à la fois synthétique mais suffisamment complet, malgré la méthode choisie, pour donner du pays la réalité la plus objective possible. Depuis, la situation du monde à bien changé, pandémie, guerre en Ukraine, Israël et Gaza sur fond de déplacement des influences géostratégiques, la Corée du Nord se trouvant projetée sur le devant de la scène, non seulement pour les essais nucléaires qu’elle continue de pratiquer malgré les sanctions et les avertissements occidentaux, mais aussi et surtout, parce qu’elle est devenue un acteur du déplacement des influences par le groupe Chine-Russie-Corée du Nord. C’est tout l’intérêt du présent essai La Corée du Nord en 100 questions, l’obsession nucléaire, que de revitaliser des questions anciennes à la lumière de l’actualité et de mettre à jour des questions nouvelles. Le pays malgré ses 23 millions d’habitants et une économie délicate continue de peser dans les relations, contraignant d’abord la Corée du sud à se contenter de réagir plutôt qu’agir. Il fallut donc que les auteurs reprennent le livre et le transforme radicalement, plutôt qu’ajouter des nouveautés sur fond de textes anciens.
En 100 questions les deux auteurs balaient la problématique du pays qui se joue des avertissements comme des sanctions. Chaque question appelle une réponse circonstanciée, les auteurs ne se contentant pas d’une réponse guidée, choisissant plutôt d’élargir la problématique qui sous-tend la question. Certes, la méthode ne favorise pas la dialectique, mais le lecteur y gagne en clarté ce qu’il risque de perdre en analyse plurielle. Les 100 questions abordent des terrains bien connus, comme les questions relatives à la naissance du pays, mais d’autres questions surprennent comme la question 29 par exemple : Pourquoi fallait-il éliminer Kim Jong Nam ? le frère de Kim Jong-un ou encore la question 45 : Derrière la menace nucléaire que veut réellement Pyongyang ? Cette question permet de comprendre la position de la Corée du Nord et sa revendication d’une place dans le concert des nations. La Corée du Nord a fait de son programme nucléaire un point indépassable que les expériences de la Libye, de la Syrie et de l’Ukraine, qui toutes ont abandonné la bombe nucléaire, avec le résultat que l’on connaît. La négociation que mène la Corée du Nord avec principalement les USA n’est pas fantasque. Il s’agit pour le pays de demander à la fois la reconnaissance et la levée des sanctions qui permettrait à son économie de sortir la tête de l’eau. Loin d’être le fou que la presse continue de décrire, Kim Jong-un montre ses capacités à manœuvrer sur la scène internationale et à participer à une refonte des relations nord-sud. Toutes les questions ou presque que l’on se pose sur la Corée du Nord figurent dans ce livre de 400 pages, des questions les plus fréquentes aux questions les plus inhabituelles, dressant du pays un portrait qui n’est pas à charge, et tentant de comprendre la politique et le système Nord-Coréen, au milieu des influences internationales. Et le lecteur qui penserait le livre entièrement orienté vers la question nucléaire, se reportera utilement à la question 82 : Comment s’aime-t-on en Corée du Nord ? Rendons aussi grâce aux auteurs d’avoir utilisé un système de transcription des termes coréens parfaitement lisible par les lecteurs.
La Corée du Nord en 100 questions, l’obsession nucléaire
Juliette Morillo et Dorian Malovic
Taillandier, 2024
416 pages, 19,90€