En ce mois de juin, la maison Decrescenzo éditeurs offre à ses lecteurs un bouquet de poèmes signés Do Jong-Hwan. À la fois rêveurs et introspectifs, ils rappellent les longues promenades de Victor Hugo dans Les Contemplations. Comme ce dernier, Do Jong-Hwan a vécu la perte tragique d’un proche, comme lui il s’est révélé fervent humaniste et s’est engagé en politique, jusqu’au jour où ses souvenirs l’ont rattrapé et où il a écrit ce recueil dans lequel il rend hommage à sa femme soudainement disparue.
Comme en témoigne le titre, Nulle fleur n’éclot sans trembler est une œuvre de résilience qui laisse transparaître autant de nostalgie que d’optimisme. Le deuil, qui est un thème central du recueil, est évoqué de manière subtile par le poète qui préfère la nostalgie à la mélancolie. Les poèmes étant de longueur variable et sans ponctuation, il apparait libre et spontané malgré le poids des ses mots. Par le biais de ses souvenirs, il prend la mesure du temps qui passe et apprivoise l’incertitude. Il regarde les fleurs qui s’épanouissent et qui fanent, les arbres qui verdissent puis perdent leurs feuilles, et semble se réconcilier avec son passé pour mieux envisager l’avenir.
Comme souvent dans la poésie lyrique coréenne, le « je » est un observateur qui apprend à se connaître en contemplant le monde. En puisant dans la nature une grande part de son inspiration, Do Jung-hwan inscrit sa pensée dans le cycle de la nature et témoigne de scènes quotidiennes joliment fugaces : « Le jour où un arbre se colore », « Chute de pétales », « Lettre de mai », « Magnolia »…
« Cette nuit est pluvieuse »
Cette nuit est pluvieuse,
Dans le silence à quelque endroit j’ai mal
La nuit emporte des pétales de fleurs vers le ruisseau
Le temps emporte mon corps vers le ciel de l’ouest
Après les fleurs après le temps que restera-til
Par une pluie pluvieuse, mon cœur est sans appui
Organisé en cinq parties, le livre offre un cheminement et des étapes qui donnent l’impression d’un voyage initiatique. La solitude du poète, ressentie et exprimée dans la majorité des poèmes du recueil, permet au lecteur de se glisser sans gêne à ses côtés et de contempler le paysage de ses propres souvenirs. Malgré son caractère intimiste, Nulle fleur n’éclot sans trembler est donc un livre chaleureux et accueillant qui mérite d’être lu et relu, à la maison, dans un parc, ou en chemin. Il est de ceux qui font du bien et que l’on aime picorer, en début d’après-midi, le matin en se réveillant ou au beau milieu de la nuit, sans jamais s’en lasser.
Nulle fleur n’éclot sans trembler
DO Jong-Hwan
Traduit par LEE So-yeong et Jean-Claude DE CRESCENZO
Decrescenzo éditeurs, 2024
128 pages, 14€
Merveilleuse chronique. J’aime beaucoup ce recueil d’une grande délicatesse.