Sur un beau papier épais, le lecteur découvre le monde de l’étang au petit matin : sur la double page, dans un camaïeu de bleu, les fonds à l’aquarelle évoquent la fraîcheur de l’air, la douceur de la lumière tandis que les motifs au crayon de couleur donnent vie et mouvement au spectacle que l’illustratrice Yum Hyewon nous offre comme cadre à l’histoire de Bernardo.
Car c’est un livre d’atmosphère, un concentré de sensations. Le texte poétique de MK Smith Despres dans sa traduction en français, nous présente le personnage de cette grenouille qui profite agréablement de la vie au jour le jour, dans un environnement merveilleux. En réalisant son bonheur, Bernardo a soudain envie d’y participer plus activement, et pourquoi pas… en chantant ? Las ! Malgré tous ses efforts le jour durant, Bernardo ne parvient qu’à surprendre, agacer voire effarer le monde animal alentour. Pourtant, les grenouilles chantent elles aussi, même si leur chant n’est pas aussi mélodieux que celui des oiseaux. Il faudra la rencontre avec un sage escargot pour que Bernardo comprenne qu’il est seulement… à contre-temps !
Hyewon Yum fait de la nature autour de Bernardo un tableau vivant et dynamique grâce à la variété de points de vue, de plans, et de distribution sur la double page, jouant aussi avec les échelles de grandeur pour mettre en scène les mouvements mais aussi les émotions qui traversent tout le petit monde. L’illustration livre ainsi un récit sensible et drôle grâce à une artiste talentueuse qui sait varier les techniques pour servir son motif.
Pour le plus grand plaisir du lecteur, sur les fonds aquarellés ou encrés translucides, où se perd la limite entre ciel, eau et terre, l’artiste utilise la palette infinie des crayons de couleurs pour brosser le portrait animé des multiples oiseaux des bois et des champs, mais aussi du héron posé sur la rivière, des cygnes au palmé langoureux, du hibou guetteur dans la nuit, des petits animaux et des innombrables insectes qui volètent ou se cachent sous les feuilles : au rythme des sauts et des multiples tentatives de Bernardo, l’ensemble constitue une magnifique promenade d’observation de la nature !
Et c’est en écoutant les bruits du crépuscule, confortablement installé sur le dos d’un gros champignon avec son nouvel ami l’escargot, que Bernardo reconnaît enfin son rôle : chanter la berceuse de la nuit, qui « s’élève des pierres encore chaudes, berce les branches en forme de nid, et, poli, s’interrompt chaque fois qu’une étoile scintille. »
Nous aussi, on adore ça !
La Chanson de Bernardo
MK Smith Despres, YUM Hyewon
Traduit par Rosalind Elland-Goldsmith
Didier Jeunesse, 2024
52 pages, 14€